La chronique hebdomadaire de Christophe Bérurier, professeur de français dans un collège de ZEP.
Lundi
La sonnerie qui lance la récréation se fait entendre. Salle des professeurs. J’interroge trois professeurs d’histoire.
« Alors, que pensent les profs d’histoire de la mini polémique autour de Lorànt Deutsch et de son livre Hexagone ? demandai-je, collant à l’actualité.
— En fait je ne vois pas où est la polémique… Lui-même ne se présente pas comme un historien, il ne fait pas un travail universitaire. Il fait de l’histoire qui plaît, pas de l’histoire pour historiens, me répond un jeune collègue
— Voilà, c’est du divertissement, lance un autre. »
Plus tard je demande à mes élèves de troisième s’ils ont une idée d’orientation pour l’année prochaine. Sur douze garçons, neuf me répondent presque sans hésitation la phrase suivante : Moi, à part le foot, je ne veux rien faire d’autre. C’était le premier rêve de Lorànt Deutsch, ai-je pensé.
Mardi
Cet après midi a lieu une réunion de tous les établissements scolaires à proximité pour réfléchir, à la demande du ministre, sur l’avenir de l’étiquette éducation prioritaire. Je prends du temps pour expliquer à mes élèves ce que veut dire le sigle ZEP. Echange sur ce thème. Il en ressort que ces élèves n’ont pas le sentiment d’avoir plus de besoin que d’autres établissements. Cependant, ils m’ont annoncé que cela serait difficile d’acheter un livre durant l’année et qu’il valait mieux prendre ceux du CDI.
Après-midi de réunion. Un débat s’engage sur le mode d’évaluation des élèves. Ce mode n’est en rien spécifique à l’éducation prioritaire. Les prises de parole sont anarchiques et enflammées. Au moment de conclure, le feutre ne fonctionne pas. L’animateur de la réunion était allergique à la craie.
Jeudi
Un nouveau plan de table est appliqué à certaines classes. Dans une classe de troisième cela a posé problème.
« Monsieur, ça se fait trop pas.
— Qu’est-ce qui ne se fait pas ?
— Bah de nous placer comme ça. Franchement on se déteste, vous avez fait exprès avouez.
— Oui.
— Bah, on se vengera, vous verrez. »
Je retenais une réponse mal venue.
Vendredi
Les élèves qui avaient mal pris le plan de table hier, se sont assis à leur nouvelle place. Ils ont passé une bonne partie de l’heure à bavarder avec leur nouveau voisin.
Réception d’une convocation pour une formation de trois jours pour mettre en place un projet de partenariat avec une salle de cinéma : annonce de trois jours d’absence. Euphorie naturelle des élèves.
Conséquence de cette formation sur les cours des élèves : trois semaines sans cours avec moi. Nous nous rapprochons des vacances. En annonçant la lecture d’un livre pendant cette grande période, quelques élèves me disent qu’ils ne le liront pas, de toute façon, ils s’en battent les couilles. La première chose à faire est toujours de regarder le nombre de pages. Il faut ensuite dire que 150 c’est beaucoup trop.
La phrase la plus étonnante sort de la bouche d’un élève de quatrième : « Mais, il n’y a aucune image. »
Christophe Bérurier