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Nul besoin de revenir sur la terrible nouvelle. Nul besoin de se complaire dans un chagrin commode. Parlons au présent, disons le génie, faisons vivre l’homme à travers son œuvre. Parlons de cette bête de scène qu’il est et restera. Il fait partie de l’âge d’or de toute une génération. Son humour enfantin, sans malaise, a su plaire à tous. Un clown magnifique. Une sensibilité romanesque.

Évidemment, le flot de portraits posthumes a déjà fait le tour de la toile, les « clichés », les phrases toutes faites abondent, avec des Américains, passés maîtres dans les hommages. Il s’agit juste ici de dire l’homme, de le placer dans une histoire de ce qu’est l’humour dans le monde. A quel point celui du triste sire était généreux, sans moquerie, en un mot comme en cent : sincère.

Robin Williams : parangon de l’humour américain

A côté des Stallone, Schwarzy, il y avait Robin, qui, dans un tout autre registre, réussissait à rassembler des millions de spectateurs : jouant sur la sensibilité, la complexité, et la repartie d’un homme.

Clown triste, l’homme a été l’une des figures de proue de cette puissance civilisationnelle que restent les États-Unis. Si les années 2000 ont été celles du doute pour le géant, les années 1990 ont été celle d’une apogée cinématographique.

Pris dans ce tourbillon, Robin nous avait comblés dès 1989 et Le cercle des poètes disparus, film d’une génération. On retrouve un tout jeune Ethan Hawke, dans l’un de ses premiers rôles. Le film remporte l’Oscar du meilleur scénario, et Peter Weir est nominé. Robin quant à lui sort de son rôle de préposé bouffon pour donner toute cette contenance à un personnage complexe et tourmenté. Car à côté des Stallone, Schwarzy, il y avait Robin, qui, dans un tout autre registre, réussissait à rassembler des millions de spectateurs : jouant sur la sensibilité, la complexité, et la repartie d’un homme.

Tourmenté, il le restera toute sa vie, même si cela ne retranscrira jamais à l’écran, ou si peu, tout juste à travers une discrète insomnie, venue des steppes norvégiennes.

Robin Williams : l’innocence perdue

L’enfance est un thème fondamental dans sa filmographie.

Robin qui s’en va, c’est un morceau de notre enfance qui disparaît. Lorsque nous regarderons derrière nous, il y aura toujours un endroit enfantin, un pays imaginaire en somme.

Hook, ce film lui sied à merveille. Car Robin Williams était un enfant, enfermé dans un corps d’adulte. Si ce rôle n’a pas permis à ce dernier de remporter de récompenses, il est resté dans toutes les mémoires. Est-ce cette nostalgie originelle du passage à l’âge adulte qui a produit tant de mélancolie chez l’homme, on ne le saura sans doute jamais.

L’enfance est un thème fondamental dans sa filmographie. De Hook à Patch Adams, en passant par Jumanji et Jack, l’acteur n’a pas cessé de déclarer son amour à l’enfance, ce cercle vertueux, cette innocence, perdue à tout jamais. Cet amour, qui constitue le centre de ce cercle, n’est que la passion accidentelle d’un homme, agrandie par l’imagination puérile et ennoblie par la profondeur de son jeu d’acteur. Même lorsqu’il est dans le burlesque le plus lourdingue, il parvient à nous faire verser quelques larmes. Grimé en femme, ou en robot, le sentiment n’avait aucune forme consacrée ; entièrement libre ; affranchi de toute matière, purement créateur, ressemblant à une cascade tirant de son torrent d’eau toute la force de son courant, imprévisible.

Un abandon de soi magnifique

Chez Robin Williams, l’amour du jeu, semblait devenir le degré le plus élevé de cet abandon de soi-même. Il abandonnait tout aux autres, spectateurs médusés, pris à la gorge par des émotions sans cesse renouvelées. Ce renoncement à soi-même pour s’identifier à un autre, cet abandon dans lequel il retrouve cependant la plénitude de son être, constitue le caractère infini de son jeu d’acteur. Ainsi, chaque film semblait pour lui l’occasion de se remettre en question, de tester cette promesse faite à l’audience, cette promesse d’amour, de joie, de liberté. Mais l’équilibre était précaire, et les obstacles de la réalité ont été plus forts, la prose de la vie humaine, le cours ordinaire des choses, le questionnement permanent sur un monde trop souvent accablant.

De lui, il restera des films grandioses. Ainsi, on ne peut que vous conseiller World’s Greatest Dad, une merveille, inédite en France ; qui semble aussi être une sorte de testament de l’ensemble de son œuvre. Espérons que sa mort permette à la France de réellement apprécier l’étendue de ses talents.

Moi-même, j’aimais tellement le bonhomme que j’ai même cédé à sa dernière sortie télévisuelle, le même média dans lequel il avait débuté, ayant écumé les scènes de boui-bouis américains, à la recherche d’une audience voulant bien de son humour hors du temps. Happy Days lui avait permis en 1978 de goûter, déjà, à la télévision. Trente années plus tard, nous pouvons apprécier The Crazy Ones : une série parfois inégale – Sarah Michelle Gellar n’étant pas connue pour son génie drolatique – où Robin Williams sauvait la mise, par ses grimaces et autres mimiques si contagieuses. La série elle-même ne semblait devenir qu’un ensemble fade ponctué de moments de grâce, provoqués par l’apparition du routard de la dérision, docteur ès malice.

Voilà, Robin est parti, j’ai encore un peu de mal à me faire à cette idée. On eût pu croire qu’avec une telle humanité, il aurait pu devenir l’homme bicentenaire. Peine perdue. C’est Robin qui nous a finalement abandonnés.

Aujourd’hui, fini de rire.

                       

 

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Rémi Loriov

Rémi Loriov est un homme libre qui s'intéresse à tout. On dit souvent à son propos : "personne ne sait ce qu'il fait, mais il le fait très bien." Il aime les histoires.

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