Partagez sur "GPA : Charles Consigny face à la fabrique du consentement"
Samedi 20 octobre, Marc-Olivier Fogiel était l’invité d’On est pas couché afin de promouvoir son livre, Qu’est-ce qu’elle a ma famille ? (éditions Grasset). La discussion a rapidement tourné à la foire d’empoigne.
Il y a encore quelques mois, la GPA (gestation pour autrui, acte par lequel une mère dite porteuse est inséminée, afin de couver l’embryon, pour ensuite accoucher et remettre l’enfant aux « parents intentionnels ») faisait consensus contre elle, à gauche comme à droite. A gauche car il s’agissait de lutter contre la marchandisation des corps féminins et – surtout – la mercantilisation des ventres des femmes les plus pauvres, et à droite au nom d’un certaine idée de la famille traditionnelle. Les deux oppositions étaient même conciliables. Mais depuis plusieurs semaines, une offensive médiatique de taille est à l’œuvre. Grâce à son livre, Marc-Olivier Fogiel est invité sur tous les plateaux de télévision ou de radio, quand il ne fait pas la couverture des journaux, afin de promouvoir la GPA, pourtant illégale en France.
« Ce sketch du « maton de Panurge », sorte d’hommage involontaire à Philippe Muray, est sans doute son sketch le plus abouti depuis des décennies. »
« Marco » raconte donc à travers cet ouvrage comment, avec son compagnon François, ils ont eu recours à une GPA éthique (sic) aux Etats-Unis. Pour mieux faire entendre son propos, le journaliste est allé à la rencontre de différents couples afin d’attester leurs louables intentions. Un cocktail détonant pour les plateaux télévisés donc. Emotion, psychologisme et sensationnalisme sont au rendez-vous. Pour avoir tenté de le contredire, Charles Consigny a subi les foudres de Muriel Robin qui, comme à son habitude, tente toujours de se placer du bon côté du mur pour paraître ouverte et généreuse. Ce sketch du « maton de Panurge », sorte d’hommage involontaire à Philippe Muray, est sans doute son sketch le plus abouti depuis des décennies.
Promouvoir la GPA, pour mieux légitimer la PMA dite pour toutes ?
Il convient ici de définir les termes et, surtout, de couper court aux accusations trop simplistes. Il faut différencier la « théorie du complot », qui repose avant tout sur une vision de l’histoire comprise comme résultat et volonté d’un groupe d’individus occulte et la « fabrication du consentement », définie par Noam Chomsky. Pour l’universitaire américain, il s’agit de comprendre comment « les médias constituent un système qui sert à communiquer des messages et des symboles à la population ». Ainsi, le traitement de l’information comme le choix des invités des médias de masse constituent une entreprise idéologique visant à imposer des idées au plus grand nombre. Gramsci n’aurait pas mieux dit.
« Il va de soi que cette offensive médiatique pro-GPA est effectuée pour mieux légitimer la procréation médicalement assistée dite pour toutes. »
La promotion de la GPA par Marc-Olivier Fogiel participe de cette volonté d’influencer la majorité, afin de la préparer à des mutations qu’elle n’envisageait guère. Les débats autour de la gestation pour autrui, acte qui repose avant tout sur une logique libérale et individualiste et ne concerne in fine que les plus riches (une telle opération peut coûter jusqu’à 200 000 euros), en pleine réflexion autour de l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, ne sont pas anodins. L’offensive médiatique pro-GPA est effectuée pour mieux légitimer la procréation médicalement assistée dite pour toutes. Les discussions autour de l’équilibre de l’enfant, la nécessité de grandir avec un père et une mère, tout cela est même évacué. Lors des polémiques autour du mariage pour tous, les partisans expliquaient le droit à l’adoption pour tous en affirmant que les orphelinats débordaient. Soit. Ici il ne s’agit plus du bien de l’enfant, mais de l’intérêt des adultes qui commandent un bébé. Même le rapport – charnel, physique – entre l’enfant et la mère porteuse est balayé d’un revers de la main. L’argument scientifique n’est brandi que lorsqu’il corrobore leur théorie … Bienvenue dans le meilleur des mondes.
Muriel Robin et la haine progressiste
La tentative de discussion entre Muriel Robin et Charles Consigny symbolise l’impossibilité de dialoguer avec le camp autoproclamé du Bien. Ce dernier vitupère, lance l’anathème, insulte et interdit toute réplique. Même Laurent Ruquier a refusé le droit de réponse à son chroniqueur, qui devait attendre sagement la fin de la colère de l’humoriste. La « claque » du public était même au rendez-vous afin de la soutenir. Consigny, droit dans ses mocassins, est demeuré stoïque. Grâce lui soit rendue. Face à une majorité d’opposants, il est resté imperturbable et apaisé, cherchant à répondre sur le fond. Lorsqu’il assène que ses propos sont ceux d’un « people », il caricature à peine. Muriel Robin parle au nom de sa classe sociale, de son milieu. Malheureusement, répondre aux sophistes est une gageure. Socrate nous l’a appris à ses dépens il y a deux millénaires.
« Il est simplement dommage que cette « fabrique du consentement » s’opère de façon aussi grotesque, si ce n’est tragique. »
Un véritable débat autour de ce choix de société est pourtant souhaitable. Il est même nécessaire. Parce que deux visions du monde s’affrontent : l’une, soucieuse du bien commun et des droits de l’enfant et préoccupée par la non-marchandisation des corps et l’autre, plus mercantile, libérale et centrée sur la satisfaction d’un désir d’enfant. Ce dialogue apaisé pourrait recueillir les points de vue des philosophes, des sociologues, des psychologues, des représentants des différents cultes et même des citoyens. Il est simplement dommage que cette « fabrique du consentement » s’opère de façon aussi grotesque, si ce n’est tragique. Tout cela fait hélas penser à la définition qu’Aldous Huxley tente de la dictature dans Le Meilleur des mondes : « Une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader. Un système d’esclavage où, grâce la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude ».