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Réflexions sur cette « exception culturelle française » qui a conduit José Manuel Barroso à qualifier la France de « réactionnaire » dans les colonnes du Daily Mail.

 

« L’exception culturelle française » a été une idée d’avant-garde et d’après guerre. D’avant-garde, car après les années de tumultes traversées par l’Europe, chacun comprit que les nationalismes étaient morts et que certains accords comme le GATT allaient provoquer un effacement progressif des frontières. D’après-guerre car cette « exception » est une première réponse formulée à la pax americana consécutive à la victoire des Alliés en 1945.

Bien qu’elle ne concerne principalement que le cinéma et la musique, elle n’en demeure pas moins un premier acte de résistance face à l’impérialisme d’un Oncle Sam bien décidé à imposer sa langue et sa culture au reste de l’occident. Au fil des années, cette belle idée a continué de susciter les moqueries tant de The Guardian que des producteurs hollywoodiens mais il n’empêche : elle s’est effondrée. Les blockbusters américains se hissent systématiquement en tête du box office quand nos sacro-saints films d’auteur prétentieux passent inaperçus (ce qui n’est pas plus mal) dans les salles obscures hexagonales comme celles de l’étranger.

La culture face au libéralisme

Par snobisme, il est souvent préférable de vanter cette exception culturelle qui ne dépasse pourtant pas nos frontières et de feindre le mépris envers l’industrie du spectacle globalisée. Et pourtant. La culture est une affaire de transmission dans le temps mais aussi dans l’espace. Que serait le romantisme sans les lakistes anglais ni le Sturm und Drang allemand ?  Comment Sartre aurait-il écrit L’Être et le néant sans Être et temps d’Heidegger ? Actuellement, qu’écrirait Houellebecq sans Bret Easton Ellis ? Mettre un patrimoine culturel sous cloche, c’est ne rien comprendre au processus créatif qui ignore par définition les barrières.

Le bienfait du capitalisme que Marx pressentit en son temps, c’est bel et bien ce développement des moyens de communication entre les peuples et par extension cette possibilité d’échanges culturels. Il ne sert à rien, dans ce débat, de jouer au souverainiste de pacotilles heurté par les propos de ce Barroso que toute l’Europe méprise déjà suffisamment : il faut accepter l’idée selon laquelle la culture fait partie d’un marché qui lui permet de s’exporter à l’autre bout du globe.

La défaite de Barroso le réactionnaire

Dans le Daily Mail, José Manuel Barroso a provoqué la fureur hexagonale en qualifiant la France de « réactionnaire » à cause de sa volonté de maintenir cette « exception culturelle » dans le cadre des accords commerciaux entre l’Union Européenne et les Etats Unis.

Mais ce qui a provoqué l’ire du peuple français à l’égard du président de la Commission européenne, ce n’est évidemment pas cette nouvelle pique à l’égard de notre prétendu chauvinisme, c’est bien parce que ce dernier peste une nouvelle fois contre notre refus obstiné de courber l’échine face à ses dogmes ultralibéraux. Depuis 2005 les Français lui disent non. A lui. A Jean Quatremer. A Alain Minc. A Delors. A Bruno Le Maire. A ces élites qui veulent plus « d’intégration européenne » et de « rigueur ». A ces Puissants qui planifient le saccage social et la misère des populations.

Le vrai réactionnaire, c’est donc Barroso. Cet instigateur invisible des politiques d’austérité. Ce Dupont de Ligonnès de la finance qui assassine froidement les peuples et se planque à Bruxelles. Réactionnaire parce qu’il va à l’encontre des aspirations des peuples européens qui réclament à présent davantage de souveraineté et de justice sociale que de « maîtrise des dépenses publiques ». Parce qu’il refuse le sens de l’Histoire. Parce qu’il refuse l’Histoire.

Julien de Rubempré

 

 

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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