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« En politique, on n’est pas ce qu’on est : on est ce qu’on paraît être. La déconsidération, une fois acquise, ne se perd plus. » Sainte-Beuve.

Tout a été dit, et écrit, sur ses favorites, ses discrètes translations nocturnes de bleu casqué, sa pantomime, sans négliger (humour !) son style vestimentaire – d’audacieuses brassières boiteuses obliquement cravatée -, dont l’adage dit qu’il (dé)fait l’homme.

Et si l’homme – que l’on prétend intelligent – n’avait volontairement laissé que des fausses pistes ? Et s’il n’avait donné à voir que du futile et du frivole pour détourner la réflexion ? On serait alors tenté – pour y voir moins trouble – d’éclairer ses lapsus et ses actes manqués…

Verdun outragé, Verdun brisé, Verdun martyrisé, mais Verdun délocalisé…

En cette fin de règne (mais a-t-il jamais débuté ?), alors que l’impuissance semble contaminer tous les attributs de la souveraineté, l’inconscient (qui n’est ni démocratique, ni égalitaire) n’oublie pas de rappeler où se situe le lieu du Pouvoir. « Nous tenions Angela Merkel et moi-même à venir à l’Hôtel de Ville de Berlin. ». Ce n’est d’ailleurs même pas envers Die Kanzelerin, l’incarnation protocolaire de la domination germanique, que l’inconscient du Président se soumet, mais à « Angela Merkel », la femme donc, la Grande Mère – qui ne l’est d’ailleurs pas -. La théorie psychanalytique trouverait-elle ici à s’appliquer ici lorsqu’elle parle de l’image de la femme fantasmatiquement pourvue d’un phallus ?

Proles sine patrem creatam *

Mais si l’inconscient s’exprime en rêves et en lapsus, les discours politiques ont aussi leur symbolique propre. Lorsque De Gaulle en 1966 célébrait en ce lieu une « victoire uniquement de la France », son – lointain – successeur déclare « Les morts n’ont plus de nationalité ni de religion »… Alors que ces soldats ont donné leur vie pour défendre leur terre, voudrait-il effacer jusqu’à leur origine ? N’ayant jamais assumé publiquement sa rupture avec son père, ex-OAS, tenterait-il de l’évacuer, de le nier par ricochet ?

N’assumant pas le patrimoine paternel, il ne peut en hériter. Cette dépossession le fragilise symboliquement sur le plan politique, le « Nom-du-Père », fonction paternelle permettant à l’enfant d’acquérir son identité, ayant été évacué.

Et lorsqu’il déclare, dans le même discours, « C’est ici que nos Nations ont connu leur origine », la spéculation se mue en doute, car, de la négation des origines au fantasme d’auto-engendrement, il n’y a qu’un pas. Et, dans l’inconscient comme dans la culture où il agit puissamment, l’auto-engendrement déstabilise ou dissout l’ordre existant.

Caramba, encore raté !

« Ne méprisons pas les petits signes : ils peuvent nous mettre sur la trace de choses plus importantes. » Freud.

En un dimanche d’élections régionales, le Président pris la pose au moment de glisser son bulletin dans l’urne de la Mairie de son fief de Tulle. Patatras, le bulletin manque la fente et demeure sur l’urne sans qu’il s’en aperçoive… vraiment ? Serait-il incapable de voter pour lui-même, tant est prégnante sa conscience de ne pas être à la hauteur de ses fonctions électives ? A moins qu’il ne souhaite tout simplement pas exercer ses fonctions ?

Merkel, immer Merkel

Que nous donne aussi à voir son langage non-verbal ?

Des militaires (figures paternelles…) allemands à passer en revue ? Sa démarche erratique de petit garçon remis dans le droit chemin par la Grande Mère, pardon, Fraulein Merkel, trahit à la fois son complexe paternel – une des dimensions majeures du complexe d’Œdipe, la relation ambivalente au père – et le sentiment de culpabilité inconsciente, ou plutôt, le besoin de punition. Besoin de punition dont la Bible de Laplanche et Pontalis dit qu’il « met en relief ce qu’il peut y avoir d’irréductible dans la force qui pousse certains sujets à souffrir, en même temps que le paradoxe de la satisfaction qu’ils trouvent dans leur souffrance. (…) L’accent porte sur le masochisme du moi qui réclame la punition, qu’elle vienne du surmoi ou des puissances parentales externes ». Sade, sort de ce corps…

