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Alors que l’Euro débute dans quelques mois, avec une équipe de France qui, devant son public, aura une belle carte à jouer, retour sur l’épopée des Bleus en 2006.

C’était il y a dix ans. Une éternité dans le football. Les Bleus de Raymond Domenech débarquent en Allemagne sans grandes certitudes, qualifiés pour le saint des saints après une campagne éliminatoire poussive, mais marquée par les retours fracassants de Zinédine Zidane, Claude Makélélé et Lilian Thuram.

Gravement touché au genou lors d’un match amical contre la Chine, Djibril Cissé, le maudit, doit renoncer. Sidney Govou le remplace au pied levé.

Pourtant remarquable sous le maillot du Barça, avec lequel il vient de remporter la Ligue des Champions (2-1 contre Arsenal), Ludovic Giuly n’a, lui, pas été retenu. Impossible pour le lutin lyonnais de réprimer ses larmes au micro de TF1. Alors même qu’il vient de remporter la compétition reine des clubs, inscrivant notamment le seul but des demi-finales face au Milan AC, il sait que « Raymond la Science », sélectionneur controversé tant en raison de ses choix que de son attitude parfois arrogante, a une dent contre lui et qu’il ne sera pas de l’épopée. La rumeur d’une aventure avec la compagne du sélectionneur, Estelle Denis, sera tenace…

Robert Pirès, en fin de contrat avec Arsenal et qui va bientôt signer à Villareal, a de son côté eu l’outrecuidance de critiquer les méthodes de l’ancien entraîneur de l’Olympique Lyonnais. Malgré des excuses publiques, ce dernier ne lui a pas pardonné. Autre absent de marque : Nicolas Anelka, qui avait déjà manqué la Coupe du Monde 2002 et l’Euro 2004, deux compétitions qui ont vu les Bleus déjouer.

Ce passif et, répétons-le, des matchs éliminatoires peu probants font dire à de nombreux observateurs que la France ne saurait prétendre à la victoire finale. Tout juste serait-elle en mesure de se hisser en quarts de finale, sous réserve d’un adversaire à sa portée au tour précédent. Sauf que les Bleus ne sont jamais aussi forts que lorsqu’on ne les attend pas, ou plus…

Une qualification au forceps

Pour leur premier match, les hommes de Raymond Domenech sont aux prises avec la Suisse, l’autre équipe européenne du groupe G. A Stuttgart, devant 52 000 spectateurs, ils se montrent brouillons. La rencontre est pauvre en occasions. Elle sent la peur et le soufre. A la vingt-troisième minute, sur un coup franc vicieux de Tranquillo Barnetta, l’un des hommes forts de la « Nati » avec le défenseur d’Arsenal Philippe Senderos et l’attaquant du Stade Rennais Alexander Frei, Fabien Barthez (préféré au gardien de l’Olympique Lyonnais Grégory Coupet) est suppléé par son poteau. Un quart d’heure plus tard, Patrick Müller touche une frappe de Thierry Henry de la main. Involontaire, estime l’arbitre. Peu après l’heure de jeu, c’est au tour de Daniel Gygax de frôler l’ouverture du score, mais Barthez, solide sur ses appuis, repousse sa tentative de la tête. A une minute du terme, Vikash Dhorasoo, entré en jeu cinq minutes auparavant, a une dernière opportunité, mais croise trop sa frappe. 0-0, score final.

Il règne un parfum de mise à mort à Cologne et une génération dorée pourrait bien quitter la compétition dès le premier tour.

Face à la Corée du Sud, miraculeuse demi-finaliste de l’édition précédente, organisée pour partie chez elle, et qui a disposé du Togo d’Emmanuel Adebayor deux buts à un lors de la première journée, les Bleus se doivent de réagir. Sylvain Wiltord manque son face-à-face avec le portier Lee Woon-Jae, mais Henry déflore le score dès la neuvième minute sur une passe heureuse de l’ex-Girondin. Ce dernier rate le but du break en début de seconde période et l’équipe de France n’y arrive plus. A neuf minutes du coup de sifflet final, l’ancien attaquant d’Anderlecht Seol Ki-hyeon remise de la tête pour Park Ji-Sung qui, à bout portant, trompe « Fabulous Fab », lequel ne peut que dévier un ballon qui franchit lentement sa ligne de but. A la quatre-vingt-cinquième minute, Zidane trouve Henry à l’entrée de la surface sud-coréenne. Le Gunner est parti comme une fusée, mais Lee Woon-Jae, bien sorti, remporte son duel. Les deux équipes se séparent sur un score de parité qui ne fait pas les affaires des Bleus, lesquels doivent impérativement battre le Togo pour franchir le stade des poules et devront le faire sans Zidane, suspendu après avoir reçu un deuxième carton jaune en deux matchs. Remplacé dans le temps additionnel par David Trezeguet, « Zizou » a eu du mal à cacher sa colère et a sciemment ignoré Domenech au moment de sa sortie. Il n’en fallait pas davantage pour que les médias fassent état d’un regain de tensions entre deux hommes qui ne s’apprécient guère et que tout oppose.

