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Ce 25 juillet 2000, en milieu d’après-midi, le vol 4590 d’Air France s’envole du hub de Roissy. A bord du Concorde, 100 passagers, Allemands pour 96 d’entre eux, et 9 membres d’équipage. L’appareil doit rejoindre New York après 3h30 de vol et une traversée de l’Atlantique à Mach 2. Il n’atteindra jamais la Big Apple…

L’oiseau aux ailes delta s’élance et avale la piste, quand des flammes épaisses jaillissent de son moteur gauche. Il est trop tard pour interrompre le processus de décollage. Premier homme à avoir effectué la traversée de l’Atlantique en planche à voile, 18 ans plus tôt, le pilote Christian Marty, pour chevronné qu’il soit (il compte plus de 13 000 heures de vol), est confronté à un problème insoluble.

1 minute et 28 secondes seulement après avoir quitté la piste 26R de l’aéroport Charles-de-Gaulle, il se fracasse sur l’hôtel-restaurant Hotelissimo, à Gonesse, tuant tous ses occupants et 4 employés dudit établissement, situé à quelques centaines de mètres des habitations seulement.

Le supersonique, dont l’enquête officielle révèlera qu’il a roulé sur une lamelle métallique en titane abandonnée par un DC-10 de Continental Airlines, ce qui a entraîné l’éclatement d’un pneumatique et par extension la perforation d’un réservoir, est incontrôlable. L’aéroport du Bourget, pourtant tout proche, est impossible à rallier dans le cadre d’un atterrissage d’urgence. 1 minute et 28 secondes seulement après avoir quitté la piste 26R de l’aéroport Charles-de-Gaulle, il se fracasse sur l’hôtel-restaurant Hotelissimo, à Gonesse, tuant tous ses occupants et 4 employés dudit établissement, situé à quelques centaines de mètres des habitations seulement.

Déjà terrible, le bilan aurait de fait pu être bien plus lourd, mais un drame humain et aéronautique vient de se jouer : la mort véritable du plus bel avion jamais conçu.

 Une accumulation d’éléments contraires

A cette époque, le Concorde n’est déjà plus rentable depuis de longues années. Prouesse technologique indiscutable, il n’en a pas moins été pris sous les feux conjoints de la hausse des coûts du pétrole, un vrai désastre au regard de sa voracité énergétique, de son prestige qui ne le destinait qu’à des privilégiés et de la jalousie des Etats-Unis – dont le projet de supersonique civil n’a jamais dépassé le stade de la planche à dessin -, qui lui ont interdit le survol de leur territoire officiellement pour des raisons environnementales.

Efficace, magistrale, mais coûteuse vitrine, l’aigle construit par Sud-Aviation et British Aircraft Corporation a suscité bien des convoitises. Las ! Seules Air France et British Airways l’ont exploité de façon pérenne, la faute aux autorités américaines, lesquelles ont anéanti bien des velléités de survols transatlantiques, et à des coûts de maintenance particulièrement élevés.

Avec le recul, l’accident de Gonesse est l’ultime clou du cercueil du Concorde, quand bien même il reprend du service en novembre 2001 après une batterie de vérifications qui ont fait suite à la suspension de son certificat de navigabilité en août 2000.

En ce début de XXIe siècle, alors même qu’il personnifie le futur, la vitesse et le progrès, le Concorde est au crépuscule de sa (trop courte) carrière et ne dessert plus que New York. Le temps éphémère où il sillonnait les ciels de Rio de Janeiro, Caracas, Dakar, Mexico, Washington et Dallas est révolu. Les vols commerciaux ont débuté en 1976, 7 ans après le vol inaugural, et n’ont jamais suffi à amortir le poids financier du projet. Avec le recul, l’accident de Gonesse est l’ultime clou du cercueil du Concorde, quand bien même il reprend du service en novembre 2001 après une batterie de vérifications qui ont fait suite à la suspension de son certificat de navigabilité en août 2000.

