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Disons-le franchement : Karim Benzema a une vie de rêve. Attaquant star du Real Madrid, il vit au soleil et jouit même d’un jet privé. Le numéro de Rihanna serait même dans le répertoire de son téléphone. Pourtant, l’un des plus grands espoirs du football français n’a jamais su conquérir les cœurs français.

Il a gagné deux Ligues des champions. A inscrit 50 buts dans cette compétition, égalant ainsi Thierry Henry à seulement 28 ans. Si son style de jeu dérange parfois (il serait trop mou, trop incité à redescendre au cœur du jeu alors qu’un véritable 9 devrait rester entre le 4 et le 5 comme on l’apprend aux pupilles), si son attitude nonchalante a pu provoquer quelques sifflets à Santiago Bernabéu et surtout au Stade de France, si sa mise au service du collectif le met souvent dans l’ombre du géant Ronaldo, Karim Benzema n’en demeure pas moins un attaquant d’exception et son absence des Bleus laisse toujours autant d’interrogation.

« Le premier cible encore et toujours « le fric » qui pourrit l’homme et lui ferait oublier les bonnes valeurs. Le second vitupère contre ce fils d’immigré qui ne peut décidément pas s’assimiler ».

En dehors du terrain, Benzema n’a pas toujours fait preuve de la même adresse que face aux cages. Il y a eu d’abord cette phrase sur l’Algérie, son « pays de cœur », puis son mutisme lorsque résonnait La Marseillaise. Sans parler de l’affaire Zahia, jusqu’à celle de la sex-tape. Karim a concentré ce qu’il y a de plus bas comme critiques nées d’un populisme ignare et vindicatif, qu’il soit d’ailleurs de gauche comme de droite. Le premier cible encore et toujours « le fric » qui pourrit l’homme et lui ferait oublier les bonnes valeurs. Le second vitupère contre ce fils d’immigré qui ne peut ou ne veut décidément pas s’assimiler.

Karim Benzema et la morale de l’histoire

C’est le malaise d’une société sécularisée, qui pense en avoir terminé avec les grands récits collectifs et ses grands mythes. Elle s’oblige à en fabriquer de nouveaux, pour plaquer dessus leurs rancœurs, leur imaginaire et leurs phantasmes. Le footballeur s’est ainsi vu attribuer au fil des années des vertus pédagogiques, voire patriotiques. Le simple jeu s’est substitué au grand mythe national, jusqu’à cette équation affolante de bêtise : si tu ne chantes pas l’hymne, alors tu es un mauvais joueur.

« Payer mes impôts en France ? Ce n’est pas un exploit ».

Benzema a donc cristallisé l’ensemble des foudres d’une société qui a besoin d’idoles. Plein aux as et donc plus guère motivé, un peu racaille et par conséquent peu patriote. Seulement voilà : les Football Leaks, cette évasion fiscale de grande ampleur révélée par douze journaux européens dont Médiapart, a certes ébranlé la planète du ballon rond, mais a surtout montré que Karim Benzema payait ses impôts en France. Humble, le natif de Lyon a commenté succinctement : « Payer mes impôts en France ? Ce n’est pas un exploit ».

Il y a donc une morale à cette histoire. En participant au denier public comme n’importe quel citoyen, Benzema a fait taire les populistes de gauche qui ne voient dans le footballeur qu’un être vicié par la richesse et a détruit les arguments du populisme droitier qui s’échine à l’ériger en mauvais Français depuis tant d’années. Bravo Karim. C’est ta meilleure reprise de volée.  

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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