Partagez sur "La France de Richard Coeur de Lion à Charles VII"
Deux ouvrages parus aux éditions Perrin nous renseignent tant sur la vie de deux rois qui ont fait la France et une partie de l’Europe. Richard Coeur de Lion de Georges Minois et Charles VII de Philippe Contamine nous plongent dans deux passionnantes épopées médiévales déterminantes pour l’Histoire.
L’un naît en 1157 dans la famille des Plantagenêt qui règne de l’Ecosse aux Pyrénées. L’autre, né Valois, voit le jour en 1403 dans un pays morcelé. Ces trois siècles qui séparent Richard Coeur de Lion et Charles VII ont façonné la France (son territoire, sa politique, sa diplomatie) et la parution concomitante de ces deux biographies tombe à point nommé pour prendre la mesure de l’édification du royaume de France. Il s’agit, de plus, de deux ouvrages passionnants qui n’obéissent pas aux canons traditionnels de l’histoire médiévale qui peuvent effrayer au premier abord : ni Georges Minois ni Philippe Contamine ne laissent le lecteur sur le bord du chemin. Les styles sont plaisants, et chaque évènement est finement disséqué à l’aune des conflits qui agitèrent le territoire.
« La chrétienté unit l’Europe. Il n’existe pas, à proprement parler, de sentiment national en dehors de cet attachement à l’Eglise qui pousse à défendre la Terre Sainte ».
Si Georges Minois nous fait revivre les méandres de la terrible famille Plantagenêt, partagée entre la mère Aliénor d’Aquitaine, le roi Henri II et ses enfants (dont Jean sans Terre et Richard), il revient aussi sur le conflit qui, finalement, parvînt à souder cette fratrie hors du commun contre le roi de France Philippe Auguste. Richard Coeur de Lion est aussi le roi de la croisade, et ce qu’il déclare à Saladin est riche d’enseignement pour l’analyse contemporaine : « Les points disputés sont Jérusalem, la Croix et la terre. Jérusalem est pour nous un lieu d’adoration que nous ne pourrions pas abandonner, même s’il ne restait qu’un seul d’entre nous ». Comme l’a montré Le Goff dans son Saint Louis, la chrétienté unit l’Europe. Il n’existe pas, à proprement parler, de sentiment national en dehors de cet attachement à l’Eglise qui pousse à défendre la Terre Sainte.
De l’émergence du sentiment national
Charles VII, sauvé de l’humiliation par Jeanne d’Arc, est perçu comme un monarque bâtisseur. Humilié par le Traité de Troyes signé en 1420 entre son père Charles VI et le roi d’Angleterre (qui prévoyait que ce dernier allait succéder à Charles VI à la place de … son fils), il ne s’en proclame pas moins roi de France à la mort de son père. Sacré à Reims grâce à Jeanne d’Arc, il mène ensuite une guerre terrible contre les Bourguignons, alliés des Anglais.
« Pour le dire prosaïquement, il se montra à la hauteur ».
Philippe Contamine nous montre également combien Charles VII, loin des caricatures, a su être un roi conquérant et habile. Il affirme : « Pour le dire prosaïquement, il se montra à la hauteur. Il n’a pas démérité dans la façon dont il a exercé une mission dont ses sujets, petits et grands, attendaient tant ». En lutte avec les héritiers Plantagenêt, il a su renverser certaines alliances, mettre en place un système fiscal et une armée ainsi qu’une nouvelle diplomatie pour remettre de l’ordre dans son royaume.
De Richard Coeur de Lion à Charles VII, la lutte d’abord fratricide entre les Plantagenêt puis contre le royaume de France a été déterminante pour l’Histoire. Ces deux biographies permettent de nous en rendre compte et le lecteur contemporain s’étonne toujours lorsqu’il analyse cette carte qui indique le partage de la France au XIIe siècle entre les Anglais, les Français et le Saint-Empire romain germanique. Les guerres napoléoniennes furent des résurgences de ces conflits pluriséculaires à l’est.
Plus récemment, la carte électorale de la France suite à l’élection de 2017 montre toujours une nette fracture entre la France de l’ouest, davantage ouverte à la mondialisation, et celle de l’est, cantonnée au vote dit protestataire. Et si ces territoires, façonnés durant des siècles par des royaumes différents, portaient toujours en eux les marques de l’Histoire ? L’héritage des Plantagenêt nous intrigue et nous captive toujours.