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De retour des vacances de la Toussaint et de son congé paternité, le professeur Berurier a chaussé sa plus belle plume pour reprendre du service.

Lundi

Retour de congé pat’. Pas de cours pendant un mois. Le retour au travail n’est pas des plus faciles. Je ramasse des questionnaires de lecture. À la question « avez-vous aimé ou détesté ce livre ? Pourquoi ? », je remarque deux réponses intéressantes. Les fautes d’orthographe sont d’origine chez cette élève de troisième qui a le mérite d’être honnête : « J’ai lu le livre mais j’ai sauter les pages : J’les pas bien lu parce que j’aime pas lire et en plus sa m’énerve, j’ai du mal ».

La réponse de ce garçon de la même classe montre une chose majeure : l’importance du travail de l’imagination dès l’enfance. Aidez-les à « voir » ailleurs que sur des images. Les fautes sont encore d’origine. « J’aurai préférer regarder le comme film car on voit ce qui se passe en film alors qu’en livre on ne voit rien. Ce n’est pas intéressant. »

Quelques minutes ont suffi pour reprendre le rythme.

Mardi

Arrivée à la première heure. J’entends deux collègues d’anglais bavarder et dire que c’est inadmissible, que les enceintes ne marchent plus. Je me permets d’intervenir sur le ton de la plaisanterie en faisant remarquer qu’elles ont déjà de la chance d’avoir une salle fixe ainsi que du matériel informatique destiné à leur usage. Elles ne m’ont pas répondu.

De retour après le déjeuner, je sens avec plaisir la fumée de cigarette de mes rares collègues fumeurs. Je souris en les saluant et remarque qu’il n’y a ici que des professeurs de sports. En plus de n’être pas sportifs, ils ne pourront bientôt plus utiliser leur sifflet.

Jeudi

Plusieurs collègues m’ont gentiment donné leur félicitation pour ma récente paternité. Je remercie en me disant qu’à quatre mois, le nouveau-né n’est plus si nouveau.

Discussion entendue en salle des professeurs, ce matin à 7h40

— Ca va pas aujourd’hui, je me suis réveillée avec des douleurs partout, j’ai même renoncé au mascara

— T’as sans doute la grippe, fais gaffe à pas nous contaminer.

— Non non, ça m’étonnerait, je ne l’ai jamais attrapée. »

La grippée est tout de même rentrée chez elle.

Vendredi

Les trois premières heures de la matinée sont réservées pour une sortie au cinéma. Une classe de quatrième et une sixième. Les élèves savent qu’ils vont voir un film français, en noir et blanc. Un Truffaut, même si pour eux c’est un magasin de jardinage. Les élèves sortiront émus par l’histoire et enthousiasmés par le noir et blanc qui « franchement on fait plus gaffe après le début ».

Les élèves de l’une de mes classes de troisième me rendent le livre que je leur avais prêté et qu’ils devaient lire. Il s’agit de Cannibale de Didier Daenninckx. Plusieurs élèves me demandent des conseils de lecture dans le même genre. Je me sens plus fier de leur faire apprécier un roman policier qu’un Balzac ou un Zola. À la lecture des résumés du livre qu’ils devaient me rendre, je constate, grâce au clavier de ma machine habituelle, que les trois quarts des élèves ont recopié mot à mot les résumés des trois premiers liens répondant à la recherche Google suivante « résumé cannibale ».

Apprécier une lecture oui, mais fournir un vrai travail personnel, pour la majorité, c’est non. Je m’en doutais. Ils ont aimé lire un livre. C’est déjà ça.

Christophe Bérurier

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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