Jean-Christophe Buisson publie Le Noir et le brun, une histoire illustrée du fascisme et du nazisme (1919-1946) aux éditions Perrin. Un livre aussi utile que passionnant qui retrace l’itinéraire des jumeaux maléfiques du XXe siècle.
En bon bainvillien, Jean-Christophe Buisson pointe dès l’introduction de son ouvrage ce que Jacques Bainville expliquait dans Les Conséquences politiques de la paix : « Trop douce pour ce qu’elle a de dur, et trop dure pour ce qu’elle a de doux ». Le ressentiment suscité à l’endroit du Traité de Versailles a été l’élément déclencheur de la montée irrépressible des nationalismes après le premier conflit mondial.
Mussolini et Hitler constituent ainsi les deux figures de proue de cette progression fatale sur le Vieux Continent : tantôt modèles réciproques, tantôt frères ennemis, tantôt alliés, ils ont incarné les périls meurtriers du siècle précédent. En racontant en parallèle l’histoire du Duce et celle du Führer, l’auteur pointe les similitudes et les nuances nécessaires pour comprendre les différents enjeux politiques, moraux et culturels qui ont conduit au péril de l’Europe. A l’heure où les procès médiatiques en fascisme et en nazisme font florès, la mise au point est plus que bienvenue.
Buisson montre également comment le fascisme s’est exporté dans le monde entier (Portugal, Japon, Grèce, Argentine, Espagne …), à l’instar de son pendant totalitaire communiste. Il expose aussi les nombreuses figures intellectuelles qui ont été – parfois malgré elles – les compagnons de route du fascisme (d’Annunzio, Malaparte) ainsi que les hommes d’Hitler qui ont oeuvré à la catastrophe que l’on sait.
Pour l’histoire, vive l’iconographie !
Après 1917 et Le Siècle rouge, j’attendais avec impatience le nouvel opus de cette collection particulière que nous propose Perrin, parce que ces livres invitent à une expérience unique qui est peut-être ce qu’il y a de plus précieux dans le plaisir de la lecture : la gourmandise. Ce sont de beaux livres, que l’on a plaisir à offrir, que l’on ouvre en cachette au détour d’une librairie, que l’on feuillette le soir avec la curiosité d’un écolier qui rêve devant son manuel d’histoire au lieu d’apprendre sa leçon.
Comme avec les deux précédents ouvrages, l’iconographie est remarquable. Nous manquons de livres d’histoire en grands formats, richement illustrés, qui présentent les « pièces à conviction » et donnent un matériau visuel en plus du texte. Même si le thème n’invite pas – stricto sensu – au plaisir, il n’en demeure pas moins que cette lecture est passionnante et enrichissante.
Je l’ai d’ailleurs achevée en méditant sur une particularité (qui m’est peut-être propre), pour lire de l’histoire : j’ai besoin que le livre soit beau. Je lis encore Molière dans mes vieux exemplaires tachés d’encre depuis le collège, je relis Notre-Dame de Paris dans une édition poche jaunie qui ne tient presque plus debout, je me remémore les poèmes des Fleurs du mal avec un livre qui n’en est bientôt plus tout à fait un car les pages s’en détachent … mais pour l’histoire, j’ai besoin d’un grand et beau livre pour sublimer mon plaisir de lecteur. Et celui-ci en est un.