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Emmenée par Hugh Dancy et Mads Mikkelsen, la série Hannibal nous plonge dans les consciences torturées de ses personnages. Merci à la VOD de Canal + de nous en faire profiter. 

Pour les besoins d’une enquête, le patron du FBI, Jack Crawford, fait appel au professeur Will Graham, le seul capable de se mettre dans la tête des tueurs pour reconstituer une scène de crime. Trop émotif pour faire partie intégrante du FBI, Will se contente de dispenser son savoir auprès des étudiants en criminologie avant de suivre Crawford qui, pour lui venir en aide, le place auprès du docteur Hannibal Lecter.

Hannibal, l’élégance du tragique

Pour évoquer Sanctuaire, le chef d’œuvre de Faulkner, Malraux parlait de « l’irruption de la tragédie grecque dans le roman policier », comme pour mieux résumer cette apothéose du Mal. Nous pourrions reprendre à notre compte cet aphorisme pour parler de cette série, à travers laquelle Stephen King côtoie Guy Georges et Jean Racine fréquente Luka Magnotta.

Comme Œdipe n’échappe pas à sa destinée, le docteur Lecter jouit de sa propension à faire sciemment le Mal.

Hannibal Lecter, incarné par le très classieux Mads Mikkelsen, n’échappe pas à son destin. Il se sait psychopathe. Il aime la chair humaine et en faire manger à ses invités, cuisinant les reins et autres viscères, se référant à Escoffier. Il aime la musique classique, les costumes sur mesure et prononcer des sentences intelligentes sur la vie et la mort. C’est son immense charisme qui lui permet de prendre le fragile Graham sous son aile et de le manipuler, jusqu’à lui faire perdre complètement la raison.

Comme Œdipe n’échappe pas à sa destinée, le docteur Lecter jouit de sa propension à faire sciemment le Mal. Inéluctablement. S’il utilise différents masques en société pour se dérober, il n’en utilise pas avec lui-même, seul dans sa luxueuse demeure à rôtir des jarrets humains.

Des rois sans divertissement

Ce sang qui coule et inonde parfois les scènes n’est pas sans rappeler ce passage de Perceval, lorsque le jeune chevalier tombe en extase sur ces gouttes de sang qui lui font songer à sa belle. L’hémoglobine, dès le générique, devient un personnage à part entière des épisodes. C’est le fil conducteur. Le sang versé par ces psychopathes, par vengeance, jalousie voire simple plaisir, n’est toujours qu’un sacrifice offert pour les démons du Mal.

Cela pose la question du « monstre » (celui que l’on désignait du doigt durant l’Antiquité) et nous renvoie à la question jadis posée par Primo Levi : si c’est un homme ?

Cela pose la question du « monstre » (celui que l’on désigne du doigt durant l’Antiquité) et nous renvoie à la question jadis posée par Primo Levi : si c’est un homme ? Hannibal Lecter est ce « roi sans divertissement » d’abord au sens pascalien du terme, en ce qu’il est un homme plein de misère incapable de la moindre transcendance mais aussi, au sens de Jean Giono, un être dont le seul plaisir est de se délecter de la souffrance d’autrui. Du mal.

La « galerie de monstres » de la cette première saison ne montre finalement qu’une suite d’êtres qui ne peuvent échapper au fatum, à la tragédie de leur existence qui ne se réalise que dans la délectation du sang versé, avec esthétisme. Sans verser dans la banalisation du mal, la série apporte un éclairage nouveau sur ce personnage légendaire du cinéma, qui n’a pas fini de nous provoquer des nuits blanches.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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