Partagez sur "La famille royale au Temple : un chemin de croix … républicain"
Alors que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est promulguée en 1789, une famille a été déchue de ses libertés fondamentales tout comme de sa dignité. Dans La Famille royale au Temple, Charles-Eloi Vial raconte le cauchemar vécu en captivité par Louis XVI et les siens.
Le 10 août 1792, lorsque les révolutionnaires envahissent et saccagent le palais des Tuileries, est la date communément admise pour acter la chute de la Monarchie française, mais la suite est moins connue. La recherche universitaire a en effet longtemps relégué l’emprisonnement de la famille royale au second plan, laissant les royalistes cultiver cette mémoire douloureuse. Et, même s’il se défend de verser dans le dolorisme comme de vouloir noircir les œuvres de la Révolution française, Charles-Eloi Vial ne trahit rien. Des propos vexatoires proférés pour humilier la famille aux têtes des proches brandies au bout des pics sous leur fenêtre afin de les terroriser, rien n’est épargné.
« Louis XVI puis Marie-Antoinette – toujours au nom des Droits de l’homme – monteront sur l’échafaud avant que le jeune Louis XVII, le dauphin âgé de seulement dix ans, ne décède dans sa geôle. »
Avec honnêteté et grâce à un impressionnant travail sur les sources historiques, l’historien met à jour les vexations, humiliations et autres tortures morales infligées à la famille durant trois années. La suite est connue : Louis XVI puis Marie-Antoinette – toujours au nom des Droits de l’homme – monteront sur l’échafaud avant que le jeune Louis XVII, le dauphin âgé de seulement dix ans, ne décède dans sa geôle. Le froid associé aux restrictions sur les vêtements et la nourriture lui ont certainement été funestes. L’auteur rapporte aussi cette confidence de la jeune Marie-Thérèse : « Ma tante priait souvent Dieu dans la journée, elle lisait tous les jours l’office, lisait beaucoup de livres de piété, et faisait des méditations ; elle faisait, ainsi que mon père, maigre et jeûne les jours ordonnés par l’Eglise ».
Surveiller et punir pendant la Révolution
Tout au long de l’ouvrage, nous comprenons que Louis XVI accepte son sort, entre stoïcisme et sagesse chrétienne, jusqu’au 21 janvier 1793 où sa tête roulera sur le billot. Le récit de cette captivité montre un monarque non seulement otage du peuple, mais aussi malmené à dessein par ce dernier. Plus qu’un otage, le roi était le symbole d’une royauté à laquelle il fallait ôter toute forme de prestige. Il fallait un geste « castrateur » pour trancher définitivement le lien entre la monarchie et le peuple. Balzac écrira : « En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution coupe la tête à tous les pères de famille ».
« Les révolutionnaires ont donc changé le paradigme en humiliant, tuant et exhibant le corps symbolique de la monarchie. »
Cet acte de cruauté renvoie également à l’essai Surveiller et punir de Michel Foucault. Il montre que le châtiment en place publique était une façon pour les monarchies de se légitimer en suppliciant les condamnés afin de manifester une autorité visible sur le corps de ses sujets. Les révolutionnaires ont donc changé le paradigme en humiliant, tuant et exhibant le corps symbolique de la monarchie. La société de surveillance généralisée (aussi analysée par Foucault à travers la panoptique), trouve également ses prémisses durant la Terreur. Les quêtes effrénées de pureté morale ajoutées à la suspicion généralisée s’épanouissent aujourd’hui encore. Cette violence cyclique, cette revanche sanguinaire perpétuelle, Chateaubriand la résume au livre III de ses Mémoires d’outre-tombe, à propos du projet d’élever une stèle pour Louis XVI : « Par le temps actuel, il serait à craindre qu’un monument élevé dans le but d’imprimer l’effroi des excès populaires donnât le désir de les imiter : le mal tente plus que le bien ; en voulant perpétuer la douleur, on ne fait souvent que perpétuer l’exemple ».