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Nous nous étions bornés à l’analyse d’une seule semaine des chroniques de Thomas Guénolé sur RMC, mais les forces surnaturelles du Concret ont été plus fortes que nous.

Nous cédons une deuxième fois à la tentation, pour tenter de disséquer la parole Guénoléenne qui chaque matin résonne dans notre poste de radio.

Lundi : Thomas sauve la culture et la presse

« C’est écrit noir sur blanc », déclare Thomas Guénolé à propos de la réponse de la ministre de la Culture Fleur Pellerin à sa missive pour réclamer la fin des subventions à la presse people. Et Jean-Jacques Bourdin, en bon Achille fier de son Myrmidon de renchérir : « C’est de votre initiative! ». Modeste, le héros Guénolé n’a cure des flatteries et des superlatifs, seul le concret l’intéresse, alors il déroule. Les cibles matinales de Thomas en ce bon matin de printemps : Closer, Public, Voici, coupables à ses yeux de toucher trop d’argent public. « Presse voyeuriste ! » clame-t-il. En revanche, c’est Manuel Valls, notre clinquant premier des ministres, qui est l’objet de ses foudres : lui n’a pas répondu, enfin, n’a pas osé répondre au citoyen Guénolé concernant le projet de loi sur le renseignement. Las ! Que font ces ministres à ne pas systématiquement se réunir pour commenter les dernières diatribes de Thomas ? Ensuite, il évoque le réchauffement climatique, la transition énergétique et la pollution. Qui pour demander à notre Zola du XXIe siècle de se mobiliser pour que l’Etat cesse plutôt de subventionner les grands groupes pétroliers qui ravagent les territoires de chaque continent ? Chaque chose en son temps. Closer d’abord, Total ensuite. Le Concret est progressif.

Mardi : Thomas réforme l’école primaire

On ne « refait pas le premier étage » alors « que le rez-de-chaussée est en train de s’écrouler »

Il y a eu Charlemagne, Jules Ferry, et enfin Thomas Guénolé. En ce mardi matin brumeux, alors que les Français terminent leur dernier croissant avant de se frotter les uns aux autres dans les transports en commun, Thomas se penche sur le vaste problème éducatif en France. Pour ce faire, il utilise une sublime métaphore – entre Rimbaud et Valéry, peut-être – pour signaler qu’on ne « refait pas le premier étage » alors « que le rez-de-chaussée est en train de s’écrouler ». « Lorsqu’on ne sait pas lire en sixième, c’est une honte ». Évidemment ! « Scandale national », lâche Bourdin. Il faut, renchérit Guénolé, s’inspirer des États-Unis et « la théorie du management public », à savoir une évaluation des professeurs avec des primes au mérite. « Il faut mieux les payer ». Le problème du génie Concret, c’est de par exemple lancer des appels pour supprimer les jours fériés chrétiens, pour ensuite pleurer de magnifiques larmes de crocodile sur l’apprentissage et la transmission. Que transmettre aux élèves dès lors qu’on appelle à bazarder notre héritage le plus précieux ? Ce n’est qu’un exemple, mais il traduit une certaine incohérence de la part de notre vaillant Ulysse qui chaque matin repart faire son Odyssée.

Mercredi : Thomas bouscule à nouveau l’Europe

« Il doit sauver la Grèce! »

« Il doit sauver la Grèce! », Guénolé s’emporte et défend les Grecs pour les défendre des oukazes de la BCE. Mais il sont des tricheurs, c’est vrai, il le reconnaît. « L’excès, c’est l’hybris dans la Grèce antique » rappelle-t-il d’ailleurs, oubliant tout de même que cette démesure du grec ancien renvoyait essentiellement à l’orgueil et qu’on ne peut pas tout à fait qualifier tout un peuple qui certes a fraudé mais ne s’est pas non plus vautré dans le luxe et l’or pendant une décennie.  Il a ensuite raison de préciser que les Grecs ont assez payé, qu’ils saluent leur hérault nouveau. Face à ces excès, le très sage Guénolé s’affiche comme l’oracle de la justice et de la mesure : la BCE doit faire tourner la planche à billets et renflouer la Grèce. Pourquoi tous ces spécialistes n’y avaient-ils pas pensé plus tôt ? On imagine ces éminences tirées de leur réveil par des appels successifs leur demandant de se rendre à leur bureau pour travailler sur cette hypothèse venue des studios de RMC ce matin. Seulement, le souci est structurel, macroéconomique. Il ne s’agit pas, quoiqu’en dise notre Sophiste du Concret, d’une simple question de dettes ou d’austérité. Le principal souci, c’est que lqui équivaut a Grèce, comme l’Italie ou la France sont des pays qui ont été obligés via des processus non démocratiques de s’adapter au modèle allemand, calqué sur l’ancien mark, ce qui est une folie compte tenu des différences économiques entre toutes nos contrées. Mais c’est cela le génie. Ne pas délivrer la Vérité, mais la suggérer, pousser l’auditeur à la chercher au fond de lui, entre deux bols de Ricoré.