Moi Narcisse

Déjà, en accueillant Sa Très Gracieuse Majesté, il lui avait tendu la main. Or, le protocole veut qu’on ne touche pas Sa Majesté tant que ce n’est pas elle qui tend la main… Puis, il montrera ses talents de goujat en s’attablant avant Elisabeth, qui règne quand il n’est que de passage. Il excellera encore dans l’inconvenance en s’asseyant avant le Pape François, héritier millénaire…

Son narcissisme – Moi, Moi, Moi – se dissoudra néanmoins devant Poutine. Assis avant le Tsar, Moi Président sera forcé de se relever à la demande de ce dernier à qui il a oublié de serrer la main. Mais là, il a su sentir le mâle alpha…

« Bien qu’innocent, tu dois expier les péchés de ton père » (Horace, Les Odes)

Une chose semble sûre : l’ombre du père membre de l’OAS, et par rapport à laquelle il se croit obligé de montrer patte blanche et de faire repentance (au lieu de l’assumer, car il n’y a pas de culpabilité juridique trans-générationnelle), peut expliquer sa volonté de détruire tout ce qui relève de la symbolique du Père. Ainsi du Mariage pour tous, de la Souveraineté transférée vers l’UE…

L’imaginerait-on dans un blindé, comme le Colonel de Gaulle, prendre la tête de la contre-attaque dans le flanc des blindés de Guderian en mai 1940 ? L’homme est plus à l’aise en passager arrière d’un deux-roues pour faire le paon… Quae viciae fuerant, mores sunt.

L’imaginerait-on appliquer l’Article 16 et gouverner par Ordonnances afin de sortir du carcan structurellement austéritaire et désindustrialisant de l’Euro (« Est Souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle » – Carl Schmitt) ? Un homme politique rapportait que pour le Président, la seule pensée de devoir lire un texte hétérodoxe sur le sujet lui était « pénible »

Attention, l’homme sait se montrer impitoyable. Mais par la bande, jamais en public, jamais en face-à-face.

Clausewitz à l’Elysée

Certains commentateurs politiques, sans doute lassés de confondre éditoriaux sur la situation économique et rubrique nécrologie, glosent ces derniers temps sur ses talents consommés de stratège. Clausewitz serait à l’Élysée. Risquons une hypothèse sur la séquence qui vient de prendre fin : un Pouvoir qui avait gardé à vue tant de Veilleurs inoffensifs a laissé dégénérer des manifestations non tant par crainte d’un décès, mais par cynisme : favoriser le basculement de la droite de l’électorat des Républicains vers Marine Le Pen afin d’assécher l’espace entre Front National et le Parti dit « Socialiste » et se retrouver dans le seul cas où le Président puisse l’emporter. Stratégie confortée par « la droite la plus bête du monde » (© Guy Mollet) dont on peut être assuré de la pleine collaboration : le « Renard de Libye » et le « meilleur d’entre nous » sortirons en lambeaux de la primaire… Et si nous développons l’hypothèse, avec l’apport de la psychanalyse cette fois, on peut penser que l’inconscient du Président lui fera réaliser un acte manqué (qui comme chacun sait est réussi du point de vue de l’inconscient) : se faire battre par une femme…

In cauda, etc…

Cet homme intelligent (mais pas supérieurement intelligent, car il appartiendrait alors à l’espèce des grands pervers qui se rabaisserait pour détruire la fonction, traduisant une haine, et en tout cas une volonté inconsciente de dévalorisation de la Figure du Père) pense consciemment que la trajectoire qu’il fait prendre à la France (Il ne dit d’ailleurs jamais « mon pays », trahissant sa peur de l’épaisseur affective du charnel, comme cela se donne à voir lorsqu’il répudie une concubine par un communiqué officiel à l’en-tête du Château…) ne peut être rectifiée. Mais il ne veut (ou ne peut, plutôt) se rendre compte combien cette posture soumise est symboliquement passive, féminine, mais aussi symptomatique de l’introversion. On retrouve là tant sa peur de l’engagement (avec les femmes, incapable de trancher), son incapacité à être un Homme (l’Imago non intégrée du Père le poussant dans l’ombre à repousser toute les fonctions symboliques du Père), et, finalement, son immaturité psychologique : le Président normal, ce petit garçon qui ne pourra jamais devenir un homme, tâche trop grande pour ses épaules.

*Clin d’oeil à « Proles sine matre creatam », « Enfant né sans mère », épigraphe, tirée d’un vers d’Ovide qui ouvre L’Esprit des lois de Montesquieu.

Etienne Ruzic

Etienne Ruzic

Étienne Ruzic est cadre dans un casino international. Il est également diplômé d'économie et de droit. Passionné par la psychanalyse, il ne peut s'empêcher de s'allonger dès qu'il voit un divan.

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