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« Il est facile d’annoncer pour la énième fois que la liberté d’expression est non négociable quand on applaudit par ailleurs à chaque nouvelle destruction légale de la liberté de penser et que l’on vient justement de saluer une première condamnation par les tribunaux pour propos homophobes. La vaillante défense de la liberté et de l’Etat de droit contre les autorités religieuses serait plus crédible si elle s’exerçait aussi contre les innombrables nouveaux clergés qui font régner une terreur mille fois plus efficace que les vieilles puissances religieuses » – Philippe Muray

 

« Comme sur lui l’honneur n’eut jamais de puissance,

Il croit que tout le monde aspire à la vengeance.

De ses inimitiés rien n’arrête le cours :

Quand il hait une fois, il veut haïr toujours. »

Racine, La Thébaïde, II;3

 

Il y a quelque chose de pourri en République de Macronie. C’est le moins que l’on puisse conclure à la lecture édifiante autant qu’effrayante de l’ouvrage collectif intitulé Autopsie d’un déni d’antisémitisme (éditions du Toucan), autour du procès fait à l’historien Georges Bensoussan pour « délit de provocation à la discrimination, à la haine, à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de l’appartenance à une religion déterminée ». Non seulement en raison de la résurgence d’un antisémitisme bien réel (lequel, quoiqu’en disent les cosmopolitaristes repentants et les multicultis militants, n’a rien de l’extrême-droite traditionnelle française), mais aussi en raison du recul du droit et de la liberté dans notre cher pays « des Droits de l’Homme » dont la devise affiche au fronton des mairies Liberté – Égalité – Fraternité.

La peur de l’islamophobie

Au cours d’une émission Répliques d’Alain Finkielkraut, lors d’un débat avec Patrick Weil sur « Le sens de la république », Georges Bensoussan, historien, coordinateur de l’ouvrage Les Territoires perdus de la République, en poste au Mémorial de la Shoah à Paris, cite maladroitement dans le feu d’une vive dispute civilisée un sociologue algérien, Smaïn Laacher, qui disait en substance que l’antisémitisme culturel transmis au sein des familles est courant (mais pas universel) dans le monde arabo-musulman. Pour ce faire, Bensoussan a utilisé l’expression française courante « tété avec le lait de la mère ». Il n’en fallait pas moins pour que la mauvaise foi s’en empare et « génétise » cette expression anodine pour mieux accuser son employeur d’essentialisation, et par là, de racisme. S’empressant de remettre les choses en place pour éviter toute généralisation, et s’excusant de sa maladresse dans la citation, Bensoussan tente de calmer les esprits dès la première levée de boucliers. Las, le CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) appuyé en second ressort par la LICRA, le MRAP et SOS Racisme, traîne l’historien juif devant la XVIIe Chambre correctionnelle.

Il ne faut pas dire le réel si le réel est en désaccord avec les lubies du CCIF. Ce qui est proprement scandaleux et devrait scandaliser tout être libre.

Peu importe que l’islamophobie soit un concept manipulé et fallacieux qui n’a plus rien à voir avec son sens étymologique (peur de l’islam). Il s’agit d’une arme judiciaire pour faire taire toute critique à l’encontre de l’islam et des musulmans ; peu importe le fait que Bensoussan s’exprime dans des termes plus que voisins (franchement synonymes) de ceux de Mohamed Sifaoui (qui sera partie civile aux côtés de ses ennemis du CCIF contre Bensoussan) et cite, certes à peu près, un sociologue algérien. Ce n’est pas explicite, mais un Juif ne pourrait pas constater un antisémitisme arabo-musulman sans être raciste contre les musulmans. Il ne faut pas dire le réel si le réel est en désaccord avec les lubies du CCIF. Ce qui est proprement scandaleux et devrait scandaliser tout être libre.

