Partagez sur "Chroniques Kényanes ou l’Odyssée d’un Noir en Afrique – Vol. 12"
Rémi continue son périple, entre fautes d’orthographe et pénurie de friandises.
Semaine du 15 au 19 septembre
Lundi
La semaine commence bien. Le soleil n’a pas cessé de se montrer depuis que je suis rentré. Les manches de ma chemise retroussées, je m’engage dans la cour intérieur.
Je me retrouve nez à nez avec le concierge de ma résidence et un technicien de KPLC – l’EDF kényane – devant le disjoncteur. Intrigué, je leur demande s’il y a un problème d’électricité. Ces derniers me répondent par le négative. En revanche, pour eux qui n’ont pas payé leur facture, elle sera purement et simplement coupée. Point de trêve hivernale (ce qui n’aurait pas beaucoup de sens), point de préavis, point de précaution d’usage à l’endroit du locataire. On coupe.
Je me rends au travail en pensant – encore – à ce député escroc, qui n’a pas payé son loyer pendant trois ans.
Mardi
Journée matatus.
Cela va faire maintenant un peu plus de trois mois que je vis à Nairobi. Je dois normalement commencer les démarches pour passer le permis de conduire ici, le prix défiant toute concurrence. En effet, tout compris, et si l’on veut faire les choses bien, il vous en coûtera 140 euros, à comparer avec les 2 000 euros de la mafia des écoles de conduite françaises.
Mais en attendant, je prends plaisir à prendre ces matatus, minibus de fortune. On m’avait dit tout le mal du monde de ces chariots désuets.
N’écoutant que mon courage, et, à vrai dire, n’ayant pas vraiment le choix, je me décide à utiliser ce moyen de transport. A la fin de mon rendez-vous, je prends donc pas moins de trois matatus pour rentrer au bureau. Tout se passe bien et les poinçonneurs sont d’une aide précieuse.
Mercredi
Nous allons manger dans un restaurant très haut de gamme à Westland. Nous montons plusieurs escaliers pour arriver dans un endroit qui respire le luxe et la volupté : c’est français. On nous apporte les menus. Ardent défenseur de la langue, je lis avec attention ce livre à la couverture de cuir noir et repère plusieurs fautes d’orthographe, assez grossières.
On nous propose ainsi des « plats principals » ou des desserts avec de la « banan ».
On se retrouve donc dans un restaurant français avec des fautes d’orthographes : un comble. Mais la nourriture est excellente, et c’est peut-être cela le plus important.
Jeudi
Je me rends à l’Alliance Française pour un rendez-vous. Je suis en avance. Je décide donc de m’asseoir au bar pour prendre un café. D’un naturel convivial, j’accueille les serveurs avec un « bonjour » enthousiaste. Aucune réponse. J’opte donc pour l’anglais. « Hi ». La déception est grande : je pensais que les gens travaillant dans cette institution possédaient quelques rudiments de français. Il n’en est rien.
Je vais chez le coiffeur : sur l’écran de télévision, j’apprends l’existence du mois Eddy Murphy : totem de la réussite noire. Et formidable acteur.
Vendredi
Dans le centre-ville, après un rendez-vous, des cris se font entendre dans les rues. Il y a une manifestation étudiante dans le centre ville : ça rit joyeusement, en évitant les lacrymo. J’apprends qu’ils n’ont pas reçu leur bourse à temps, d’où l’énervement. L’argent, c’est le nerf de la guerre. Ils encerclent notre immeuble. La rue est bloquée et nous sortons par un passage adjacent pour rejoindre la voiture, entre les vociférations des étudiants et les policiers en chemises manches courtes.
Le soir, sur les conseils d’un collègue kényan, nous décidons de tester un restaurant d’expatriés : le Casablanca. Je suis déçu.
Devant nous, des cachalots américains viennent s’échouer sur des banquettes qui semblent crier au secours sous le poids des indigentes. Les robes amples, faisant office de rideaux criards cachant des formes trop généreuses pour être agréables se mélangent, dessinant un arc-en-ciel de ouate. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.
J’ai terminé mon dernier paquet de Dragibus. Il semblerait qu’aussi, toutes les bonnes choses, ont une fin.