Donné perdant, Donald Trump a pourtant bel et bien été élu président des Etats-Unis hier, au terme d’une campagne de caniveau. Un séisme politique sans précédent, qui ébranle le monde et dont les conséquences à long terme sont bien difficiles à prévoir.
Emporté par un élan d’audace incroyable, à l’exact opposé de celui qui les avait conduits à élire un président noir il y a 8 ans, les Américains viennent donc de porter Donald Trump à la présidence. Le magnat orange va ainsi devenir l’homme le plus puissant du monde.
L’offensive virulente des médias dits « mainstream », les divisions au sein du camp républicain, dont certains membres éminents n’ont pas caché leur rejet absolu du milliardaire, l’engagement total du président sortant et le plébiscite des stars d’Hollywood pour son adversaire, archi-favorite et que tous les sondages ou presque prédisaient gagnante, n’ont donc pas suffi à ébranler le milliardaire. Incarnation de l’establishment dans toute sa splendeur et de la continuité obaméenne, Hillary Clinton aura coulé à pic.
« Un coup de pied dans la fourmilière également synonyme de camouflet pour les instituts de sondage et d’une redistribution des cartes qui, très probablement, dépasse ceux-là même qui l’appellent de leurs voeux ».
Incapable de renforcer sérieusement son capital sympathie, volontiers condescendante, objet de suspicions quant à son état de santé, empêtrée dans l’affaire des e-mails, même si le FBI, qui venait de rouvrir l’enquête, a décidé juste avant le scrutin de ne pas donner suite, l’ancienne secrétaire d’Etat a subi un revers historique, synonyme de fin de carrière politique en eau de boudin.
Surtout, c’est désormais une certitude, moins de 5 mois après le « Brexit »: une tornade populiste souffle sur le monde. L’expression collective d’un ras-le-bol contre une classe politique traditionnelle qui suscite une défiance sans précédent. Une volonté de changement pour le changement, sans forcément penser aux répercussions. Un coup de pied dans la fourmilière également synonyme de camouflet pour les instituts de sondage et d’une redistribution des cartes qui, très probablement, dépasse ceux-là même qui l’appellent de leurs voeux.
Trump : Le coup politique du XXIe siècle
Rien n’aura donc abattu Donald Trump, novice en politique, incarnation aux yeux de millions de ses concitoyens d’une forme de rêve américain qui a fondé son succès sur des propositions choc, l’accusation perpétuelle de corruption des élites au pouvoir et des outrances répétées. Dépeint comme un cow-boy mal dégrossi, un plouc, un inculte, un mysogine raciste, un businessman grossier et vulgaire, le profane a réussi, disons-le tout net, le coup politique du XXIe siècle.
Avec un congrès dominé par les républicains, ce président « Scarface » à l’ascension reaganienne aura a priori toute latitude pour appliquer un programme d’obédience protectionniste et souverainiste, d’aucuns diraient réactionnaire et nationaliste, mais sur le fond très flou. La construction d’un mur à la frontière mexicaine sera-t-elle le Guantanamo de son prédécesseur ? Quelle sera sa position véritable à l’endroit des musulmans ? Baissera-t-il réellement les impôts des Américains, comme il l’a promis ? Bien malin celui qui, à ce stade, peut prédire ce que fera cet homme virulent, sanguin et imprévisible qui n’a rien chiffré ou presque et va se voir confier les codes nucléaires.
« De ce côté de l’Atlantique, l’extrême-droite française exulte, évoquant une revanche des sans-grade et des patriotes face au diktat mondialiste ».
On peut en revanche anticiper un réchauffement des relations avec la Russie, ce qui dans le cadre large de la lutte contre l’islamisme n’est peut-être pas forcément une mauvaise chose. De son côté, Bachar el-Assad doit se sentir soulagé… On peut aussi prévoir que le deuxième pays le plus pollueur de la planète se situera aux antipodes de la cause environnementale, qui n’a certes jamais été sa tasse de thé, avec un tapis rouge déroulé aux énergies fossiles et aux grandes compagnies pétrolières, sources de profits immédiats. On peut enfin s’attendre à une guerre commerciale sans merci avec la Chine, à la suppression de l’Obamacare, dans le viseur de Donald Trump de longue date, à un vif regain de tensions avec l’Iran, à des contrôles très renforcés aux frontières et plus largement à une politique migratoire d’une rare fermeté.
De ce côté de l’Atlantique, l’extrême-droite française exulte, évoquant une revanche des sans-grade et des patriotes face au diktat mondialiste, revigorée par cette victoire et convaincue qu’elle a, plus que jamais, une carte à jouer pour enfin prendre les rênes du pays. A l’inverse, dans ce contexte mondial de droitisation triomphante, Les Républicains peuvent peut-être commencer à se faire du souci, à moins de 6 mois d’un scrutin dont il y a tout lieu de croire qu’il sera fertile en coups bas.
Bien qu’ayant opté pour une stratégie de dédiabolisation risquée, Marine Le Pen n’a sans doute jamais été aussi près du but, se disent à présent des millions de Français. Nos compatriotes sont-ils suffisamment excédés pour franchir à leur tour le Rubicon ? Si tel est le cas, il restera, comme pour le président élu, à vérifier si les pourfendeurs du système et autres partisans du repli sur soi décomplexé sont bel et bien capables de joindre les actes aux paroles incendiaires.