Inventé par les frères Lumière en 1892, le cinéma a pour vocation, en tant que petit frère du théâtre, de représenter de façon plus ou moins vraisemblable des situations qui feront ressentir au spectateur des passions.
Si les innovations techniques expliquent en partie les mutations de ce qui est proposé aux spectateurs, c’est surtout dans la mentalité d’une partie de la société que se trouve l’origine de ce changement de cap.
Cette visée esthétique pourtant louable semble aujourd’hui caduque tant l’aspect commercial a pris le pas sur toute vocation artistique. La promotion, le marketing, bref, les outils du Capital ont ramené le septième art des étoiles au caniveau. Le culte de l’image a tué la bobine. En un peu plus d’un siècle d’existence, le cinéma a connu une évolution sans commune mesure, si bien que L’Arroseur arrosé et Avengers n’ont plus rien de comparable. Si les innovations techniques expliquent en partie les mutations de ce qui est proposé aux spectateurs, c’est surtout dans la mentalité d’une partie de la société que se trouve l’origine de ce changement de cap.
Le public français de mauvais goût ?
Il suffit de comparer le Box Office français à cinquante ans d’intervalle pour constater que ce ne sont plus les mêmes films qui attirent. Alors qu’en 1963, La Grande Évasion, Lawrence d’Arabie ou Le Guépard tutoyaient les sommets sur le plan financier, mais aussi du point de vue stylistique, en 2013, Iron Man 3, Boule et Bill ainsi que Les Profs occupent les meilleures places en termes d’entrées. De quoi s’interroger sur les goûts de nos concitoyens, se ruant à la salle du coin pour y apercevoir des adaptations fades de bandes dessinées pour enfants. On pourra toutefois se rassurer en se disant que le dernier film cité a su conquérir son public grâce à la présence de Christian Clavier au générique, rappelant au quidam que l’interprète de Tirocu avait pu être drôle il y a quelques années déjà dans Les Visiteurs. Quoi qu’il en soit, les motifs de réjouissance ne sont pas légion.
L’uppercut de Tarantino
Cependant, la résistance de certains grands réalisateurs nuance légèrement cette tendance à la stagnation (un comble pour un art dont le nom signifie mouvement) dans la lie de la filmothèque, matière se destinant aux têtes de gondoles à la Fnac lors des soldes à moitié prix. Assurément, la longévité de Django Unchained en tête des ventes de places nous prouve que tout n’est pas perdu. Avec plus de quatre millions d’entrées, le long-métrage de Quentin Tarantino rappelle le cinéma à sa vocation première et envoie les médiocres réalisations françaises telles que De l’autre côté du périph’ dans les cordes. Seul problème, le coup porté par l’hommage au chef d’œuvre de Corbucci à ces pellicules dignes des chaînes TNT n’est pas suffisant pour leur infliger un sévère K.O. L’analyse des chiffres révèle qu’effectivement, en deux semaines, le film Les Profs attire deux millions de personnes, là où le réalisateur de Reservoir Dogs mets dix-sept semaines pour réunir le double de gens devant son dernier bijou.
Distributeurs, public, à qui la faute ?
Si tous ces films hexagonaux aux scenarii qui tiennent sur un ticket de métro rapportent autant, c’est que la population y trouve son compte. Dès lors, faut-il jeter la pierre aux réalisateurs de bas étages (voire de sous-sols) pour remplir la panse de ces mangeurs de comédies insipides ou bien s’en prendre à la publicité qui ne fait que mettre en avant des productions indigestes en les faisant passer pour du foie gras ?