Pour ce match couperet contre l’équipe a priori la plus faible du groupe, Raymond Domenech a troqué son 4-2-3-1 habituel contre un 4-4-2 plus offensif associant Henry et « Trezegol ». Il règne un parfum de mise à mort à Cologne et une génération dorée pourrait bien quitter la compétition dès le premier tour. Quatre ans après, le fiasco du Mondial de 2002, véritable Waterloo du football français, demeure solidement ancré dans les esprits. Attendus au tournant, les Bleus ont cependant du talent à revendre et beaucoup d’orgueil. Si le score est nul et vierge à la mi-temps, il y a cependant du mieux. Plus d’audace, plus d’engagement et plus d’envie.

Ces bonnes dispositions sont finalement récompensées dix minutes après la reprise des hostilités. Servi dans la surface de réparation adverse par Ribéry, qui avait une nouvelle fois tiré au-dessus peu avant, Patrick Vieira se retourne et ajuste une frappe enveloppée des six mètres hors de portée d’Agassa. Le milieu d’Arsenal enfile le costume de héros de la nation le jour de son trentième anniversaire. A la soixante-et-unième minute, Henry, profitant d’une subtile déviation de… Vieira, termine le travail d’un tir croisé à ras de terre qui vient se loger dans le petit filet.

Les Bleus respirent, mais auront fort à faire contre une Espagne qui bombe le torse depuis le 4-0 infligé à l’Ukraine d’Andreï Shevchenko, Ballon d’Or il y a deux ans, lors du premier match d’un groupe H qu’elle a dominé de la tête et des épaules. La Roja, emmenée par Carles Puyol, Xabi Alonso, David Villa, Fernando Torres et Raúl, est l’une des grandes favorites du tournoi et entend bien marcher sur Zidane et consorts. Exagérément confiante, la presse ibère emploie des mots très durs contre le milieu vedette du Real Madrid, lequel a annoncé quelques semaines auparavant qu’il raccrochera les crampons après cette Coupe du Monde. Elle est persuadée que les troupes de Luis Aragonés mettront fin à la carrière exceptionnelle du maestro. Elle va tomber de haut.

Le baroud d’honneur de Zidane

A Hanovre, la France n’est pas favorite contre l’Espagne, qui ne l’a néanmoins jamais éliminée lors d’une compétition internationale officielle. De fait, les Bleus ont un avantage psychologique non négligeable. Conscients d’être passés très près de la déroute, ils jouent par ailleurs sans complexe. De retour aux affaires, « Zizou » a ravalé sa colère et veut finir en beauté, revenir sur le toit du monde, huit ans après. L’influence de Domenech s’est progressivement estompée, les anciens indésirables ont repris le flambeau. En formidables compétiteurs, ils prennent leurs responsabilités, insufflent leur expérience et leur rage de vaincre.

Cette Coupe du Monde, c’est une saga entre joueurs qui veulent vivre et mourir ensemble. C’est le baroud d’honneur de footballeurs d’exception, fiers, solidaires et qui ne sont pas tout à fait repus.

Sortir la « Roja » n’est toutefois pas une sinécure. A la vingt-sixième minute, dans la surface de réparation française, Thuram heurte la cheville droite de Pablo Ibáñez. Penalty. Villa prend son élan et transforme la sentence. A Madrid, les supporteurs rassemblés sur la Plaza de Colón jubilent. Dans l’esprit de nombre d’entre eux, le plus dur est fait. Ceux-là se trompent car à la quarantième minute, Makélélé récupère un ballon au milieu du terrain et transmet à Ribéry, qui sert Vieira, part à toute vitesse, échappe à son vis-à-vis et sollicite le une-deux. Le milieu gunner temporise. Avec son sens aigu de la passe et du timing, il redonne au Boulonnais au meilleur moment et à l’extrême limite du hors-jeu. Le gardien Iker Casillas l’attend à l’entrée de sa surface, mais est crocheté. « Francky » va trop vite, résiste au retour de la défense et marque du gauche dans le but vide. « Il est génial le môme », exulte le regretté Thierry Gilardi sur TF1. La France s’entiche de cette gueule cassée qui a connu une progression fulgurante ces derniers mois et fait souffler un vent de fraîcheur. Tout reste possible alors que l’arbitre italien Roberto Rosetti siffle la fin de la première période.

