La recomposition politique promise par Emmanuel Macron a fait long feu.
Paradoxal constat quand les promesses d’”ouverture” ont été plutôt tenues – deux ministres étiquetés à “droite”, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, ont été nommés à des postes stratégiques, tandis que l’ancien juppéiste Edouard Philippe tiendra la barque du gouvernement au moins jusqu’aux législatives à venir. Avec Gérard Collomb place Beauvau, François Bayrou à la Justice et Marielle de Sarnez rattachée au ministère des Affaires Étrangères de Jean-Yves Le Drian, l’équilibre politique est plutôt respecté. La stratégie d’Emmanuel Macron n’est évidemment pas innocente.
En nommant un Premier ministre transfuge de LR, M. Macron s’assure des coudées franches en vue des législatives. Un calcul réussi si l’on se fie aux sondages du moment, puisque un électeur LR sur trois avoue être disposé à voter en faveur de la majorité présidentielle sous la bannière “La République en Marche”.
La contestation antilibérale mise au ban
Mais ces désignations très politiques cachent en réalité autre chose quant à la politique qu’entend mener le nouveau président de la République. On voit là, en fait, une scission très nette entre un libéralisme économique et sociétal de gouvernement transpartisan donc, et une mise au ban de toute contestation antilibérale, eurosceptique ou conservatrice – ou simplement “alternative”. En maintenant Jean-Yves Le Drian, fidèle hollandais acquis à l’économie de marché depuis un certain temps, en promouvant des personnalités issues de la sphère privée, Emmanuel Macron fait mieux qu’achever la bipolarité droite/gauche jugée rétrograde ; il lui substitue insidieusement une fausse alternative entre tenants de l’intégration et de la mondialisation – seule voie possible à ses yeux – d’une part et le reste des propositions politiques d’autre part.
« Tout ce qui outrepasse cette limite est en ce sens facilement discrédité ou pointé du doigt, tout juste bon à faire valoir une diversité politique de façade dans le pays ».
Toute conviction politique est en réalité soluble dans le “macronisme” pourvue qu’elle réponde à l’impératif d’ouverture et de captation par le marché. Le clivage droite/gauche n’existe plus en effet puisque la ligne de démarcation se fait désormais entre libéraux “rationnels et pragmatiques” et contestataires de l’ordre établi.
Tout ce qui outrepasse cette limite est en ce sens facilement discrédité ou pointé du doigt, tout juste bon à faire valoir une diversité politique de façade dans le pays. La gauche en est réduite à proposer un socialisme schizophrène avec Jean-Christophe Cambadélis ou utopique avec Benoît Hamon, quand la droite est condamnée à choisir entre le suivisme et l’alignement macronien des Juppé et Raffarin – la droite “constructive”-, ou politique sécuritaire et eurosceptique dans le sillon d’Eric Ciotti et de Laurent Wauquiez. Le rapprochement avec les souverainistes de Debout La France ou du FN sera vite fait, Emmanuel Macron n’aura plus qu’à dérouler sereinement son axiome libéral sans être inquiété. Il est à craindre que le quinquennat présidentiel annonce la fin de la tension et de la division politique telle que nous l’avons connue jusqu’alors. Pour le meilleur. Et pour le pire.