Partagez sur "Michel Onfray : au commencement était le verbiage"
Dans son ouvrage Décadence, Michel Onfray se livre à ce qu’il sait faire de mieux, à savoir l’élucubration mâtinée de mots savants pour impressionner le grand public. Hélas pour lui, dans Monsieur Onfray au pays des mythes (paru aux éditions Salvator), le professeur Jean-Marie Salamito lui donne une leçon d’histoire dont le philosophe médiatique se souviendra.
Onfray n’a jamais, à proprement parler, mené un travail de philosophe. Il a écrit une somme d’ouvrages à portée philosophique, mais il n’a été à l’origine d’aucun concept, d’aucune idée. Son travail « d’historien de la philosophie » athée et libertaire n’est pas toujours dénué d’intérêt, mais il ne fait que reprendre – gauchement – des thèses éculées qui, de plus, ne sont pas tout à fait les siennes. Ainsi, dans Décadence, Onfray se propose d’analyser l’effondrement de notre civilisation chrétienne, tout en noyant son propos de thèses farfelues sur l’existence de Jésus ou de mensonges éhontés sur les Pères de l’Eglise. Il est possible – même souhaitable – d’avoir un regard critique sur les religions, surtout si l’on se revendique amoureux de la sagesse, mais cela requiert une part d’honnêteté intellectuelle. Et Onfray semble en être dépourvu.
Dans son essai Monsieur Onfray au pays des mythes, Jean-Marie Salamito répond point par point à l’agitateur. Professeur d’histoire du christianisme antique à Paris IV et spécialiste de saint Augustin, Salamito prend la peine d’effectuer ce qu’Onfray a négligé : revenir au texte. Traduire. Confronter. Mettre en perspective. Il a lu Décadence avec attention et en note toutes les incohérences. Le tout est presque jouissif. De surcroît, il pointe du doigt avec justesse la recette de Michel Onfray pour parvenir à recueillir à un certain écho : « Ce lâche procédé de l’énumération ridiculisante permet à l’auteur de ne pas réfléchir, de ne pas chercher à comprendre, tout en poussant son public à en faire autant. (…) Car toute science, tout savoir pourront toujours sembler ridicules, si l’on se limite à jeter à la figure des gens, sans discernement ni didactisme, les mots épars de leur lexique spécialisé ».
« Onfray a fait de son défaut une qualité pour briller dans les médias. Son verbiage est une arme ».
Tout Onfray est résumé à travers ces lignes. Le même procédé avait d’ailleurs été utilisé par notre cher BHL de province concernant Freud : énumérer des défauts personnels touchant à l’intime pour disqualifier une théorie, et noyer son propos d’un lexique scientifique pour le tourner en ridicule. Onfray a fait de son défaut une qualité pour briller dans les médias. Son verbiage est une arme pour asséner ses vérités à un public et à un parterre de journalistes qui n’ont pas les armes pour lui répondre. Mais, lorsqu’un professeur se penche sur son travail, ce dernier ne résiste pas à l’analyse critique.
Les fantasmes de Michel Onfray
Comme le note Salamito, Onfray ne semble même pas s’être donné la peine d’avoir relu les Evangiles pour écrire son livre. Il va même jusqu’à remettre l’existence de Jésus en question parce que ce dernier ne serait jamais décrit en train de manger ou de boire … Alors que les textes du Nouveau testament font tous référence aux repas du Christ (surtout le dernier …). Onfray a pris appui sur les apocryphes, les textes non-bibliques et largement postérieurs aux faits pour étayer sa thèse. Soit il s’agit d’une erreur de débutant, soit de mauvaise foi. Les deux ne sont pas à exclure.
« Le penseur se révèle sophiste ».
Les fantasmes d’Onfray à l’égard de saint Paul sont également démontés magistralement. Tout comme ceux à l’égard de saint Augustin. Il note également la grossière erreur concernant la devise des jésuites (Ad majorem Dei gloriam) que le philosophe pense être Perinde ac cadaver, tout comme il relève le nombre d’incohérences et d’invraisemblances distillées tout au long de Décadence. Il faut absolument lire cet essai pour prendre la mesure de l’inconséquence de Michel Onfray.
Comme Jean-Christian Petitfils le note, il y a un Jésus de l’Histoire et un Jésus de la foi. Le second appartient aux coeurs des croyants. Le premier est un sujet d’étude et Petitfils ne se prive pas, lui-même, de relever certains « oublis » dans les Evangiles. Mais Onfray n’en a cure. Le penseur se révèle sophiste, qui plus est négligent sur le travail minimum sur les sources à fournir. En résumé, comme le note Salamito, l’auteur de Décadence « méprise ce qu’il ignore ».
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