Chaque période de vacances voit ressurgir le News Show sur Canal +, animé cette saison par Maïtena Biraben. Au-delà du simple divertissement proposé par la chaîne cryptée, Julien de Rubempré y voit également l’illustration d’une forme de mépris à l’égard des classes populaires.
Après l’excellent Bruce Toussaint et l’insipide Ariane Massenet, c’est au tour de la délicieuse Maïtena Biraben de présenter le News Show sur Canal + lors de chaque période de vacances. Le concept est simple et inchangé : deux candidats aidés par deux personnalités doivent répondre à une série de questions sur l’actualité pour empocher une somme d’argent à la fin. Dès son lancement en 2009, ce jeu provoqua des réactions contrastées, certains faisant l’éloge de la légèreté et de la décontraction d’une émission ludique, d’autres dénigrant la présence de femmes et d’hommes politiques dans un programme de divertissement.
Le News Show, une tribune partisane ?
Le mélange du « people » et des représentants de la res publica n’est évidemment pas un problème car leur fonction essentielle depuis les forums athéniens est de se montrer pour s’exprimer au plus grand nombre. Plaire et convaincre : les préceptes sont immuables depuis Aristote. Un jeu estival axé sur la bonne humeur est donc le meilleur exercice de communication politique afin de renvoyer une image débonnaire et d’adresser quelques théories implicites aux vacanciers.
En revanche, c’est plutôt le choix des invités et des élus qui interpelle lorsque l’on analyse de près la liste de ces « guests ». D’Anne Hidalgo en passant par Noël Mamère, Jean-Paul Huchon, ou Franck Riester, Laurent Wauquiez, Roselyne Bachelot ou encore Chantal Jouanno. Une véritable illusion de pluralisme étant donné que ce casting ne rassemble que les figures de proue de la gauche libérale et de la droite progressiste. De simple amusement estival, le News Show devient dès lors une insidieuse séance d’hypnose libérale durant laquelle les enfants spirituels de Jacques Delors et de Giscard d’Estaing ânonnent sans relâche le même prêche festif et bien-pensant que Nicolas Demorand leur écrit chaque matin dans Libération. Donner la parole à des adversaires fantoches qui votent la même austérité à Bruxelles et déclinent les mêmes propositions farfelues (on ne citera que la tragique opposition entre la Fête du Périph’ à gauche et les stations de métro transformées en discothèques à droite) est un choix éditorial et idéologique de la part de la chaîne officielle des CSP +.
Aide-toi, et le people t’aidera
Nul besoin de verser dans la paranoïa et les théories de la manipulation, mais force est de constater que le vacancier lambda, soignant ses coups de soleil aux épaules et dégustant son kir royal, n’est pas en « situation de méfiance » à l’égard du message délivré dans la lucarne. Enrobé dans son flot de ricanements et de jingles, le News Show prend donc le téléspectateur en traître en lui imposant un message politique bien défini, jusque dans les questions posées au travers desquelles les rares figures à contester le système – un Jean-Luc Mélenchon ou un Henri Guaino par exemple – sont tournées en dérision.
Le constat est identique concernant les « peoples » censés venir en aide aux candidats. Joyce Jonathan, la copine du fils de François Hollande ; Bruno Solo, l’acteur encarté Front de gauche qui n’aime pas évoquer le montant de ses cachets ; Marilou Berry, fille de Josiane Balasko, figure de la méritocratie française qui a évidemment décroché des rôles au cinéma grâce à son seul talent d’actrice, pour ne citer qu’eux. Toujours ces mêmes Tartuffe de la générosité cathodique.
De surcroît, la mécanique du News Show est en elle-même un message dégradant pour le candidat. Entouré de deux personnalités, il est dans la position de celui qui doit être aidé par ceux qui savent mieux que lui. L’anonyme est donc par conséquent placé en infériorité par rapport aux « peoples » qui par essence seraient plus au fait de l’actualité que lui. Passons sur l’indécence voire le cynisme qui consiste à faire remporter un gain inespéré à ce candidat qui représente un dixième du salaire de ces adjuvants d’un soir.
Sous son air joyeux et humoristique, le News show n’en demeure pas moins un média qui par définition est un support pour délivrer un message. Et ce dernier est tout sauf démocratique : invités politiques interchangeables, « peoples » au profil idéologique parfaitement défini, candidat anonyme relégué au rôle de marionnette ignorante. « A l’heure de l’apéro, c’est l’heure du News Show » a coutume de déclamer Maïtena Biraben au début de l’émission. Sauf pour le prolo.
Julien de Rubempré