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Michel Maffesoli publie Ecosophie aux éditions du Cerf. Cette « écologie pour notre temps » qui est en partie une explication de son grand thème de l’enracinement dynamique est aussi et surtout un livre d’une profonde sagesse et d’une grande acuité. 

Si, étymologiquement, la philosophie est amour de la sagesse, l’écosophie comprise au sens maffesolien serait l’amour (sophos) de la maison commune (oîkos) que la folie progressiste enferme, voire détruit, par la technique. L’arraisonnement de la nature, grand thème d’Heidegger, est ici analysé à travers le prisme des pensées antiques pour célébrer le vivant, le végétal, le minéral et l’humain. Il est écrit (p.48) : « (…) le néant, en tant que matrice, est justement ce qui donne à être. Les racines ne sont-elles pas, précisément, le symbole de la croissance végétale, donc de la vie ? » pour mieux remettre en cause le paradigme d’aujourd’hui qui dénature au sens propre. Qui déracine. 

« Le visible a pris le pas du l’invisible. L’immanent sur le transcendantal ». 

En bon heideggerien, Michel Maffesoli s’intéresse à ce qui est, à l’Être qui se saisit dans son surgissement. L’étonnement demeure à cet égard le vecteur privilégié d’appréhension de l’universel devenu abstrait : « Avec la mondialisation abstraite une ‘cosmopolis’ rationnelle tend à prendre la place d’une ‘cosmogonie’ à dominante émotionnelle où les rêves, les mythes et diverses légendes contribuaient à cette solidité organique unissant, en un mixte fécond, la nature et la culture » (p. 55). En d’autres termes, le visible a pris le pas sur l’invisible. L’immanent sur le transcendantal. 

Du corps et de l’âme 

Cette pensée qui n’habite plus le monde, qui a coupé son lien l’unissant au locus amoenus cher aux poètes antiques (Théocratie, Virgile), a donc perdu son « enracinement dynamique ». Joseph de Maistre est ainsi judicieusement cité : « Nous accusions les Anciens d’animer toutes les parties de la nature. La postérité nous accusera peut-être de les tuer toutes ». Ce panthéisme originel, ventre fécond de la création et de la croissance en pleine communion entre l’Être et la matière, est cette puissance dionysiaque que notre temps a refoulé au profit du déracinement, de la quête effrénée de l’illimité et du profit. 

« Limitation, je le rappelle, que l’on retrouve dans la determinatio latine, cette borne délimitant un terrain, ce qui le rend fertile par rapport à l’illimité du désert ». 

Dans un bel hommage rendu au portail de Notre-Dame (p. 77) et sa « ronde des oeuvres et des jours », Michel Maffesoli rappelle ce qu’était la coexistence du matériel et du spirituel vécue au quotidien : « N’est-ce pas cela que l’on pouvait observer dans la vie de tous les jours, sur les porches des églises et des cathédrales répandues dans toutes les villes et les villages ? ». La menace latente qui pèse sur la place du sacré est un autre exemple de cette dissociation funeste entre l’Esprit et la Vie. La religion ainsi bornée, retranchée, circonscrite, court le risque du fanatisme. 

L’auteur d’Être et temps est également repris pour expliciter le thème de la « Sensibilité écosophique » (p. 158) : « (…) Heidegger rappelle que pour les Grecs, ‘Être’, c’est parvenir à une certaine tenue. Ce qui conforte la stabilité. C’est-à-dire ce qui accepte la nécessité de la limite. Limitation, je le rappelle, que l’on retrouve dans la determinatio latine, cette borne délimitant un terrain, ce qui le rend fertile par rapport à l’illimité du désert ». L’être-là au monde se découvre par conséquent en mesurant un cadre, des frontières dans un espace donné. 

Cette Ecosophie est à lire et à relire. Il est des livres anxiogènes, catastrophistes et alarmistes. Il en est d’autres qui confinent à la niaiserie et à la platitude (voir le Cosmos d’Onfray). Il en est, comme celui-ci, qui invitent à la pensée mesurée et à une redécouverte du monde qui est sous nos yeux puisque, pour paraphraser Parménide, penser et être sont une seule et même chose. 

Liens

Ecosophie, à découvrir sur le site des éditions du Cerf 

« La Parole du silence » : Michel Maffesoli et le bavardage du monde 

Vidéo – Un grand entretien avec Michel Maffesoli 

 

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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