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Le conflit sera dur. Une véritable guerre des nerfs. L’image d’un réformateur à défendre du côté présidentiel, des privilèges parfois d’un autre temps à sauver dans les rangs des grévistes. Au milieu, des millions de Français qui n’ont rien demandé à personne…

Qui a dit que les cheminots syndiqués grévistes – non, ce n’est pas un pléonasme – n’avaient pas d’imagination ? Dans le cas de cette réforme « touchy » s’il en est, parce que concernant la SNCF, une institution criblée de dettes, mais incarnée, aux yeux du commun des mortels, les jours sombres, par des individus à l’esprit éminemment étriqué et à l’égoïsme peu commun, ils ont inventé le concept de grève perlée. 

Le calendrier des perturbations est déjà connu. Il peut encore évoluer, à la marge, mais les voyageurs ont du souci à se faire et vont devoir déployer des trésors d’imagination pour espérer passer entre les mailles du filet : pendant au moins 3 mois, les syndicats, unis dans le dogmatisme et enférocés de chaos, feront grève à raison de 2 jours sur 5. Jours fériés et ponts sont également ciblés, pour nuire au maximum, et ce système de « roulement » présente l’avantage majeur de ne rogner que modérément sur les fiches de paie.

La fédération CGT des cheminots n’est pas peu fière de cette trouvaille fruit de nombreuses heures de discussions et se sent pousser des ailes. Sûre de sa force et de sa capacité à faire plier n’importe quel gouvernement – il y a certes du vécu et le passé légitime son optimisme -, elle se réjouit aussi de l’effet de surprise. Dans un long message signé par le secrétaire général d’une section parisienne et qu’a révélé Le Parisien, elle assure que « la direction avait anticipé et s’est organisée pour une grève dure et reconductible classique. Ils n’ont à aucun moment senti venir le coup ».

Et d’assurer, tout en prophétisant un mouvement « IN-GE-RABLE » tant pour la direction que pour le gouvernement : « nous pouvons tenir 3 mois tout en ayant quasiment le même impact qu’une grève reconductible classique sur les jours où nous serons à la production. La désorganisation du travail devra se faire également sur les jours ouvrés. »

Vers un changement de méthode ?

Alors que les premières perturbations sont annoncées dès ce mercredi soir et que la grogne a gagné d’autres secteurs, le gouvernement, comme tous ses prédécesseurs, a fait savoir qu’il ne pliera pas. Dans ce pays si rétif aux changements, ce n’est pas la rue qui gouverne ! Compte-t-il sur le soutien de l’opinion, à ce stade majoritairement opposée au conflit, et sur le fait que le mouvement s’essouffle de lui-même ? La lassitude générale peut-elle être son alliée ?

Il est trop tôt pour répondre à ces questions. La direction, avec un Guillaume Pépy contesté ces derniers mois et en fin de course, devra en tous les cas la jouer serrée, dans un contexte d’ouverture à venir à la concurrence qui rend inévitable certaines évolutions.
Ceux qui ont la lourde charge de piloter ce dossier, qui sent le soufre et porte peut-être en lui les germes d’une gigantesque explosion sociale, auront en tous les cas beau jeu de rappeler que la suppression du statut des cheminots n’est pas rétroactive et que les tarifs cassés auxquels ils peuvent prétendre sur le réseau – eux et leur famille – ne sont pas remis en cause. Deux éléments de nature à discréditer gravement une grève aux yeux de nombre de nos compatriotes…

L’inflexibilité promise au plus haut niveau peut néanmoins se révéler à double tranchant et cristalliser les griefs à l’endroit du gouvernement, alors que les personnels des EHPAD, des centaines de milliers de retraités victimes de la hausse de la CSG et une partie du corps enseignant sont déjà chauffés à blanc. A ce stade, d’aucuns lui reprochent un manque de pédagogie, une tendance à vouloir réformer tous azimuts sans expliciter les décisions prises, qui ne sont pourtant pas des mesurettes.

Pour espérer s’imposer, il faut envisager de changer de braquet, sans pour autant rétropédaler ou céder à toutes les revendications. Lâcher un peu de lest et prendre plus de temps pour expliquer. C’est certainement le prix à payer pour faire l’économie d’une fronde dévastatrice, dans une France qui s’apprête à célébrer le cinquantième anniversaire de la chienlit de Mai 1968 et qui, contre toute attente, a peut-être encore en elle la force de s’embraser.

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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