Au tour de Guillaume Duhamel de se prêter au jeu du questionnaire.
Le mot qui selon toi résume l’année 2017 ?
HARCELEMENT. L’affaire Weinstein a eu le mérite de mettre hors d’état de nuire un redoutable prédateur sexuel, mais il en a aussi, selon moi, découlé d’inquiétantes dérives. En premier lieu, Internet semble s’être substitué à la justice, par je ne sais quel tour de passe-passe, et certains à l’image de Kevin Spacey ont vu leur carrière fortement compromise, sinon ruinée, sur la seule base de témoignages tardifs. Je ne remets pas en cause leur véracité, mais j’aurais pour ma part préféré un jugement, si tant est que les faits n’aient pas été prescrits.
En second lieu, et c’est le plus préoccupant à mon sens, il est devenu très difficile voire impossible de rire de beaucoup de choses. Le politiquement correct progresse, la bienpensance aussi et d’aucuns voient du racisme ou de la mysoginie partout, y compris dans des plaisanteries qui passaient sans difficulté il y a encore quelques années. Aujourd’hui, Coluche et Desproges doivent se retourner dans leurs tombes, et Les Inconnus seraient en prison ! Pour une blague un peu piquante, Tex se retrouve licencié de France 2, pour s’être grimé en basketteur noir des Harlem Globe Trotteurs Antoine Griezmann, qui est tout sauf raciste, suscite la polémique sur les réseaux sociaux… Bref, nous sommes harcelés. Par des associations, des juges 2.0 qui nous disent comment et quoi penser, dans un climat malsain de culture de la culpabilité, de repentance perpétuelle et de crispation(s) identitaire(s) auquel je n’entends rien.
L’évènement de 2017 ?
La fin proclamée de Daech en Irak. Cet événement est passé assez inaperçu, mais l’annonce récente du Premier ministre irakien est symboliquement très forte. Il faut en effet se souvenir de notre état d’esprit il y a 2 ans, juste après les attentats de Paris. A l’époque, l’EI suscitait quantité de vocations sur la base de sa prétendue invincibilité. Ce mythe a vécu, mais je serais prudent, étant convaincu que Daech peut renaître de ses cendres, sous une autre forme et ailleurs. De toute évidence, le terrorisme islamiste n’a pas disparu et il faut rester sur ses gardes…
J’aurais aussi pu citer le transfert, lourd de sens, de l’ambassade américaine en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem ou l’élection d’Emmanuel Macron, néo-quadragénaire ambitieux, doué d’un vocabulaire riche et d’un sens du lyrisme, aux propos parfois maladroits voire arrogants, mais qui semble avoir tiré les enseignements qui s’imposaient du mandat de François Hollande…
Sur le plan sportif, j’aurais un mot sur Roger Federer et Rafael Nadal, qui ont partagé les grands titres cette année et occupent, comme au bon vieux temps, les deux premières places du classement ATP. Vu leur âge, les sacrifices qu’impose le tennis au plus haut niveau et le fait qu’ils n’ont plus rien à prouver depuis longtemps, on se situe au-delà de l’exploit.
Ton meilleur livre lu cette année ?
Le Diable du ciel, de Laurent Obertone. Un ouvrage saisissant sur la tragédie du vol 4590 de la Germanwings. Très bien écrit, intense, oppressant parfois, ce thriller retrace le parcours épouvantable du copilote Andreas Lubitz, lequel s’est lancé dans une entreprise folle : s’enfermer dans le cockpit, à la faveur d’une réglementation dictée par les attentats du 11 septembre 2001, et projeter dans les Alpes, hautement symboliques dans sa triste histoire personnelle, l’A320 dont les circonstances ont fait qu’il a eu la charge. Passionné d’aéronautique et de sécurité aérienne, j’avais été profondément marqué par ce drame. Laurent Obertone a fait en sorte que je ne l’oublie pas de sitôt.
Le meilleur film de l’année ?
Je vais très rarement au cinéma ! J’en vois beaucoup à la télévision, mais là je sèche… Ah si ! Ma vie de courgette. Ce film d’animation est un véritable chef-d’oeuvre. Dans le genre, je n’en ai vu aucun autre qui lui arrivait à la cheville.
L’émission radiophonique de l’année ?
Je n’écoute jamais la radio, mais c’est promis je vais m’attacher à gommer cet impair en 2018.
L’album le plus écouté cette année ?
Aucun ! Je n’achète jamais d’albums et me borne à découvrir des pépites, parfois totalement par hasard.
La personnalité de l’année ?
Donald Trump. Je l’abhorre pour pléthore de raisons, mais ce président est en train de marquer l’histoire. Trop populiste pour être honnête, le successeur de Barack Obama brille par son inélégance, sa capacité à brouiller les pistes, sa propension à se moquer du monde et sa perception bien à lui de la diplomatie.
Il est incernable, et il est impossible de déterminer avec certitude s’il a des convictions ou une ligne directrice tant il semble constamment changer d’avis. J’avoue avoir peur de lui, l’estimant capable de tout et surtout du pire, et autant j’aime bien le politiquement correct – dans l’idée du moins -, autant Donald Trump va beaucoup trop loin dans ce registre.
En étant objectif, sa première année à la tête des Etats-Unis a été marquante, avec beaucoup de décisions fortes et dont nous ne pouvons encore mesurer la portée (le retrait de l’accord de Paris, Jérusalem, la mise à l’index de l’Iran, la réforme fiscale, les nombreux épisodes relatifs à sa politique migratoire…). Va-t-il tempérer un peu ses ardeurs ou au contraire continuer de détricoter ce qu’avait entrepris Barack Obama, qui l’avait humilié publiquement lors du traditionnel dîner des correspondants de presse ? C’est toute la question…
Le mensonge de l’année ?
Joker !
L’article que tu as préféré écrire pour le Nouveau Cénacle ?
L’hommage rendu à Johnny Halliday. Sincèrement affecté par sa disparition, grand artiste, immense chanteur et personnalité fondamentalement attachante qui faisait partie de nos vies à tous, j’ai été d’autant plus courroucé par le mépris de classe dont il a pu faire l’objet, essentiellement de la part de personnes qui ne feront jamais rien de comparable dans leur existence. Que ceux qui ont estimé que les médias en ont trop fait à ce sujet zappent ou éteignent leur télévision, au lieu de maugréer ! Cet édito était un cri du coeur, motivé par le décès d’un homme que j’aimais, par la peine collective que cette mort a suscité et qui appelle selon moi l’inclination, et par la volonté – illusoire – de remettre à leur place ceux qui se contentent de railler et de brailler. Pour reprendre la formule de Jean Pingeot, ex-plume du Figaro, il y aura toujours des petits chiens pour pisser sur les cathédrales.
Ces petits chiens, ces esprits forts, ces pisse-froid, ces ayatollahs du bon goût, souvent de gauche soit dit en passant, ne méritent pas davantage que le mépris qu’ils affichent.
L’article que tu as préféré lire sur le Nouveau Cénacle ?
Playboy, la fin d’un mythe : « On avait le savoir en partage, comme l’expression et la belle représentation des intérêts de l’esprit. Le savoir peut être beau, lorsqu’il est joliment amené. La connaissance et le beau, ou le jeu, deux dispositions qui doivent se compléter sans se contredire. Aujourd’hui, on a le choix entre des magazines intégralement racoleurs, ou des publications tendant vers l’élitisme le plus décomplexé ».
Tellement juste !
L’article que tu aurais aimé écrire sur le Nouveau Cénacle ?
Même réponse !