Les débats sont ensuite plutôt équilibrés jusqu’à la quatre-vingt-deuxième minute. Sur le côté droit, Henry obtient alors un coup franc à une quarantaine de mètres du but espagnol. Zidane le tire. Xabi Alonso dévie le ballon, qui prend la direction de Vieira. Oublié par l’arrière-garde ibère, libre de tout marquage, l’ancien Cannois ajuste Casillas. Sergio Ramos tente de s’interposer, mais dévie dans ses propres filets. Puis, dans le temps additionnel, « Zizou » intercepte au milieu du terrain et « prend » le côté gauche. Vieira a récupéré et a donné à Wiltord qui, encore une fois à la limite du hors-jeu, sert le Madrilène en première intention. Du genou, le numéro 5 du Real Madrid corrige la trajectoire avant de pénétrer dans la surface adverse et de ralentir sa course. C’est pour mieux effacer Puyol, d’un dribble parfaitement exécuté, avant d’armer une frappe du droit limpide qui crucifie une nouvelle fois le pauvre Casillas, pris à contrepied. 3-1, la messe est dite. Tandis que l’Espagne est une nouvelle fois renvoyée prématurément à ses chères études, la France oblitère son billet pour les quarts de finale où l’attend le Brésil de Cafu, Roberto Carlos, Juninho, Kaká, Ronaldinho et Ronaldo.

Championne du monde en titre, la Seleção a toutes les armes pour conserver sa couronne. Elle a jusqu’ici inscrit dix buts en quatre rencontres et n’en a concédé qu’un seul, anecdotique, lors de son dernier match de poules, alors que la qualification était déjà acquise. Elle vient d’étriller le Ghana (3-0) et devrait, en toute logique, éliminer les Bleus, même si l’équipe de France est un bien mauvais souvenir pour le Brésil, éliminé par celle-ci en 1986, en quarts de finale, déjà, et battu en finale douze ans plus tard à Saint-Denis.

A Francfort, le 1er juillet, un joueur se distingue. Il s’appelle Zinédine Zidane et est au sommet de son art. Sa grinta et ses arabesques donnent le tournis à tous ses adversaires, qui jouent dans les plus grands clubs du monde, mais paraissent soudain bien ordinaires.

A Francfort, le 1er juillet, un joueur se distingue. Il s’appelle Zinédine Zidane et est au sommet de son art. Sa grinta et ses arabesques donnent le tournis à tous ses adversaires, qui jouent dans les plus grands clubs du monde, mais paraissent soudain bien ordinaires. « Zizou » éclabousse ce match plutôt cadenassé de toute sa classe. Son aisance technique crève l’écran et est encore une fois manifeste sur cette passe millimétrée à destination de Vieira. A quelques encablures du terme du premier acte, le Gunner file en direction du but de Dida. Il est repris très durement par Juan, en position d’avant-dernier défenseur et dont l’intervention pour le moins virile aurait pu lui valoir un carton rouge. Le défenseur central du Bayer Leverkusen s’en sort toutefois avec un avertissement.

Douze minutes après le repos, les Bleus obtiennent cependant un coup franc près de la ligne de touche et à une trentaine de mètres du but brésilien. « Zizou » le tire parfaitement. Henry, après avoir faussé compagnie à un Roberto Carlos affairé à… relacer ses chaussures, reprend le ballon d’une frappe sèche à bout portant qui ne laisse aucune chance à Dida. Le score en restera là, malgré un dernier coup franc de Ronaldinho qui passe de peu au-dessus et malgré les renforts d’Adriano et Robinho, deux autres attaquants redoutables, redoutés, mais tout aussi impuissants que leurs partenaires à faire sauter le verrou français. Contre toute attente, les Bleus sont en demi-finale de la Coupe du Monde après avoir, excusez du peu, écarté l’épouvantail de la compétition et disposé du tenant du titre.

 Chirac, Zidane … Pardon présidentiel

Vainqueur des Pays-Bas () lors d’un huitième de finale d’une rare violence – quatre cartons rouges et seize cartons jaunes distribués ! – puis de l’Angleterre aux tirs au but, le Portugal de Cristiano Ronaldo, Figo et Simão est revanchard. Finaliste malheureux du dernier Euro chez lui, il attend la France de pied ferme. Souvent placée depuis 2000, mais jamais gagnante, l’autre Seleção a de solides arguments et domine le début de la demi-finale. D’une frappe croisée, Deco oblige Barthez à un beau plongeon sur sa droite, puis un tir violent de Maniche passe de peu au-dessus.

