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Il n’est plus possible aujourd’hui de se taire. Dans le brouhaha incessant des hommes politiques qui sont parvenus à éteindre la voix des professeurs, il me faut reprendre la plume pour remettre les choses à leur juste place.

D’un côté nous entendons des membres éminents de la droite française crier haro sur cette réforme mise en place par le gouvernement socialiste. Ils remettent en cause ce qu’ils ont eux-mêmes créé, ce à quoi ils ont donné naissance : des réformes inaptes et inadaptées aux Lycéens de notre pays.

Nicolas Sarkozy a-t-il oublié que c’est notamment sur des questions d’éducation qu’il a été balayé lors de l’élection présidentielle de 2012 ?

Nicolas Sarkozy a fustigé l’actuelle Ministre de l’Education Nationale, en train de dépasser dans la médiocrité, ce sont ses propos, la Ministre de la Justice, Madame Christiane Taubira. A-t-il oublié que c’est notamment sur des questions d’éducation qu’il a été balayé lors de l’élection présidentielle de 2012 ? A-t-il oublié les nombreuses grèves qui ont parsemé son quinquennat ? A-t-il oublié ses attaques directes à l’égard du corps enseignant, à l’égard de tous ces fonctionnaires de l’Etat français pour lesquels il montrait le mépris le plus profond ? Et aujourd’hui, il viendrait prendre la défense de ces pauvres professeurs martyrisés par le pouvoir en place ? Cela n’a pas de sens. De l’autre côté, nous avons une ministre de l’Education nationale, soutenue ardemment par le Premier Ministre.

Les arguments des professeurs

Tous ces échanges, vifs et acérés, ne laissent que peu de place aux professeurs et à leur voix. On nous reproche de manier l’invective au lieu d’apporter des arguments concrets, au lieu de porter un projet raisonnable. Notre ministre a-t-elle, elle aussi, oublié que nous avons déjà apporté des réponses claires aux questions qu’elle pose. A-t-elle déjà oublié que les représentants de nombreuses associations de langues anciennes, pour ne citer qu’elles, ont été reçus au ministère, qu’ils ont été méprisés, qu’ils ont été accueillis par quelques sous-fifres indifférents à la cause qu’ils défendaient ? A-t-elle oublié que ces nombreuses associations se sont mobilisées dès les premiers temps de la réforme pour essayer d’apporter des solutions à un problème qui apparaît aujourd’hui insoluble ? Ces solutions ont été tout simplement balayées d’un revers de main par la publication d’un nouveau projet de réforme.

A-t-elle déjà oublié que les représentants de nombreuses associations de langues anciennes, pour ne citer qu’elles, ont été reçus au ministère, qu’ils ont été méprisés, qu’ils ont été accueillis par quelques sous-fifres indifférents à la cause qu’ils défendaient ?

Les voix des professeurs s’éloignent de plus en plus et se perdent dans le tintamarre du carnaval politique. Ils piaffent d’impatience et trépignent de rage, qui derrière son bureau, qui derrière son ordinateur. Ils lancent un cri de colère. Il leur reste une dernière possibilité : faire entendre leur voix sur ces programmes qu’on offre à leur consultation. Beaucoup d’entre eux ont longuement et patiemment feuilleté ces dizaines et dizaines de pages énonçant en termes barbares la longue litanie des apprentissages sur lesquels de futurs élèves devront plancher pendant de nombreuses heures. Ils ont des critiques à faire, ils ont des remarques. Ils les feront entendre. Seront-ils eux-mêmes écoutés ? Prendra-t-on en compte leurs remarques. Rien n’est moins certain.

Pour un débat raisonné

Nous sommes indissociablement liés à ces petits êtres que nous formons jour après jour, et leur échec est aussi le nôtre.

Nous sommes dans une situation inextricable où la voix politique s’est emparée du débat et ne laisse plus de place à un échange rationnel. Nous sommes dans une situation où toutes les voix ne peuvent plus s’exprimer à l’unisson parce qu’à force d’être méprisés, à force d’être renvoyés à leurs cahiers, les professeurs n’ont plus la force de se battre pour ceux dont ils ne veulent que la réussite, car, madame la ministre, aucun professeur ne souhaite l’échec de ses élèves. Nous sommes indissociablement liés à ces petits êtres que nous formons jour après jour, et leur échec est aussi le nôtre. Comment peut-on soupçonner le moindre instant qu’il y ait des professeurs qui soient animés par l’appât d’un gain très incertain, par une volonté de nuire ? Nous avons tous un seul et même objectif : faire réussir nos élèves, les voir revenir vers nous, les yeux brillants d’une joie éclatante à l’annonce des résultats de leurs examens. Alors, de grâce, écoutez ces femmes et ces hommes qui, chaque jour, accomplissent leur tâche dans des situations parfois difficiles. Ecoutez-les. Pesez chacun de vos mots. Vous avez évoqué le fait que nous vivons dans une société dans laquelle chaque mot politique est scrupuleusement décortiqué et critiqué. Cela n’arrive pas quand on connaît le poids des mots, cela n’arrive pas quand on maîtrise sa parole. C’est justement ce que nous voulons apprendre à nos élèves pour qu’eux aussi soient un jour capables de s’élever contre un projet qui leur semblerait injuste pour leurs propres enfants.

Mesdames et Messieurs les politiques, laissez-nous, professeurs, reprendre la parole. Laissez-nous faire notre métier.

Charles Guiral

 

                                                                

Charles Guiral

Charles Guiral

Charles Guiral est professeur de Lettres classiques dans un Lycée de la région bordelaise. Sans aucune autre qualification, il ose s'intéresser aux lettres et à l'art, de façon générale. Les voyages ne l'intéressent pas.

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