Partagez sur "L’ataraxie monacale est-elle le seul horizon du bonheur moderne ?"
Après Un temps pour mourir (Fayard, 2018), Nicolas Diat publie Le Grand bonheur, un récit apaisant (quoique bouleversant) sur le quotidien des moines de Fontgombault.
Si la vie est faite de rencontres, celle de Nicolas Diat aura été indubitablement marquée par ses rencontres avec les moines, comme il en avait témoigné à travers son dernier ouvrage, qui montrait avec subtilité comment ces hommes de Dieu envisageaient la fin de vie et affrontaient le deuil et l’angoisse de l’inévitable. Ce « grand bonheur » qu’il nous propose cette fois de découvrir, est une invitation au voyage, à la paix intérieure et à une existence sereinement éloignée du monde. Un univers de prière, de chants liturgiques, d’offices matinaux, de travaux manuels, un oasis de fraternité et de communion, presque un désert de science-fiction pour l’individu contemporain ultra-connecté.
Plus que des histoires personnelles, Nicolas Diat met en lumière des vocations, et les doutes inhérents à une telle décision : celle du père Jean-Baptiste, par exemple : « Le jeune homme n’a jamais pensé à la vocation avant sa première année de lycée : ‘Je me suis senti appelé à la vie contemplative par l’adoration eucharistique. Je me souviens d’un moment très précis où l’appel fut net et clair ». La vie monacale n’en est pas moins coupée du monde : « Un moine ne baigne pas dans les eaux changeantes du monde. Il a quitté la société le jour de son entrée en clôture. Les religieux sont informés à grands traits des évènements du pays. On pourrait penser qu’ils ne sont pas armés pour comprendre les problèmes d’une époque qu’ils ne connaissent guère. Rien n’est plus faux : ils parviennent souvent à trouver les mots justes ».
Des moines pour éclairer le monde
Plusieurs ouvrages marquants ont d’ailleurs été écrits lors de la dernière décennie par des moines ou de simples auteurs qui ont tenu à témoigner de leur expérience, nous pensons ici à Michel-Marie Zanotti-Sorkine et Le Passeur de Dieu (Robert Laffont), aux Chercheurs de Dieu de Jacques Tyrol (Salvator), aux Fils de Lumière en temps d’épreuve de Dom Samuel (Artège) et même à l’inoubliable Cantique de l’infinistère de François Cassingena–Trévedy (Desclée de Brouwer). Expérience du monde par un moine ou confession d’un itinérant venu trouver des réponses dans une abbaye, ces textes témoignent d’une soif spirituelle qu’éprouve l’homme moderne dans un monde asséché par la technique, le divertissement et le consumérisme.
« Le Grand bonheur » décrit par Nicolas Diat est avant tout une expérience de la lumière qui irrigue encore quelques oasis de beauté perdus dans nos montagnes et nos vallées, où des vies sont offertes pour contempler Dieu et Le prier quotidiennement. Elles ne sont pas coupées du monde, elles sont données à une force qui dépasse le tumulte terrestre.
L’ataraxie spirituelle des moines de Fontgombault est une promesse, voire davantage : une espérance. Celle d’un monde réconcilié, bienveillant, apaisant, soucieux de son prochain comme de la nature. Nous songeons finalement au chant de Lucrèce : « Rien n’est plus doux que d’habiter les hauts lieux / fortifiés solidement par le savoir des sages, / temples de sérénité d’où l’on peut voir les autres / errer sans trêve en bas, cherchant le chemin de la vie ».