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Le 12 décembre dernier, Eric Zemmour débattait avec Jean-Luc Mélenchon sur RTL. Une belle affiche qui a tenu ses promesses.

C’était le match tant attendu depuis des mois que la promotion d’Eric Zemmour durait pour Le Suicide français. Un clasico attendu, voire espéré, entre deux rhéteurs à la mécanique intellectuelle toujours prompte à s’emballer dès qu’une joute verbale s’engage.

Sur RTL, station sur laquelle Zemmour est chroniqueur, le polémiste réactionnaire jouait donc à domicile, face à un Mélenchon moribond dans les urnes. Si le duel était tant espéré, c’est parce que personne sur les plateaux médiatiques n’a véritablement su apporter une réponse intelligible à Zemmour, auréolé de son carton en librairie et de ses acclamations en province. Alors forcément, la réplique de Mélenchon, dernier défenseur à gauche de la République « une et indivisible » et promoteur d’une Assemblée constituante, au verbe haut et à la pensée conceptualisée, était attendue, et visiblement, Jean-Luc était prêt à en découdre.

Nulle intention de laisser la possession à son adversaire, il fallait rendre coup pour coup. Eviter la caricature. Répliquer avec des références. Ne pas faire une crise de nerfs. Débattre, en somme.

Le crochet de Mélenchon sur la laïcité

Dès le début de l’émission, Bernard Poirette lance les deux bretteurs sur le thème des crèches de Noël interdites en Vendée. Zemmour réplique aussitôt – et à raison – sur les racines chrétiennes de la France et la tradition culturelle, pour placer derechef Mélenchon dans les cordes de la bienpensance multiculturaliste. Hélas, le bougre de la gauche de la gauche a de la ressource et ne se laisse pas prendre.

Un pas de côté, le menton haut, il déroule : la République est laïque, elle a permis de mettre fin aux querelles dans ce pays éruptif. Zemmour écarquille les yeux et attaque l’islam, religion qui est également un Code civil, mais c’était sans compter sur la forme de son interlocuteur qui lui répond que les lois existent, mais qu’il est toujours possible de suivre celle de son coeur, prenant exemple sur sa morale stoïcienne.

Chacun comprend où Zemmour veut en venir, à savoir la défense légitime d’une tradition française, mais Mélenchon lui répond sur le terrain politique, en citant les principes de la république. Bref, il argumente posément et contredit un Zemmour sonné qu’il achève presque en vantant la France, « machine à fabriquer du citoyen ».

L’uppercut de Zemmour sur l’Europe

Après la laïcité et l’immigration, les deux débatteurs ont débattu de l’Europe. Mélenchon s’en prend immédiatement à madame Merkel et à son « austérité folle » qui fabrique des pauvres en Italie, en Grèce et en Espagne. Zemmour ne réplique pas, laisse son adversaire dérouler avant de l’attaquer par surprise et de lui décocher un uppercut acerbe sur le « Oui » de Mélenchon à Maastricht.

Le journaliste du Figaro n’avait pas su le faire sortir de ses gonds sur l’immigration ni sur l’islam, il y parviendra en rappelant cette erreur de Mélenchon. Ce dernier, après cette estocade, redevient ce bateleur arrogant et outrancier, coupant la parole à l’autre et finalement décrédibilisé parce qu’il a dit oui à l’euro en 1992 et qu’il a longuement servi ce Parti socialiste qu’il voue à présent aux gémonies.

Zemmour exulte, sûr de la force de son coup.  La publicité arrive, Mélenchon reste debout et grapille des secondes mais le mal est fait. L’auditeur restera sur cette prise en flagrant délit de reniement. Sur le tard et à la fin du dernier round, Zemmour gagne et laisse l’ancien sénateur éructer et se départir du calme qui faisait sa force en début d’émission.

Ce qui est dommageable, c’est que ce débat a conforté les « zemmouriens » et a rassuré les « mélenchonnistes ». Il semble ne plus rien exister entre ces deux camps, ni mesure ni prise de recul. La dualité est devenue le seul mode de fonctionnement intellectuel, comme si le monde des Idées se composait nécessairement de deux camps ennemis irréductibles dont les discussions menaient à l’aporie.

Mélenchon a marqué des points, Zemmour a gagné sur le tard, mais la vitalité intellectuelle dans les médias a de nouveau perdu du terrain. Et si c’était cela, le vrai suicide français ?

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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