Sauf qu’entretemps, les attentats du 11 septembre ont été un séisme pour le transport aérien dans son ensemble. Le crash a aussi entraîné une désaffection du public et le durcissement des normes anti-bruit et anti-pollution n’a pas arrangé son cas. Surtout, EADS, aujourd’hui Airbus Group, a fait savoir qu’il ne veut plus assurer l’entretien de l’appareil à compter d’octobre 2003.

 Baisser de rideau et espoir déçu

Dans ce contexte ultra-défavorable, l’image et le faste n’ont plus lieu d’être, Air France et British Airways finissent par faire fi des passions et annoncent toutes deux le retrait du joyau de leurs flottes le même jour, un jeudi 10 avril 2003 qui restera à marquer d’une pierre noire. Dès lors, les amateurs d’aéronautique qui ont vécu toute l’épopée se souviennent.

 Le jubilé d’argent de la Reine Elisabeth II qui a également emprunté l’avion en 1977 et, indépendamment des années qui s’écoulent, la grâce, le panache éternels de cette fusée du ciel, tout juste entamés lorsque le nez se baisse et que se déploie le train d’atterrissage.

L’enthousiasme de Georges Pompidou, alors président de la République, qui en 1971 vole sur le Concorde pour rejoindre son homologue américain Richard Nixon aux Açores. La compétition avec le Tupolev 144, sa pâle copie soviétique, son faux jumeau, dont un prototype s’était écrasé à Goussainville en marge du Salon du Bourget en 1973, les pilotes ayant sans doute voulu impressionner la galerie et surévalué ses capacités de résistance. Le jubilé d’argent de la Reine Elisabeth II qui a également emprunté l’avion en 1977 et, indépendamment des années qui s’écoulent, la grâce, le panache éternels de cette fusée du ciel, tout juste entamés lorsque le nez se baisse et que se déploie le train d’atterrissage.

Ils sont environ 15 000 à converger vers Roissy, drapeau tricolore à la main, le 31 mai 2003, pour accueillir la star une dernière fois. Arrosés par les camions de pompier au départ à New York, les deux Concorde ont droit à un spectaculaire comité d’accueil à leur arrivée à Charles-de-Gaulle, à 45 minutes d’intervalle, escortés par des voitures de pompiers, de gendarmerie et des véhicules de piste pendant qu’ils paradent sur les taxiways. Les télévisions accordent une large couverture à un événement il est vrai historique : la retraite commerciale (NDLR: un vol VIP d’Air France effectue un dernier vol non-commercial 4 jours plus tard) d’un avion hors norme.

Aussi, les amateurs d’aéronautique ont pu y croire quand, le mois dernier, les membres du Club Concorde, d’anciens pilotes et affréteurs de l’appareil disposant d’un budget de 165 millions d’euros, ont fait part de leur souhait d’acheter les deux exemplaires qui sont aujourd’hui exposés à l’aéroport du Bourget et à celui d’Orly.

Cinq mois plus tard, après que la reine a consenti à éclairer le palais de Windsor pour l’occasion, Bristish Airways remise à son tour le Concorde au hangar. Le 26 novembre, il est officiellement mis hors service. Devenu une pièce de musée, le premier supersonique civil jamais conçu reste un fantasme et la fascination ne se dément pas.

Aussi, les amateurs d’aéronautique ont pu y croire quand, le mois dernier, les membres du Club Concorde, d’anciens pilotes et affréteurs de l’appareil disposant d’un budget de 165 millions d’euros, ont fait part de leur souhait d’acheter les deux exemplaires qui sont aujourd’hui exposés à l’aéroport du Bourget et à celui d’Orly. Leur but ? Faire voler l’un des appareils loué à des entreprises dans le cadre d’événements privés et transférer l’autre le long de la Tamise pour en faire une attraction touristique.

Pour intéressant qu’il soit, ce dessein a vécu et tout indique aujourd’hui que le Concorde, et avec lui une certaine idée de l’aviation, ne volera plus jamais. Et si Airbus Group réfléchit à un projet de nouveau supersonique, les images de celui-ci prouvent bien que l’esthétique n’est malheureusement plus la priorité du moment.

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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