Neuvième chronique du quotidien de Christophe Bérurier, professeur de français dans un un collège de ZEP.
Lundi
Ce matin, je retrouve dans mon casier deux rapports de discipline, à propos du même élève. Les parents sont injoignables, l’élève ne fait pas ses heures de retenue. Les chefs d’établissement ont réussi à prendre un rendez-vous pour ce soir à 17h. Je termine à 16h.
J’attendrai donc une heure de plus.
C’est aussi ça le métier d’enseignant. On doit prendre le temps d’attendre. Le rendez-vous avec le père est long : cinq professeurs sont venus se plaindre du comportement de l’enfant. Un professeur de sport l’encense. Le père ne semble pas comprendre grand-chose, si ce n’est que ça ne va pas. On sent la correction venir pour le retour à la maison. Sanction prévue : exclusion interne (l’élève exclu de sa classe vient travailler en permanence dans le collège pendant trois jours). Puis à son retour, une fiche de suivie qui notera à chaque heure de cours le comportement de l’élève. Comme au début de l’année. Cela sera sans doute inutile.
Mardi
Journée sans grand intérêt, comme il y en a dans tous les métiers. Le cours est mené, on prend du retard, certains élèves travaillent, d’autres s’amusent puis ils sont remplacés par ceux de la classe suivante. Jusqu’au soir.
Jeudi
Oubli de la journée : une réunion syndicale en fin de matinée. Faire le point sur le dernier conseil d’administration, parler des budgets et aborder la création des nouvelles commissions voulues par le nouveau chef d’établissement. Quarante cinq minutes de babillage. Les représentants syndicaux du personnel donnent leur avis : « cette nouvelle commission ne fonctionnera pas. On en parle car c’est une décision du nouveau patron. » Il veut la mettre en place. Soit. Même si cela ne fonctionne pas, l’important est d’essayer.
C’est un des problèmes de l’Education nationale : comme nos bons élèves, principaux et professeurs, on cherche tous la bonne note.
Fin d’après midi : conseil pédagogique ouvert aux professeurs principaux. En ZEP il y a deux professeurs principaux par classe. Tous les enseignants sont donc présents. Le conseil pédagogique est une réunion qui doit, selon les textes officiels « favoriser la concertation des enseignants ». En clair une majorité des enseignants est contre, par principe puisque la salle des profs peut permettre la concertation informelle. En pratique, depuis deux ans dans l’établissement je n’arrive pas encore à relier chaque nom à son visage.
Durant cette réunion le chef d’établissement demande s’il y a des enseignants volontaires pour participer aux futurs conseils pédagogiques. Personne ne répond et tout le monde rigole. Certains font même des blagues. Une douce ambiance de classe mal tenue. Les bavardages de mes collègues sont permanents. Le silence se fait lorsque le principal aborde la question de la durée des futures réunions. Souvent le principal a répété cette formule magique, comme un bouclier pour se défendre de décisions à venir : « Vous êtes déjà submergés de boulot, mais… ». La réunion se termine dans de chuintants chuchotements. L’impression qu’à chaque fois ça recommence, les mêmes prennent la parole pour redire indéfiniment la même chose : « je suis dans ce collège depuis vingt ans et je n’ai jamais… », « Je ne parle pas en tant que professeur mais en tant que parents… ». On sait tous qu’on recommencera la prochaine fois.
Vendredi
La période qui s’annonce est chargée : conseils de classe, devoirs communs, réunions parents/ professeurs… Il faut tout de même utiliser l’heure et demie de repas pour fêter le Beaujolais nouveau. Bientôt ca sera le repas de Noël. Les enseignants sont des fêtards. La journée se passe sans encombres. L’élève exclu depuis mercredi devait se présenter de 8h30 à 18h.
Je ne l’ai vu que deux heures.