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Nicolas Diat publie Un Temps pour mourir, aux éditions Fayard. Il ouvre les portes de plusieurs monastères et va à la rencontre des moines et ces échanges bouleversants forment un récit poignant sur les doutes et les angoisses de ceux qui ont offert leur vie à Dieu.

Dans L’Eclipse de la mort, Robert Redeker a montré combien l’être humain d’aujourd’hui avait perdu non seulement conscience du tragique de la vie mais également de son principal corollaire : la vieillesse. En creux, nous devinons l’adage oublié de Montaigne : « Philosopher, c’est apprendre à mourir » et la perte de sens occasionné par le refoulement de notre condition. Dès lors, il est souvent confortable, voire rassurant, de penser que les hommes ayant choisi la vie monastique envisagent ce grand départ sereinement. La religion ne serait donc plus qu’un dérivatif. Une sagesse qui permettrait de guérir de cette frayeur.

« Les hommes sont aspirés vers le haut, mais leur corps et leur intelligence les gardent sur la terre. »

De l’abbaye de Lagrasse en passant par celle de Cîteaux ou celle de Sept-Fons, Nicolas Diat rencontre les moines et recueille leurs angoisses. Son constat est tranchant : « Les hommes sont aspirés vers le haut, mais leur corps et leur intelligence les gardent sur la terre. Les lois humaines valent pour tous, hommes de Dieu compris : la peur de la mort, la peur du deuil, la peur de l’oubli sont instinctives en chacun de nous ». La vie monacale n’est pas non plus présentée comme une vie sainte. L’auteur évite les caricatures et affirme : « On imagine le moins dans une sorte d’apathéia. En un sens, cette image d’Epinal n’est pas fausse. Mais il ne fait jamais oublier que les moins font des sorties de route. La foi est comme un petit filet d’eau qui ne parvient plus à les désaltérer ». Par instant, on songe à cette phrase de Victor Hugo extraite des Misérables (II, 7) : « La prise de voile ou de froc est un suicide payé d’éternité ».

Le corps et l’âme des moines

Du point de vue « journalistique », le livre est également une réussite. Les propos recueillis et retranscrits avec une émotion gardée intacte, les rites funéraires propres aux monastères et les règles de vie monacales sont expliquées avec une grande précision. Le style de Nicolas Diat est imprégné du respect qu’il a pour ces hommes. Il nous emmène à leur découverte sans jamais les bousculer. Sa plume, légère et poétique, nous présente ces hommes de Dieu en préservant leur intimité. Il ne les dérange pas. Nulle intrusion. Tout juste un dévoilement.

« Le corps est périssable, mais l’âme est immortelle. »

Le récit nous touche particulièrement parce qu’il met en lumière leurs angoisses et leurs doutes comme tout un chacun. Seulement, ils ont conscience que la souffrance comme la mort ne constituent qu’une étape vers le Ciel. Le corps est périssable, mais l’âme est immortelle. Et c’est ce principe intangible qui est ici rappelé avec humour : « Dom Robert consultait aussi un médecin. Ce dernier le questionnait : ‘Comment allez-vous ?’ Sa réponse était assez équivoque : ‘Moi, je vais très bien. C’est ma santé qui va plutôt mal ».  Le corps n’est pas nié pour autant. L’attention constante, fraternelle et gratuite qu’ils se donnent est d’autant plus forte que le quatrième âge est bien souvent celui de la découverte de la solitude et de la grande dépendance. Finalement, la beauté de ce livre et la force de cette enquête sont résumées une nouvelle fois par Victor Hugo : « Un couvent, c’est une contradiction. Pour but, le salut ; pour moyen, le sacrifice. Le couvent, c’est le suprême égoïsme ayant pour résultante la suprême abnégation. »

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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