Viscéralement hostile au retour de l’Iran dans le concert des nations, le président américain multiplie les sorties médiatiques contre Téhéran. Au profit exclusif d’une Arabie Saoudite pourtant tout sauf irréprochable…
En plein « Comeygate », du nom de l’ancien patron du FBI qu’il a flanqué à la porte, une décision qui pourrait lui coûter très cher, le voyage de Donald Trump en Arabie Saoudite semble avoir jeté les bases d’un tournant majeur dans la région. Le successeur de Barack Obama y a en effet signé des contrats d’armement astronomiques, à hauteur de 410 milliards de dollars, à la grande satisfaction du complexe militaro-industriel, mais au grand désespoir des tenants d’un rapprochement certes assez disruptif avec l’Iran – et donc avec Vladimir Poutine – dans le cadre de la lutte mondiale contre l’Etat islamique.
Le dessein du président américain, si tant est que ce grand amateur de roueries en ait un et raisonne autrement que par à-coups et pur opportunisme, apparaît comme celui d’un businessman invétéré, pour lequel seul comptent finalement les profits engrangés par les grandes entreprises du pays. Ceux qui rêvaient encore d’un réchauffement des relations avec la Russie en sont aujourd’hui pour leurs frais. Quelques semaines après le très médiatisé et très inattendu bombardement d’une base du régime syrien, dans le sillage d’une attaque chimique bien vite attribuée au camp de Bachar Al-Assad – la lumière n’a d’ailleurs toujours pas été faite sur cette triste affaire -, le magnat new-yorkais, dont l’histoire nous dira certainement qu’il était un bon tacticien, mais un mauvais stratège, a ainsi occis les dernières illusions des « poutinophiles » en prenant fait et cause contre l’Iran.
Il marque ce faisant une nette rupture avec la politique de son prédécesseur, signataire d’un contrat historique et qu’il a certes promis d’enterrer sans fleurs, ni couronne durant sa campagne. Il continue aussi de se démarquer de Moscou, dans un contexte d’accusations lourdes d’ingérence russe dans l’élection présidentielle américain. Des accusations tenaces, qui biaisent et compliquent encore le jeu politique international… et qui constituent un gros caillou dans la chaussure de Donald Trump, dont Vladimir Poutine se dit peut-être aujourd’hui qu’il a eu tort de le préférer à une Hillary Clinton certes susceptible de nuire gravement à ses intérêts, mais plus prévisible.
L’étau se resserre sur l’Iran et le Qatar
Constamment vilipendée par le locataire de la Maison Blanche, fort manichéen en la circonstance, l’Iran vient quant à elle d’être frappée par l’Etat islamique (EI), lequel a perpétré deux attaques simultanées en plein Téhéran mercredi, dont une au Parlement. C’est une première inquiétante pour ce pays majoritairement chiite et soutien actif de Bachar Al-Assad, deux casus belli pour les soldats du Califat. Ce double attentat commis sur le territoire du grand soutien russe de la région en appelle d’autres, à n’en pas douter, et fait également suite à une spectaculaire mise à l’index du Qatar, avec lequel l’Egypte, le Yémen, mais surtout les Emirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite viennent de rompre leurs relations diplomatiques.
Le ciel s’emboucane également pour ce pays mis à quia et qui se voit désormais ouvertement reprocher son soutien financier à l’islamisme, ce qui ne peut être récusé, mais prête tout de même un peu à sourire lorsqu’on sait quels pays s’élèvent contre cette façon de faire. Donald Trump vient lui aussi de mettre le Qatar en cause, mais il épargne bien entendu l’Arabie Saoudite, le coeur historique du sunnisme, le poumon du wahabisme, le vecteur du salafisme… mais l’allié historique qui jouit de moyens financiers pour ainsi dire illimités et à même de faire vivre l’ouvrier de Pittsburgh qui a voté pour lui.
Il est pourtant avéré que, en dehors du Qatar, de généreux donateurs privés – l’expression consacrée – des pays du Golfe apportent aux islamistes l’assise financière indispensable à la concrétisation de leurs funestes équipées, « tout à leur obsession de défendre et/ou faire prévaloir les intérêts de la mouvance arabo-sunnite face à une supposée oppression chiite au sens large », comme le regrette David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques, cité dans ces colonnes en décembre 2015. Partant, pour reprendre les propos de l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, l’Occident s’obstine à lutter contre le nazisme « tout en invitant Hitler à notre table ».
Donald Trump a donc renforcé les liens anciens avec l’Arabie Saoudite, qui n’est pourtant pas exactement un allié fiable et dont on rappellera que la responsabilité dans les attaques du 11 septembre, celles qui ont changé le monde, reste débattue. Washington a beau épauler en parallèle les combattants kurdes au détriment d’un autre allié historique, la Turquie d’un Erdogan dont la marge de manoeuvre semble pour sa part de plus en plus restreinte, force est de constater qu’il s’entête à miser, sinon sur une planche pourrie, en tous les cas sur un géant du Golfe aux agissements au minimum suspects.
Ce soutien pourrait cependant ne pas avoir valeur de blanc-seing si on considère les mises en garde – d’aucuns parleraient même d’admonestations – américaines lors du voyage saoudien, avec un chef de l’exécutif américain qui, non sans élévation et audace, a tout de même appelé Riyad à faire le ménage dans ses rangs avant de rallier directement Israël, l’étape suivante de sa tournée.
Pas sûr tout de même que les pétrodollars à profusion incitent les Etats-Unis au plus grand zèle en la matière.