La majorité des Français rejette à présent les dérives des gilets jaunes, le vandalisme dont ont été l’objet les différentes devantures de magasins, les « oeuvres » contemporaines saccagées sur les ronds-points, la profanation des monuments parisiens, ou encore et surtout les violences à l’égard des forces de l’ordre.
Le message originel des gilets jaunes concernait la hausse du carburant et a provoqué la colère des habitants de la France périphérique, qui n’ont aucun autre moyen de locomotion pour aller travailler. Le message a depuis évolué, quitte à devenir de plus en plus confus. Il n’en demeure pas moins que les Français ne rejettent pas tous le message initial, aussi protéiforme soit-il. Une critique multiple qui n’est pas exempte de contradictions s’érige depuis maintenant plusieurs semaines : une remise en cause d’une tentation libérale, qui n’est pourtant que la suite logique du gouvernent précédent agrémentée d’attaques ad hominem à l’encontre du couple Macron, symbole d’une noblesse postmoderne car dénuée de toutes valeurs morales et religieuses, car désacralisée un an seulement après le début de son mandat.
Quand une partie de la gauche loue la propension des gilets jaunes à lutter contre le capitalisme mondialisé incarné en la personne de Macron, elle ferme les yeux sur leurs dérives multiples tant dans les paroles que les actes. A l’extrême gauche, on passe sous silence les gestes déplacés des uns, les chants racistes des autres ou encore la prolifération de thèses insensées voire complotistes.
« Une partie des gilets jaunes incarne aussi ce peuple français, un conglomérat apolitique que l’on refuse de voir à l’extrême gauche, que l’on méprise à gauche, que l’on courtise à droite. »
Pour autant, refuser d’accoler aux gilets jaunes les termes « beaufs », « complotistes » ou encore « racistes » au nom d’une lutte contre le mépris de classe ne permet pas de comprendre que derrière ce même peuple coexistent des personnes mues par l’idée de don, de partage et d’entraide pour reprendre les termes de Marcel Mauss, et des personnes aux moeurs franchouillardes, excluant celui qui n’est pas comme elles et promptes à développer des thèses aussi absurdes que dénuées de toute réflexion. Une partie des gilets jaunes incarne aussi ce peuple français, un conglomérat apolitique que l’on refuse de voir à l’extrême gauche, que l’on méprise à gauche, que l’on courtise à droite.
La violence des mouvements populaires
Si les Insoumis nient ce que sont de nombreux gilets jaunes afin de mythifier un peuple qu’ils pensent acquis à leur cause et qui pourtant les rejette, au profit du message simpliste consistant à opposer dans une lutte des classes les nantis et les laissés pour compte, en matière de démagogie, leurs contradicteurs pointant du doigt les violences pour mieux les opposer avec la majorité silencieuse, ne sont pas en reste.
« Vouloir opposer les violences des gilets jaunes à la république quand cette dernière sut s’ériger par des actes similaires relève ou du non-sens ou de la bêtise. »
Ainsi est-il bon de leur rappeler que les grands soulèvements populaires que furent la Révolution Française, encore la révolution de 1848 ou la Commune de Paris et devant lesquels les anti gilets jaunes, ardents défenseurs de la la république tombent en pâmoison et chérissent tout autant leur souffle démocratique que leur lutte pour obtenir des droits, ne furent en aucun cas des mouvements pacifistes. Les exactions, les violences et les crimes furent alors bien plus nombreux. Vouloir opposer les violences des gilets jaunes à la république quand cette dernière sut s’ériger par des actes similaires relève ou du non-sens ou de la bêtise. Tout mouvement populaire est par essence violent tant il exprime, à tort ou a raison, le rejet de l’ordre établi.
Quel avenir pour le mouvement ? Désormais s’il veut perdurer et peser dans la politique française, il se doit d’avoir à sa tête un leader charismatique et cultivé, n’appartenant à aucun mouvement politique et apte à dialoguer avec les instances du pouvoir dont il possède les codes et de fait issu de la bourgeoisie, à l’instar des meneurs des nombreux soulèvements populaires qu’a connu la France. Qu’il s’agisse de Robespierre lors de la Révolution Française (avocat de formation), de Victor Hugo durant les mouvements des barricades en 1848 ou encore de Louis Rossel lors de l’insurrection de la Commune en 1871, alors colonel de l’armée française qui estimait que le peuple devait être représenté par des hommes instruits, tous ces bourgeois ont incarné les différents mouvements par leur propension à discourir, à rassembler et à représenter le peuple dont ils ne partageaient pourtant ni la misère ni les conditions de vie.
Si l’Histoire leur dicte la démarche à suivre afin d’être entendus et représentés, le mouvement des gilets jaunes conteste avec véhémence l’idée d’un patriarche lettré et bourgeois, tant Alexandre Jardin et Françis Lalanne ne remplissent aucun de ces critères, tant ils assimilent cette classe sociale au pouvoir en place. Les actes deviennent alors vides de sens car ils ne sont le symbole d’aucune revendication.
Ce qui faisait autrefois la force du mouvement, un important rassemblement populaire aux messages aussi légitimes qu’audibles, devient aujourd’hui sa principale faiblesse. Il lui devient impossible d’énoncer des idées claires autour d’un représentant unique et apte à rassembler autour de lui.