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l’artiste OJI peint sur les murs des portraits souvent très expressifs.

Cela résulterait d’une aspiration incompressible de dessiner qui le pousse à graffer le plus souvent  des personnages ou des visages humains.

Dessiner relève, en effet, chez cet artiste d’une pathologie très proche de  l’addiction. Or, étonnamment, il est  un vrai autodidacte qui n’a appris que très récemment la technique du dessin. Cela a débuté  il y a deux ans, à l’automne 2013 pendant une  convalescence,  suite à une maladie. Pris par une sorte de crise boulimique incontrôlée pour le graphisme, il s’est mis à dessiner en recopiant  tous les albums de Robert Doisneau qu’il avait sous la main.

Ensuite comme poussé par une voix mystérieuse, il a ressenti le besoin de reproduire certains de ses  dessins sur le premier mur qui se trouvait  à proximité de chez lui.

Depuis, ce besoin de dessiner est devenu une véritable drogue et peut-être aussi  que l’odeur de la bombe n’a  pas été  étrangère à cette dépendance ? Par bonheur depuis son voyage à New York en avril-août 2015, il n’utilise plus beaucoup la bombe aérosol. Vu les prix pratiqués sur place (les bombes sont importées d’Europe et sont donc très onéreuses aux USA), Jonas a pris, en effet, l’habitude de n’utiliser  que le pinceau.

Même une fois revenu en France, il a fait   contre mauvaise fortune bon cœur puisque le pinceau est resté son instrument de prédilection. Dorénavant il se sent plus à l’aise avec le pinceau, même si occasionnellement il utilise encore la bombe. Car peindre à l’ancienne  lui offre plus de possibilités.

Notamment grâce à la grande variété des pinceaux qui lui  permettent une diversité des touches que la bombe ne saurait lui offrir.

Un art qui célèbre l’humain

Avec une allégorie  de portraits de personnages illustres (Malcom X, Basquiat…), l’artiste OJI célèbre leur engagement dans la vie sociale et culturelle. Il utilise sciemment les couleurs binaires.  Ainsi le noir et le blanc s’interpellent    comme s’ils prolongeaient le dessin par la peinture.

En plus les nuances sombres dérivées du noir permettent d’encourager stylistiquement une orientation psychologique qui vise à exposer l’âme profonde du sujet.

De même on sent   le besoin de l’artiste de cultiver un certain primitivisme brut dans le but évident de rompre avec une harmonie convenue et sage.

Par ailleurs la palette du peintre s’atténue sur le visage  pour permettre de l’éclairer et accentuer d’autant plus  son côté méditatif.   Mais celui-ci est sans complaisance  car il s’avère en réalité plus interrogatif que songeur.

La couleur pour exprimer  l’illumination

Lorsque deux êtres s’éprennent tendrement, la couleur transcende leur visage. L’agitation du pinceau aspire à la fulgurance qui trouve sa plénitude de chant dans la voix du rouge.

La couleur rouge du visage du jeune homme prend d’abord la forme de  rayures pour ensuite constituer des formes courbes envahissantes traduisant émotions et sensations qui surgissent des profondeurs. Le baiser qu’il donne conduit à provoquer une sorte d’attitude extatique chez sa partenaire, lui transmettant comme par effet d’osmose certaines ondes rougeoyantes.

Le récit que compose ce peintre donne accès à un savoir qui relève davantage de l’illumination que de la connaissance objective.

Mais aussi pour traduire le tragique moderne…

L’image véhiculée par la couleur puise aussi sa dimension tragique. A travers les barreaux d’une prison, surgissent deux mains dont l’une tend une rose rouge.

Ce surgissement met à nu l’homme dans sa condition première : une énigme posée à lui-même.

Car l’homme est prisonnier de lui-même, par son inconscient, par les forces obscures et souterraines qui l’aliènent. Témoignage de la double nature de l’être : à la fois monstre et merveille !

Cette rose d’un rouge éclatant est le seul espoir d’une libération. En fait la peinture reste combat, comme le seul ordre possible. Chaque signe coloré libère des significations enfouies qui mêlent l’universel au personnel. Le peintre par le rituel du pinceau agit comme le « sorcier chorégraphe accédant à la maîtrise du temps » selon la formulation de Pierre Alechinsky et pour raconter sa fable d’ombre et de lumière.

Le monde est devenu un théâtre

L’art urbain permet quant à lui de mettre en scène et d’improviser une nouvelle réalité. A ce titre il n’est pas un style, c’est un acte. Comme certains genres musicaux qui se sont perpétués au-delà de l’époque de leur naissance, la voix derrière l’art public spontané est destiné à perdurer  et à grandir.

Plus que des œuvres éphémères, elles s’installent définitivement dans la rue  comme un théâtre populaire. Grâce à l’art urbain, l’art devient accessible à tous.

OJI en se défoulant dans l’espace public infiltre ses émotions et sa sensibilité par effraction dans l’ennui du quotidien. Il y joue effectivement  le rôle subversif d’un clown et par conséquent  la rue est bien devenue son théâtre.

 

www.espacetrevisse.com

Site web de l’artiste :

http://www.ojidjo.com/

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Christian Schmitt

Critique d'art. Auteur de "l'univers de J.L. Trévisse, artiste peintre" (ed. Lelivredart 2008) et de trois autres ouvrages sur les vitraux réalisés par des artistes contemporains aux ed. des Paraiges: Jean Cocteau (2012), Jacques Villon (2014) et Roger Bissière (2016). A retrouver sur : http://www.espacetrevisse.com

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