Il n’y a pas de racisme anti-musulman puisqu’il n’y a pas de « race » musulmane. L’antisémitisme d’une partie des Arabo-musulmans existe bien et il s’appuie – à tort ou à raison, en fonction des traductions et des interprétations, sur quelques versets du Coran. Je vous renvoie à cet indispensable ouvrage et à ses nombreuses contributions de qualité pour tous les détails objectifs de l’affaire (les faits) et pour leurs interprétations. C’est un éclair de clarté dans cet obscurantisme à l’œuvre. Qu’un procureur ait donné suite à la plainte du CCIF en dit long sur l’état idéologique d’une magistrature qui n’est plus digne de confiance car elle n’a manifestement pas su tirer les leçons de l’affaire Oswald Baudot et du Mur des Cons. Rappelons que le rôle de la magistrature est d’appliquer le droit issu de la représentation nationale (i.e. du Peuple souverain) dans le cadre d’un procès instruit à charge et à décharge. Fort heureusement, les plaignants ont été déboutés… mais le CCIF a immédiatement interjeté appel de la décision.

Les silences de l’affaire Sarah Halimi

Un autre déni d’antisémitisme particulièrement sordide, lâche, atroce et effroyable est mis en lumière grâce à la ténacité et à l’engagement de la journaliste Noémie Halioua, l’affaire Sarah Halimi (éditions du Cerf). Sordide, lâche, atroce, effroyable, beaucoup d’adjectifs pour une seule affaire : un crime ultra-violent qui conjugue passivité des voisins, mauvaise réaction des forces de l’ordre, déni d’antisémitisme, juge d’instruction étrangement distant, peu concerné et méprisant à l’égard des parties civiles, sans oublier la « pudeur de gazelle » des médias, inhabituelle en la matière. Sarah Halimi est cette dame de 67 ans vivant à Belleville, juive orthodoxe, littéralement massacrée chez elle à coups de poings puis défenestrée par un Franco-Malien de 27 ans, Kobili Traoré, au rythme des injures antisémites, des « Allah Akbar » et autres vociférations cyniques et ordurières de celui qu’on va chercher à présenter comme un déséquilibré.

Juive ayant grandie à Sarcelles, elle témoigne de cette histoire.

Noémie Halioua livre un travail à la fois éprouvant et passionnant, retraçant la vie de la victime, les faits, donnant la parole à la famille, aux avocats, questionnant sans relâche le dossier pour tenter de comprendre. Loin de se cantonner au documentaire judiciaire, elle remet en perspective cette affaire avec l’histoire de l’antisémitisme en France et ses mutations depuis 1945. Juive ayant grandie à Sarcelles, elle témoigne de cette histoire. L’affaire Sarah Halimi a connu un quasi-silence médiatique pendant de longues semaines. Lorsque l’affaire sort, après à un « buzz » sur les réseaux dits-sociaux suite à un billet de Noémie Halioua, suivi d’une tribune d’intellectuels parue dans le Figaro signées notamment par Alain Finkielkraut ou Elisabeth Badinter, le relais médiatique sera plus présent mais précautionneux. Une autre affaire qui en dit long sur l’aveuglement d’une large partie des politiques et des médias quant à l’entrisme du communautarisme islamiste en France. « À force de tout voir l’on finit par tout supporter… À force de tout supporter l’on finit par tout tolérer… À force de tout tolérer l’on finit par tout accepter… À force de tout accepter l’on finit par tout approuver. » Il est à craindre que saint Augustin ne finisse par avoir raison…

L’avenir des libertés en France

La lecture de ces ouvrages peut être insupportable. Comment en France, pays des Droits de l’Homme et de la liberté, soit-disant grande démocratie, peut-on se retrouver sur le banc des accusés pour avoir oser énoncer un fait constaté par tout le monde hic et nunc (fuite des populations juives de Seine-Saint-Denis ou du XIXe arrondissement, recrudescence des alyas, multiplications des agressions à caractère antisémite). Si on ajoute à cela la future loi sur les fake news (comprendre toute information ou interprétation des faits gênante pour qui de droit), la loi des suspects médiatiques avec abandon de la présomption d’innocence et fin du secret de l’instruction (pas nouveau, mais ampleur démesurée avec les campagnes dites féministes « balance ton porc »), les quarante années de décérébration à l’école et autres faits qui pris isolément sont désolants mais peu significatifs, il y a de quoi s’inquiéter pour l’avenir de la démocratie et des libertés en France.