Jeudi : Thomas part à la rescousse du Népal

Que Nicolas Hulot et Yann Arthus-Bertrand rangent leurs hélicoptères et leur panoplie : le sage Guénolé, celui qui vient de tancer la BCE, de réveiller l’Education nationale et de sauver le ministère de la Culture (en une seule semaine), bref, notre Thomas Guénolé vient de faire son baluchon et de fixer sa lampe sur son front pour un trekking au Népal. Sa mission s’il l’accepte : sauver tout le monde après le terrible séisme qui a frappé le pays. Tout commence par un cours de géographie : le Népal ce n’est pas Haïti et il n’y a pas la mer. Il cite ensuite un proverbe chinois : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». C’est beau ! L’empowerment, c’est LA solution. Concrète. Ce qu’il faut, c’est apprendre aux Népalais à se débrouiller. « Il faut envoyer des machines à coudre voire même des métiers à tisser », et également trois Renault Espace et un appareil à raclette ? Voyons Thomas. Passons sur cette terrible faute de français, « voire même », qui semble être la marque de fabrique chez RMC, pour simplement lui conseiller de ne pas se laisser aveugler par son inépuisable bonté qui semble déboucher sur de la naïveté. « Qui fait l’ange, fait la bête », disait justement Pascal. Ce que l’Oracle Concret nomme empowerment d’autres parlent de néocolonialisme, de maintien d’autrui dans la dépendance pour mieux régner dessus.

Enfin, sans transition, Thomas s’adresse à Jack Lang et en bon élève de sa génération, il interpelle l’éternel ministre de la Culture sur la crise des festivals et des concerts en France, car selon lui cette agonie du Festif constitue une menace culturelle. Et si cette mort annoncée du bruit, du mélange, du vacarme, de l’absurde, du néant, n’était pas la promesse d’une renaissance poétique et artistique ?

Vendredi : Thomas et sa petite entreprise

Nouveau branle-bas de combat à Bercy, Strasbourg et Bruxelles : Guénolé vient d’apporter sa lumière du Concret pour nos entreprises !

Thomas ouvre sa chronique par quelques précisions autobiographiques : il fait la vaisselle et a créé une TPE avec sa femme. Tout cela pour conduire le fidèle auditeur à la bonne compréhension de sa chronique du jour qui visera à « simplifier » la vie des artisans et des professions libérales. « C’est kafkaïen! ». Ses solutions pour sauver les petits chefs d’entreprise sont assez simples : il faut pouvoir plaider la bonne foi vis-à-vis de l’URSSAF et l’URSSAF devra de son côté recruter des standardistes compétents. Eurêka ! Il faut passer à la cotisation sociale unique pour les salaires et réécrire le Droit du travail. Nouveau branle-bas de combat à Bercy, Strasbourg et Bruxelles : Guénolé vient d’apporter sa lumière du Concret pour nos entreprises ! Les esprits chagrins lui rétorqueront que certes, l’administration française ne facilite pas la vie, mais des causes bien plus graves leur donnent du fil à retordre. Le souci, c’est le dumping fiscal par exemple, encouragé par la libre-circulation des capitaux au sein de l’Union Européenne, c’est l’absence de protectionnisme intelligent pour favoriser nos TPE et PME, c’est un euro trop fort qui bloque nos exportations.

Mais comme sa petite entreprise, Thomas ne connaît pas la crise. Il achève ses trois minutes de chronique quotidienne en questionnant deux scientifiques sur les antibiotiques et le transhumanisme et repart sur son char ailé vers l’horizon où tout n’est plus que l’incarnation du Concret absolu.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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