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Une Sainte semaine épouvantable. Alors que les Catholiques pleuraient encore Notre-Dame de Paris, un attentat est survenu au Sri Lanka en pleine messe de Pâques, causant près de 290 morts et 500 blessés. Les autorités sri lankaises accusent un mouvement islamiste local, et l’Etat islamique a revendiqué les attaques.

Dies irae pour les uns, tragédie incomparable pour les autres, l’incendie qui s’est déclaré dans la charpente de Notre-Dame de Paris et qui a provoqué l’effondrement de la flèche et la destruction des toitures de la nef et du transept le 15 avril, n’en finit pas d’émouvoir les Chrétiens et l’ensemble des Français attachés à cette vieille dame qu’ils avaient l’habitude de venir saluer au gré d’une pérégrination sur les quais de Seine. La quiétude qui environnait l’île de la Cité n’est plus qu’un souvenir. Nous ne flânerons plus devant le parvis après un tour chez les bouquinistes. Nous irons, le cœur serré, non plus en badauds mais en pèlerins rendre hommage à l’édifice qui a accueilli tant de larmes de convertis, tant de prières silencieuses, tant de joie et tant de peines. Pendant quelques jours, la France a communié sur les décombres de la façade démolie, se souvenant presque du vœu formulé par Louis XIII en 1638 de consacrer la France à la Vierge Marie.

« La charpente matérielle a été réduite en cendres, mais la charpente religieuse s’est manifestée dans tout son éclat. »

Dans un article paru dans Le Figaro, Chantal Delsol affirme : « Tout se passe aujourd’hui comme si une partie de nos médias et de nos gouvernants, enclins à traiter de fascistes ceux qui clament leur attachement à leur identité, venaient de se rendre compte de l’importance de l’enracinement culturel (…) c’est seulement dans le tragique que l’idéologie, cette fable qui se prend pour la réalité, doit céder le pas à la réalité qu’elle n’est pas ». L’immense malheur qui a frappé Notre-Dame a ramené le peuple français à son essence, ou plutôt, à sa « vocation spirituelle » pour reprendre la terminologie de Bernanos. Les flammes qui ont ravagé la cathédrale ont ravivé les cendres d’un attachement charnel, presque inconscient, au catholicisme et au manteau d’églises qui enveloppe notre pays. La charpente matérielle a été réduite en cendres, mais la charpente religieuse s’est manifestée dans tout son éclat. Les Français ont redécouvert aussi leur lien privilégié avec le Beau, qu’il soit architectural et littéraire, en rendant hommage à l’œuvre de Victor Hugo.

Guerre à tous les démolisseurs

L’attentat survenu au Sri Lanka aurait pu – aurait dû ? – susciter une même émotion. Les deux évènements ont mis en relief un phénomène déjà observé après le sacrifice du père Hamel : la France se souvient de ses racines catholiques au moment d’une tragédie. Si l’attachement culturel au cultuel est déterminant, la foi n’en demeure pas moins sur une « branloire pérenne », pour plagier Montaigne. Un christianisme authentiquement ardent, vivant et non pas simplement patrimonial aurait provoqué la tristesse que ces presque 300 morts un jour de Pâques méritent. Emmanuel Macron, qui n’a pas prononcé une seule fois le mot « catholique » dans son allocution consécutive à l’incendie, n’a fait que pleurer de larmes de crocodile.

Pour le croyant, il est impossible de ne pas mettre les deux drames en miroir pour tenter de les comprendre. Non pas pour y voir la main de Dieu, mais pour tenter de déceler la folie des hommes à travers les centaines de milliers de Chrétiens persécutés dans le monde entier. Les pierres vivantes de Notre-Dame doivent raviver notre attachement à notre passé, certes, mais aussi à notre présent, car dans certaines parties du globe, se rendre à une messe constitue une prise de risque mortel.

« L’intermittence du cœur français pour le christianisme est vain s’il ne montre pas sa solidarité avec les Chrétiens persécutés dans le monde entier. »

« Guerre aux démolisseurs » s’écriait le jeune Hugo en 1825 dans les colonnes de la Revue des Deux mondes, pour « arrêter le marteau qui mutilait la face du pays ». En 1831, il offrait son Notre-Dame de Paris, sa cathédrale de papier, pour sauver l’édifice déjà en péril. Aujourd’hui, nous devons aussi répondre aux démolisseurs qui veulent en finir avec notre civilisation. Et il ne faut pas seulement batailler avec avec les esprits de mauvais goût qui déjà veulent remplacer l’œuvre d’Eugène Viollet-le-Duc par une baudruche signée Jeff Koons. L’intermittence du cœur français pour le christianisme est vain s’il ne montre pas sa solidarité avec les Chrétiens persécutés dans le monde entier. Après Christchurch, l’hommage aux victimes avait été planétaire. Des Néo-Zélandaises avaient même revêtu le hijab en signe de recueillement. A-t-on observé pareil émoi dans le monde islamique ? De même, si les lectures de l’assassin de Christchurch avaient été pointées du doigt, qui va s’interroger sur les dizaines de sourates coraniques qui appellent à tuer les Juifs et les Chrétiens, que les islamistes prennent au pied de la lettre, à Saint-Etienne-du-Rouvray hier, au Sri Lanka aujourd’hui ?

Pour lutter contre la démolition (sociale, intellectuelle, spirituelle et humaine), c’est encore une fois vers Victor Hugo que nous pouvons nous tourner. Dans Claude Gueux, paru en 1834, pour dénoncer le manque d’éducation du peuple, celui que la postérité décrit comme un anticlérical viscéral, écrit pourtant : « Souvenez-vous qu’il y a un livre … plus éternel que la charte de 1830 ; c’est l’Écriture Sainte. Donc ensemencez les villages d’évangiles. Une Bible par cabane. Que chaque livre et chaque champ produisent à eux deux un travailleur moral ».  Le martyre des pierres ne doit pas nous faire ignorer celui des Hommes, et Notre-Dame, qui est restée débout, doit nous rappeler que chaque blessure est un témoignage d’espérance.

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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