A la trente-troisième minute, Ricardo Carvalho accroche cependant le pied droit d’Henry, qui s’apprêtait à l’effacer, dans la surface de réparation. L’arbitre uruguayen Jorge Larrionda n’hésite pas et accorde un penalty aux Bleus. Précise, la frappe de Zidane trompe Ricardo, pourtant parti du bon côté. En seconde période, un coup franc repoussé tant bien que mal par Barthez est repris de la tête par Cristiano Ronaldo… au-dessus. L’équipe de France ne livre pas sa meilleure prestation, elle plie, mais ne rompt pas. Interminables, les arrêts de jeu voient les Portugais faire le siège de la défense, mais pour la quatrième fois en six rencontres, la cage de « Fabulous Fab » reste inviolée.

Conquise de haute lutte, la place des Bleus en finale est tout sauf usurpée. Elle consacre une équipe qui a su se faire violence, monter en puissance et faire preuve d’impressionnantes ressources mentales. Au génie de Zinédine Zidane sont venues s’ajouter la solidité de la défense Willy Sagnol-Lilian Thuram-William Gallas-Eric Abidal, l’explosivité de Franck Ribéry et l’efficacité du « poison » Thierry Henry. Autant d’atouts qui ne seront pas de trop pour défier, le 9 juillet, l’Italie à Berlin.

La Squadra Azzurra s’est elle aussi présentée outre-Rhin dans un climat particulier, avec en toile de fond le scandale Calciopoli, une sombre affaire de matchs truqués qui a souillé le football transalpin dans son ensemble. Plus soudée que jamais, elle a cependant passé sans encombre le premier tour avant d’éliminer l’Australie à la faveur d’un penalty converti par Francesco Totti au bout du temps additionnel (1-0) et de surclasser l’Ukraine (3-0). Surtout, après avoir touché deux fois les montants, elle vient de s’offrir le scalp de l’Allemagne au terme d’une prolongation d’anthologie, marquée par deux buts inscrits aux… cent-dix-neuf et cent-vingtième minutes par le latéral gauche Fabio Grosso, d’une frappe instantanée du gauche, et Alessandro Del Piero, à la conclusion d’un contre de grande classe. Ce duel dantesque a néanmoins entamé les réserves physiques des Italiens.

Jacques Chirac en personne absout le numéro 10, idole définitivement intouchable depuis les services rendus à la nation un certain 12 juillet. Dix ans plus tard, « Zizou », couvé depuis toujours par le président du Real Madrid Florentino Pérez, qui l’avait recruté en 2001, est nommé entraîneur du club de son coeur.

Dans les toutes premières secondes, Henry est sonné après un choc avec Fabio Cannavaro. Le buteur d’Arsenal reste de longues secondes au sol et sera serré de près tout au long d’un match qui débute cependant bien pour les Bleus. A la sixième minute, l’arbitre argentin Horacio Elizondo leur accorde en effet un penalty généreux après un léger contact entre Marco Materazzi, qui va faire parler de lui d’un bout à l’autre de la finale, et Malouda. Comme de coutume, la responsabilité de le transformer échoit à Zidane. C’est le dernier match de la carrière du Merengue, sur lequel la pression est considérable. Le voilà quiprend son élan et trompe Gianluigi Buffon d’un tir « hybride », sorte de Panenka en force qui prend à contrepied le portier transalpin, heurte la barre transversale et ricoche derrière la ligne de but. Un geste fou qui permet à l’équipe de France de faire la course en tête. Vexée, la Squadra Azzurra ne tarde cependant pas à réagir. A la réception d’un corner d’Andrea Pirlo, Marco Materazzi prend le meilleur de la tête sur Vieira et trompe Barthez. On joue depuis dix-neuf minutes et tout est à refaire pour l' »EdF ». Nouveau corner de Pirlo à la trente-sixième minute et nouvelle tête, de Luca Toni cette fois, qui vient percuter la barre transversale.

