Lui qui voulait tant embellir et sauver le monde par la beauté, voilà qu’il l’a quitté un 16 février 1990, il n’avait que 31 ans.
(ma vidéo sur Keith Haring :https://www.youtube.com/watch?v=OuRqvaGirUY&feature=youtu.be )
Malgré son jeune âge il a néanmoins profondément bouleversé son époque. Par la vitesse, le mouvement et la fulgurance de ses intuitions, l’art devient entre ses mains un puissant véhicule qui fait ressurgir tous les vieux mythes et symboles de l’imaginaire et de l’inconscient collectifs de l’humanité. Alors que les autres peintres avaient défini des paramètres et des exemples de réel dans leurs ateliers avec des méthodes et des formes de fabrication industrielle, lui au contraire définissait un rapport au réel qui s’analyse en ses propres termes par « être au monde ».
Par exemple, le métro devenait par son utilisation personnelle un véritable musée populaire. Tous les matins, il sautait de son lit et avec une boite de craie blanche se précipitait dans les wagons de toutes les lignes qui traversaient Manhattan, de Brooklyn à Harlem. Il était à l’affût des panneaux publicitaires inutilisés recouverts de papiers noirs.
Comme par révélation il fit la découverte de ces espaces vierges en ces termes « Je me suis rendu compte immédiatement que c’était le lieu parfait pour dessiner ». C’est pourquoi la craie s’est révélée le médium idéal grâce à cette « ligne continue » qui a toujours été son objectif d’utilisation : « flux » et « fluidité ».
Sans être réellement un graffeur, il utilise cependant cette technique comme un puissant outil de communication pour forcer la porte du monde conventionnel de l’art et l’ouvrir à tous. Il se veut tellement proche de chacun d’entre nous qu’il laisse la plupart de ses œuvres sans titre « untitled » pour que chaque spectateur puisse s’approprier à sa guise de son œuvre.
Etre profondément désintéressé, il se donne entièrement et totalement à son œuvre et aux autres. Il laisse sa marque personnelle qui est une forme hybride entre peinture et écriture en s’inspirant aussi bien des hiéroglyphes égyptiennes que des pictogrammes japonais, chinois ou mayas… Ce faisant il réussit à développer un moyen de communication formelle grâce à l’utilisation d’un vocabulaire symbolique.
Le monde convoqué par lui bouscule les interdits, les frontières du racisme et de l’intolérance pour porter son message simple et fort de l’amour et de l’amitié universelles. C’est un univers psychédélique empli d’une syntaxe de signes mâtiné par une inspiration issue de la contre-culture, sur fond incessant de hip-hop et de rap.
Par la douceur, l’amour de l’autre et surtout son implication dans le monde de l’enfance (de nombreuses peintures murales dans les écoles ou hôpitaux…), K.Haring est une figure attachante.
Il est resté un enfant de 12 ans avec son air ahuri ne cessant de gesticuler comme un jeune fou intrépide. Trop impatient de changer le monde en le marquant de ses empreintes multiples. Il l’embellit par son univers graphique percutant et enchanteur. En simplifiant à l’extrême les formes et en utilisant des couleurs soutenues et fortes comme le bleu, le vert, le rouge et le jaune.
Tout cela permet aux enfants d’entrer directement dans ses œuvres d’autant que les motifs qu’il utilise sont ceux qui leur sont familiers car issus de la BD ou de la culture télévisuelle.
Le monde autour de lui devient beau car il est à son image par la fraîcheur de la vérité et la sincérité de son art.
Un art proche sans concession facile d’accès mais profond, simple pour les enfants et parfois trop compliqué pour les adultes !
Christian Schmitt