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Même s’il a marqué face à Bastia puis cette semaine contre l’Ajax en Ligue des champions, Edinson Cavani déçoit en ce début de saison, mais demeure un joueur intrinsèquement poétique. Analyse.

Il traîne son spleen, Edi, sur le flanc gauche de l’attaque parisienne, comme il semblait porter sa croix l’an dernier sur le côté droit. Il est dans l’ombre, lui, qui était la lumière du Napoli durant tant d’années. Parce que Zlatan est indépassable, parce que Blanc s’entête dans son schéma, parce que le jeu est placé et qu’il ne peut prendre aucun espace, Cavani se dépense avec hargne et discipline, en vain.

Il se replace, tacle, court, essaie tant bien que mal de se mettre dans la peau de cet ailier qu’il n’est pas, mais il n’y croit plus.

Le spleen n’est pas qu’une affaire de poésie, elle concerne aussi les buteurs de son calibre, lorsqu’ils sont obligés de s’exiler. Cavani est un romantique échevelé du XIXème siècle, un nostalgique du sud de l’Italie, perdu à Paris parmi ses semblables qu’il ne comprend plus. Le présent l’angoisse, l’avenir l’inquiète et son talent ne semble pas reconnu à sa juste mesure. C’est un avant-centre maudit, éternel incompris qui ne cache plus sa tristesse de fauve blessé dans son orgueil mallarméen. 

Edinson Cavani, « indolent compagnon de voyage »

Ce spleen causé par son exil sur le côté gauche, n’est pas sans rappeler cet Albatros dépeint par Baudelaire dans les Fleurs du mal. « Ce voyageur ailé […] naguère si beau », ce vaste oiseau des mers, roi de l’azur aux ailes trop grandes, « exilé sur le sol au milieu des huées », oui, « Ses ailes de géant l’empêchent de marcher ».

Cavani porte en lui à la fois l’indolence et la superbe du hérault antique qui part au combat mais qui n’est pas estimé à sa juste valeur. Il est perdu sur ce champ de bataille et les crampons de Zlatan plantés dans ses immenses ailes l’empêchent de prendre son divin envol.

Maladroit et honteux, comme au match retour face à Chelsea l’an passé, l’uruguayen doit puiser dans ses ressources et dans son spleen pour faire jaillir le génie qui est en lui. Il doit, comme Victor Hugo à Guernesey,  se servir de son exil pour en faire une force à retourner contre ses adversaires. « Solitaire, solidaire », écrivait d’ailleurs Hugo, et cette formule ne saurait mieux résumer le chemin qu’il reste à accomplir pour Cavani : faire don de lui-même pour enfin gagner l’Azur du Parc des Princes.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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