Damien Mauro qui vit à Avignon a pris le pseudonyme de « GoddoG » et ne cesse depuis lors de conquérir de nouveaux espaces pour ses peintures murales.
C’est en 2000, qu’il débute sa passion pour le graffiti mais très vite il adopte un style qui lui est particulier. Ayant recours à des aplats entrelacés de couleurs pures, vives voire violentes, il inaugure un univers particulièrement mouvementé, souvent festif parfois étrange lorsqu’il conduit à l’onirisme et au monde fantastique.
Au premier contact de l’une de ses oeuvres, l’artiste surprend par la magie de son graphisme et par sa recherche effrénée du mouvement.
Des compositions éblouissantes et grandioses qui ressemblent davantage à un puzzle ou à un patchwork géant grâce à la présence de formes disparates qui se juxtaposent ou s’enchevêtrent les unes dans les autres.
On pourrait même imaginer des plaques tectoniques qui se déplaceraient et se bousculeraient sous la croûte terrestre.
Mais apparemment c’est un monde sans réelle violence car toutes ces formes ne semblent générer aucune catastrophe. Tout au plus une sensation de tournis liée à la frénésie des enlacements et des enchevêtrements.
En réalité cette peinture rappelle quelque part le futurisme italien mais aussi le cubisme analytique qui recherchait la simultanéité de la représentation de plusieurs aspects de la composition.
Mais de manière encore plus significative, on retrouve ce qu’il est convenu d’appeler le monde de l’espace disjoint.
Car ici, les différentes parties qui composent l’œuvre ne sont pas destinées à s’unir réellement. Du moins elles ne fusionneront jamais pour former un ensemble monolithique.
Selon Jacques Derrida, c’est un monde qui « sépare sans séparer, maintient sans maintenir ensemble » (J.Derrida, Prégnances, Montpellier, Fata Morgana, 1993, p.35).
Et par conséquent, il reste toujours en équilibre malgré la turbulence et le foisonnement des éléments qui le composent.
Ce monde disjoint c’est l’espace où tout semble possible car tout est en mouvement. Rien n’est fini, tout est à faire, tout reste à faire car tout est en devenir.
C’est donc bien l’action du disjoint qui fait l’œuvre tout en permettant le mouvement.
A l’exemple du temps qui est également disloqué et qui n’est en fait que le temps du disjoint en action.
Ensuite de manière plus étonnante encore cette dynamique du mouvement nous conduit pratiquement à la quatrième dimension dont parlaient les peintres cubistes et surréalistes !
En effet dans beaucoup de compositions, on ressent comme une impression d’échapper à la pesanteur terrestre. Cette dimension de l’ailleurs est puissamment renforcée par un chromatisme violemment expressif. Le peintre par les couleurs riches et très vives accentue volontairement cette ivresse de la vitesse et donc de l’accès à une autre dimension. Tout particulièrement, dans cette œuvre murale (voir ci-dessous), la quatrième dimension fait son entrée fracassante.
Indéniablement, il y a volonté de transposer le spectateur dans des espaces inconnus grâce à des formes tourbillonnantes qui agissent comme des aspirateurs cycloniques.
Comme si ces appareils venaient nous extraire de notre réalité terrestre pour nous conduire dans des endroits les plus lointains.
D’ailleurs l’écriture qu’utilise « GoddoG » constitue une violence de l’attaque contre les habitudes visuelles. Il joue à merveille sur l’irritation optique par la concentration de lignes ondulatoires.
A l’image des transgressions opérées par le mouvement de l’Op Art et toujours dans le seul but de nous faire accéder à un monde merveilleux et irréel.
Cela participe au goût exprimé par l’artiste de créer un « univers étrange, mystique, fantastique et poétique. »
Il réussit également à le restituer grâce notamment à l’accumulation de dessins semblables à des labyrinthes.
Il utilise dans ce but une calligraphie personnelle comparable aux hiéroglyphes Maya ou Egyptiens.
Devenu artiste-chamane, « GoddoG » réalise des œuvres (voir ci-dessous) comme s’il s’agissait d’empreintes digitales.
Son goût alchimique d’approfondir la matière va jusqu’à faire explorer la texture la plus intime de l’être en dessinant un relief tactile et matériel avec des jeux d’ombres.
Certes la surface réelle de ces deux œuvres est bien différente d’une empreinte dermique puisque parsemée de signes, traits, hiéroglyphes, dessins… Ecritures imaginées en fait par l’artiste comme provenant de son inconscient et qui donnent à ses œuvres un caractère presque sacré.
Il y a aussi cette invention d’un « primitivisme » grâce à « la magie » des signes.
Tous ces petits dessins racontent une histoire comme celle que l’on découvre dans l’art pariétal de la préhistoire ou les graffitis.
Bien souvent sous la forme de rébus, tous ces traits dessinés une fois interprétés permettront de découvrir des phrases ou des histoires.
Mais apparemment seul « GoddoG » semble connaître le secret de ces signes ?
Christian Schmitt
www.espacetrevisse.com
“GoddoG” (à droite)