share on:

Durant un an, le pape François a accordé douze entretiens à Dominique Wolton. Les éditions de l’Observatoire publient ces dialogues sous le titre Politique et société. Un livre qui n’a pas manqué de créer la polémique.

 

Couv-Politique-et-Société-HD-OK

Depuis le 21 août 2017, le pape François suscite des débats passionnés. « L’accueil inconditionnel des migrants » proclamé par le Saint-Père a enflammé les débats en Europe. Sur les réseaux sociaux ou bien dans les médias, toutes les outrances possibles ont été proférées, en témoigne cet article paru dans Causeur : « François, le pape qui ne savait plus être pape ».

Nous rappellerons simplement à l’auteur de cette diatribe l’évangile selon saint Matthieu (25-35), lorsque Jésus proclame : « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ».

L’auteur explique : « Cet appel à l’invasion de l’Occident par des populations qui dans leur immense majorité ne sont pas chrétiennes est contraire à toute la tradition théologique du christianisme » (sic) avant de poursuivre, toujours avec la même mesure :  » Le pape devrait se soucier de l’âme et du salut éternel des migrants avant de se soucier de leur salut temporel. Il devrait donc exiger que ceux-ci se convertissent avant de poser le pied en Europe ». Le dernier paragraphe tourne même à l’insulte et à l’insinuation douteuse : « L’archétype de la trahison absolue, c’est le berger qui vend ses moutons aux loups, le chef qui passe secrètement à l’ennemi, l’archange divin qui devient le chef des troupes du mal ». N’en jetez plus.

Nous rappellerons simplement à l’auteur de cette diatribe l’évangile selon saint Matthieu (25-35), lorsque Jésus proclame : « Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ». L’auteur de cette charge ira-t-il jusqu’à dénoncer les hérésies du Christ ?

Le pape François : ni identitaire, ni naïf

L’immigration massive soulève en effet un certain nombre de questions, de même que le développement de l’islam en France. Passer outre ces questions relève de l’aveuglement. Il faut être également naïf et peu instruit pour nier les racines chrétiennes de la France voire de l’Europe. Mais prétendre que le pape ne mesure pas ces nouveaux défis relève de la malhonnêteté intellectuelle.

Une lecture partielle de Politique et société peut en effet montrer l’image d’un pape « immigrationniste », peu enclin à défendre la chrétienté. Une autre approche, centrée sur une lecture plus globale de l’œuvre de François ainsi qu’une attention particulière sur sa cohérence intellectuelle, nous font apercevoir une logique implacable du souverain pontife. Il confie à Dominique Wolton : « Au centre de tout cela se trouve l’idéologie de l’idole, du ‘dieu-argent- qui dirige tout. On doit au contraire remettre l’homme et la gemme au centre tandis que l’argent doit être au service de leur développement ». 

Le dieu-argent. Nous y voilà. Le pape n’appelle pas tous les étrangers à venir en Europe. Il critique le culte de l’argent qui pousse à vendre des armes à des pays en guerre, desquels fuient des milliers de réfugiés. La nuance est de taille. De la même manière, François refuse de réduire quiconque ni à sa foi ni à son origine. Voir l’humain derrière l’étranger, n’est-ce pas conforme aux évangiles ? N’est-ce pas le principe même de la charité ? Les quelques plumes « identitaires » qui semblent mieux connaître la foi catholique que le pape détiennent certainement la réponse, mais elles devraient relire la parabole du bon Samaritain. 

Rendre à César

Le peu d’intérêt de certains passages réside avant tout dans la platitude de plusieurs questions.

Le problème majeur du livre est plutôt l’interlocuteur. Alors que Peter Seewald ou Andrea Tornielli ont su s’effacer pour mettre en valeur la parole de Benoît XVI ou de François, Dominique Wolton ne cesse de se mettre en scène chapitre après chapitre. Il présente même longuement et à plusieurs reprises ses théories sur « l’incommunication » au pape, quand il ne lui présente pas son curriculum vitae sur plusieurs pages… Le peu d’intérêt de certains passages réside avant tout dans la platitude de plusieurs questions.

Il n’en demeure pas moins que Politique et société constitue un livre important. Plusieurs anecdotes permettent même de mieux comprendre la vie et le parcours du pape. Sa vision du monde et son engagement en faveur des périphéries sont remarquables.  Comme le rappelle Christiane Rancé à la fin de sa Lettre à un jeune chrétien : « Cet engagement ne peut être conçu qu’à la façon que préconisait le pape François lorsqu’il était archevêque de Buenos Aires : ‘Que chacun, en son nom propre, prenne sa patrie sur ses épaules' ». 

Le pape indique même à Dominique Wolton : « La réactionnaire est réactionnaire parce qu’il a un interprète intérieur : sa propre idéologie ». Cette déclaration ne fait pas de lui un progressiste. Sa parole et son action doivent être évaluées non pas à travers un prisme partisan mais à l’aune des Evangiles. Et de ce point de vue, la cohérence du Saint-Père est incontestable. 

Liens

Politique et société, sur le site des éditions de l’Observatoire

« Rien ne m’effraie », sur le blog Koztoujours

Lettre à un jeune chrétien, sur le site des éditions Tallandier 

mm

Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

Laisser un message