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Alain Finkielkraut publie La Seule exactitude (Éditions Stock), un recueil de plusieurs chroniques au fil de l’actualité.

La pensée paresseuse et sclérosée aura beau ressortir son artillerie lourde pour fusiller médiatiquement Finkielkraut, mais elle sera toujours aussi embêtée pour trouver de quoi se mettre sous la dent. Car, et c’est aussi un des thèmes évoqués par La Seule exactitude, les nouveaux lieutenants de la diatribe, de la vindicte et de l’ordre moral intellectuel ont sans cesse besoin d’une nouvelle cible à dévorer. C’est une bête qui n’est jamais rassasiée. Elle aime traquer, dénoncer, sans jamais répondre ni envisager que la parole de l’adversaire puisse être digne d’écoute.

Péguy et Camus sont les deux boussoles philosophiques de Finkielkraut depuis toujours, et encore davantage dans cet essai. Péguy pour la défense d’un idéal républicain et la valorisation de l’héritage intellectuel et Camus pour la recherche constante d’une pensée pondérée.

Ses contempteurs, jamais avares d’exposer leur inculture crasse aux yeux du monde, auront beau tenter d’y trouver « les relents des heures les plus sombres », en vain : c’est un livre, non pas de combat, mais un double défi : redonner une chance à la gauche de se redéfinir en adéquation avec les fondamentaux républicains et réintroduire Montaigne dans un monde médiatique au sein duquel plus personne ne se parle ni s’écoute sans tomber dans l’hystérie.

La pensée du temps : savoir être à l’heure

En évitant l’écueil de l’essentialisation, Alain Finkielkraut nous invite à nous recentrer dans un espace-temps où le passé a disparu

Le leitmotiv de cet essai, c’est donc « La seule exactitude », celle de Péguy. Ne pas penser en retard, ni trop tard. Et surtout, éviter l’anachronisme. Page après page, le philosophe analyse les commentaires après chaque tragédie qui évoquent directement la Shoah, sans se demander une seule seconde si notre époque n’était pas inédite, qu’il était impossible de l’analyser avec la même grille de lecture.

En évitant l’écueil de l’essentialisation, Alain Finkielkraut nous invite à nous recentrer dans un espace-temps où le passé a disparu (puisqu’il n’est plus enseigné à l’école), où le présent n’existe pas (car les journalistes nient ce qu’ils ont devant les yeux) et le futur est compromis (en ce que personne ne semble prendre la mesure de la tragédie civilisationnelle qui s’amorce).

Il invite à la pensée de midi, chère à Camus, celle qui préconise la mesure et l’honnêteté. C’est pourquoi il se montre également critique d’un Eric Zemmour notamment sur la question de Vichy ou du féminisme, parce que c’est un inclassable.

Alors forcément, celles et ceux qui n’ont jamais pris le temps d’ouvrir un de ses livres continueront de dire que c’est un réac, un méchant, voire un monstre. Mais il suffit de se replonger dans La Défaite de la pensée et de remonter le fil de son œuvre pour constater que le penseur n’a finalement qu’une seule obsession : essayer de penser juste.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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