« Le tabac c’est mal », « fumer tue », « demandez conseil à votre médecin »… On ne compte plus vraiment les messages diffusés un peu partout dans notre paysage médiatique en matière de lutte contre le tabac, mais la véritable question est d’abord de savoir pourquoi lutte-t-on contre le tabagisme, mais surtout, est-ce réellement efficace ? Alors que Mme Touraine présentera prochainement ses « mesures chocs » de lutte contre le tabagisme, les informations révélées par Le Figaro laissent entrevoir un demi-scénario à l’australienne, donc des demi-mesures, potentiellement inefficaces.
Les méfaits du tabac sont connus depuis les années 1950 : cancer, dents jaunes etc. Nous ne les connaissons que trop bien grâce aux images imprimées sur les paquets de cigarettes. Mais pourquoi s’est-il écoulé quarante ans entre la découverte de notre mort prochaine et l’existence d’une véritable législation à ce sujet ?
La loi Évin (1991) interdit alors toute publicité liée au tabac, et en 2007 fut interdit le fait de fumer dans des lieux publics.
On fait plutôt sembler de lutter contre, car cela représente surtout une belle perspective de rentrées fiscales plus qu’une mesure de santé publique.
Cette aversion pour la publicité (au sens de visible par tout le monde) du tabac (comme si celui-ci devait être banni de notre société) a atteint des proportions inimaginables, à la limite du ridicule : remplacer la pipe de Tati par un petit moulin à vent. On en est même faire des pastiches de ces messages anti-tabac sur les paquets (version « Voter FN tue »). Autrement dit : le tabac est-il devenu le nouvel ennemi de la France ? Pourquoi lutte-t-on seulement maintenant contre le tabagisme ? On fait plutôt sembler de lutter contre, car cela représente surtout une belle perspective de rentrées fiscales plus qu’une mesure de santé publique. Le gouvernement, forçant le prix du tabac à augmenter (en niant de surcroît le marché), augmente en réalité ses prévisions de rentrées d’argent. Logique, en ces temps troublés pour les finances publiques. Mais, si le prix d’un produit augmente, il devrait théoriquement être moins demandé. Or dans ce cas précis, la réalité diffère largement de la théorie.
Des mesures anti-tabac relativement inefficaces
En 2000, le prix moyen du paquet de 20 cigarettes atteignait 3,20 euros. Il est quatorze ans plus tard à près de 7 euros. Encore, si l’on reprend notre logique de base : la demande et par conséquent la consommation de cigarettes auraient du baisser au cours de cette période, peut-être pas de manière proportionnelle, mais au moins de manière significative.
Cela fut-il le cas ?
Petit coup d’œil sur ce graphique pour bien mesurer la situation.
Entre 2000 et 2004 : le prix a augmenté de 1,4€ (de 3,20€ à 4,6€), soit 0,35 centimes de plus en moyenne chaque année. La consommation d’unités de cigarettes est passée de 80 milliards à 50 milliards, les baisses les plus significatives ayant eu lieu entre 2002-2003 et 2003-2004 (respectivement de 80 milliards à environ 67, puis de 67 à 50 milliards d’unités de cigarettes consommées).
Entre 2005 et 2013, le prix a augmenté de 2€ sur toute la période, soit une hausse annuelle de 0,25 centimes en moyenne. Cela peut paraître peu différent de la période 2000-2004 mais il faut noter que la consommation de cigarettes n’a fait que varier autour de 50 milliards d’unités de cigarettes consommées, baissant une année pour augmenter l’année d’après.
La tendance de 2000-2004 s’est donc brutalement arrêtée, alors que le prix du tabac lui, n’a cessé d’augmenter.
Comme la hausse de tabac a été beaucoup moins forte au cours de la période 2005 – 2013 (en terme de hausse annuelle), la consommation n’a pas réellement baissé.
Pourquoi ? Parce que le tabac est un produit que l’on dit en économie peu « élastique » :
Si vous êtes gros consommateur de camembert et que son prix augmente, même un petit peu, vous allez vous reporter sur un fromage moins cher (par exemple du Coulommiers) : voilà un produit élastique, c’est-à-dire dont la demande est très sensible aux variations de prix.
Le tabac lui, n’a pas de réel substitut: vous ne retrouverez jamais les mêmes sensations avec les patchs nicotinés ou les cigarettes électroniques. Vous pourrez remplacer des Marlboro par des Lucky si celles-ci étaient devenues trop chères, mais comme il existe une législation sur l’ensemble des marques et des paquets, vous n’aurez aucun substitut digne de ce nom.
Voici donc un produit inélastique (c’est à dire un produit dont la demande est peu sensible aux faibles variations de prix).
Et c’est tant mieux pour nos caisses publiques : plus vous fumez, plus l’État récupère de l’argent pour mieux le dilapider inutilement (Il faut bien payer le porteur de parapluie).
La solution pour faire arrêter les gens de fumer :
Faire comme en Australie : c’est à dire non pas imposer un bête paquet neutre avec de grosses photos choc mais faire augmenter le prix du tabac de manière drastique. Le paquet de 20 cigarettes doit augmenter chaque année de 12% supplémentaires sur quatre ans, passant la barre des 20 dollars australiens. Là où le fumeur australien criera au scandale et à la solution de facilité, il nous faut voir que ce gouvernement aura compris un principe de microéconomie pourtant simple.
« La lutte contre le tabagisme pour les nuls, aux éditions Nouveau Cénacle (2014)
Il y a deux solutions pour lutter contre le tabac:
– Soit vous lui créez un véritable substitut et vous augmentez progressivement le prix du produit contre lequel vous luttez, dès lors les consommateurs se reporteront sur le substitut.
– Soit justement, vous vous prononcez en faveur d’une augmentation exponentielle du prix du dit-produit, et faute de moyens, les consommateurs cesseront d’acheter ce produit. »
Augmenter le forfait de patchs nicotinés de 50 à 150 euros pour les moins de 30 ans etc., autant de demi-mesures (sans doute imbibés de lobbying jusqu’à la dernière dose) qui ne permettront pas aux fumeurs d’arrêter de fumer et qui ne préviendront certainement pas l’arrivée de nouveaux consommateurs. Pourquoi fume-t-on ? Chacun a ses raisons, mais jusqu’ici, les mesures prises n’ont donné aucune raison de ne pas continuer. Il y a les dépendants, et il y a les autres : ceux qui fument par plaisir, de temps en temps, et ils sont bien plus nombreux que l’on ne voudrait l’admettre. Oublié le temps où l’on fumait un ou deux paquets par jour : le tabac est devenu trop cher pour se donner de tels maux de têtes. De même, si vous proposez à quelqu’un une cigarette, il y a de grandes chances qu’il vous la refuse en vous répondant « Désolé je ne fume pas ». Dans ce cas, si la société est désolée de ne pas être fumeuse, alors sortez vos briquets, allumez vos Lucky, Marlboro, Camel ou Dun Hill et soyez rebelles.
Vive le Tabac !