Peu après l’heure de jeu, alors que Vieira, qui s’est claqué, a dû être remplacé par Alou Diarra, Henry se joue de Cannavaro, mais perd un duel face à Buffon. A la soixante-dix-septième minute, Pirlo réplique sur un coup franc fusant et qui rase le montant droit de Barthez. Les prolongations sont un thriller. Etouffantes, entre des Français regaillardis et des Italiens éreintés. A la quatre-vingt-dix-neuvième minute, Ribéry bénéficie d’un contre favorable. Du pointu, son tir croisé manque de peu le cadre, alors que Buffon était battu. Cinq minutes plus tard, un bon centre de Sagnol trouve la tête de « Zizou ». Le ballon est bien frappé et prend la direction des filets. C’est sans compter une détente exceptionnelle du gardien de la Juventus de Turin, qui sauve les siens d’une claquette magistrale.

Puis vient cette maudite cent-dixième minute. Materazzi, défenseur roublard, provocateur et particulièrement dur sur l’homme, insulte la mère et la soeur de Zidane. La ficelle est grosse et grossière, mais comme cela lui est déjà arrivé par le passé, ce dernier perd le contrôle de ses nerfs. En surrégime intérieur, il court aux côtés du défenseur de l’Inter Milan, le dépasse, avant de revenir sur ses pas et de lui asséner un violent coup de tête sur sa poitrine. Materazzi s’écroule sous les yeux de Buffon, qui avise le corps arbitral. La vidéo fait son apparition dans le football professionnel à ce moment précis, au coeur d’une finale de Coupe du Monde, et les images sont accablantes pour le numéro 10 français. Monsieur Elizondo n’hésite pas et sort un carton rouge. Domenech applaudit ironiquement cette lourde décision, les Bleus s’insurgent, mais les faits sont là : « Zizou », qui espérait une fin en forme d’apothéose, doit quitter le pré avant ses partenaires. Ce qu’il fait tête basse, sans un regard pour ce trophée qu’il ne soulèvera pas.

Car lors de la séance des penalties, nécessaire pour enfin départager les deux formations, David Trezeguet, le deuxième tireur français, trouve la barre transversale. Le ballon rebondit, mais, cette fois, devant la ligne du but gardé par Buffon. « Trezegol » et « Gigi » sont coéquipiers et le second sait comment frappe le premier, qui a donc décidé de prendre tous les risques en tirant en force. Raté.

Pirlo, Materazzi, De Rossi et Del Piero n’ont, eux, pas tremblé. Héros de la demi-finale contre l’Allemagne, Grosso peut permettre à l’Italie, qui mène 4-3, de devenir championne du monde pour la quatrième fois de son histoire, la première depuis 1982. Un regard vers le ciel, mâchoire serrée, le latéral gauche de Palerme, qui va rejoindre l’Inter Milan dans quelques semaines, s’élance et frappe sur sa droite. Barthez est parti du mauvais côté. Le rêve s’écroule et une page se tourne.

Le coup est très dur, mais les Bleus ont réalisé un superbe parcours et regagné le coeur de la population.

A quelques centimètres près, ce à quoi tient souvent le football, Zidane et consorts échouent à offrir une deuxième couronne mondiale à la France. Le coup est très dur, mais les Bleus ont réalisé un superbe parcours et regagné le coeur de la population. En aurait-il été autrement si « Zizou » était resté maître de lui-même ? Une chose est sûre : le Ballon d’Or 1998 était au top de sa forme lorsqu’il a commis l’irréparable. Quelques jours après la finale, alors que la polémique ne dégonfle pas, il donne sa version des faits sur Canal +. Zidane assume et explique qu’il ne pouvait tolérer les insultes de Materazzi. Quelque chose comme l’honneur qui dépasse les considérations sportives.

Jacques Chirac en personne absout le numéro 10, idole définitivement intouchable depuis les services rendus à la nation un certain 12 juillet. Dix ans plus tard, « Zizou », couvé depuis toujours par le président du Real Madrid Florentino Pérez, qui l’avait recruté en 2001, est nommé entraîneur du club de son coeur. Une autre histoire a commencé. Les Bleus ont, eux, réalisé une Coupe du Monde encourageante en 2014 en parvenant en quarts de finale, seulement battus par l’Allemagne, future lauréate. Ils ont de solides arguments à faire valoir en vue de l’Euro. Les deux dernières fois que la France a organisé une compétition internationale, elle l’a emporté.

Les hommes de Didier Deschamps peuvent imiter leurs aînés. Ils le doivent.


Guillaume Duhamel

Guillaume Duhamel

Journaliste financier originellement spécialisé dans le sport et l'écologie. Féru de politique, de géopolitique, de balle jaune et de ballon rond. Info plutôt qu'intox et intérêt marqué pour l'investigation, bien qu'elle soit en voie de disparition.

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