« Tout confort se paie, la condition d’animal domestique (entraînant) celle d’animal de boucherie » (Jünger).

La Liberté est indissociablement liée à la responsabilité. Les politiques infantilisantes dans tous les domaines, y compris la pensée, sont liberticides. Ce sont des politiques d’enfants gâtés égoïstes et égocentriques qui veulent baigner dans leur confort, peu importe le reste. De purs produits du capitalisme libéral-libertaire. Panem et circenses. En oubliant le sort de l’Empire romain. En oubliant que « Tout confort se paie, la condition d’animal domestique (entraînant) celle d’animal de boucherie » (Jünger).

Les attaques multiples contre la liberté d’expression en France, venant de tous les bords, ayons l’honnêteté de le dire, sont des oiseaux de mauvaise augure pour l’avenir de notre pays. Encore une fois, seuls l’appel au crime, la diffamation et la vie privée constituent des limites légitimes à la liberté d’expression. À ce titre, accuser Georges Bensoussan d’islamophobie, entendue dans le sens de racisme et d’incitation à la haine contre les musulmans en raison de leur religion, est un cas d’école de diffamation pure et simple.

La démocratie et la liberté d’expression

Une démocratie sincère garantit la libre expression de toutes les idées, surtout de celles qui nous apparaissent les plus insupportables. Nul ne doit être inquiété pour ses opinions (article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789). En France, en 2018, ce n’est plus le cas. La XVIIe Chambre ne connaît pas la crise. Les réseaux dits-sociaux et la concentration médiatique (nivelant le discours) jouent les tricoteuses anonymes pour réprimer toute expression publique dérangeante.  Charlie Hebdo ne fait la une des médias que lorsque la sienne choque – et la plupart du temps, il s’agit d’une critique de l’extrémisme religieux – ce qui irrite Sa Majesté médiapartique. Ce n’est pas un hasard si le « on ne peut plus rien dire » est devenu une antienne de comptoir, pas plus si ce sujet attire de nombreux essayistes qui tentent de l’expliquer et de le démystifier.

Il y a une logique politique (dans le sens où elle concerne les affaires de la cité) dans laquelle le citoyen éclairé est un empêcheur de tourner en rond.

Comment s’étonner d’en arriver à une telle situation si l’on considère que l’instruction, la Nation, la fraternité et l’égalité ont été sacrifiées sur l’autel de l’égalitarisme, condition sine qua non au globalisme ultra-individualiste et consumériste qui réduit chaque citoyen à un individu interchangeable, noyé dans la masse, coupé de ses solidarités traditionnelles (famille, métier, village, quartier…) et de facto dans la quasi-impossibilité de réagir. Depuis 1945, et plus encore depuis la chute du Bloc soviétique, on a joué le politicien contre le politique, la finance contre l’économie, la consommation contre la sobriété, le jetable contre le durable, l’immanence contre la transcendance… Il n’y a pas de grand complot contre la démocratie ou la liberté en France (et en Occident) ; il y a une logique politique (dans le sens où elle concerne les affaires de la cité) dans laquelle le citoyen éclairé est un empêcheur de tourner en rond. Nous pouvons finalement constater avec Philippe Muray que « Toute politique est devenue inutile parce qu’on peut combattre des idées mais jamais des intérêts (ceux-ci ne se laissent pas tuer). »

 

Le Librairtaire

Le Librairtaire

Historien de formation, Le Librairtaire vit à Cordicopolis. Bibliophage bibliophile, amateur de caves à cigares et à vins. http://librairtaire.fr/wordpress/

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