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« Depuis petit, j’avais cette boule dans le ventre, cette colère inexpliquée qui faisait qu’il fallait que quelque chose sorte. Je me sentais emprisonné à l’école, le système scolaire me rendait malade. »

C’est en ces termes que Julien Raynaud, jeune peintre, né en 1987 à Marseille, explique les débuts de sa vocation artistique. Celle-ci aurait été suscitée   au plus profond de son être à la suite d’une tension physique inexpliquée. Très tôt vers 15-16 ans, Il a commencé à s’intéresser au graff. Mais il s’est vraiment senti libéré de cette « boule », comme il l’appelle presque affectueusement, lorsqu’il s’est adonné aux formes géométriques.

Un savoureux mélange de cubisme et de Street Art

Et c’est seulement par hasard qu’il a pu les découvrir lorsqu’il a voulu dessiner une sculpture. Depuis, on a coutume de présenter son travail comme « un savoureux mélange de Cubisme et de Street Art ».   Cependant face aux cubistes analytiques et synthétiques du début du XXème siècle, Julien Raynaud (J.R.) s’apparenterait davantage aux cubistes hérétiques frondant contre Picasso et Braque.

On le verrait, volontiers à la suite d’un Jacques Villon et des fidèles du groupe de « Puteaux » qui parlaient de « Section d’Or », de proportions idéales et d’une « peinture pure ».

En réalité, J.R., dans son écriture picturale,   semble plutôt s’écarter d’une formulation trop spécifiquement cubiste. Il privilégie davantage les formes rondes comme les cercles au détriment de toutes les autres dont celles issues du triangle pyramidal.

Assurément ce peintre n’est pas un « déconstructeur », à l’exemple des grands maîtres du cubisme, mais plutôt un artiste en quête d’harmonie et d’empathie. Ce qui expliquerait sans doute sa préférence marquée pour les formes circulaires et peut-être aussi cette volonté de placer sa peinture sous le signe de la lumière, de l’arc-en-ciel, du soleil.

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Pour lui la couleur reste le sujet primordial. Elle donne sens à sa peinture et lui permet d’aller de l’avant selon sa propre expression. Il est vrai que J.R. vit dans le pays de Cézanne non loin de la Montagne Sainte- Victoire !

La priorité à la couleur et au mouvement

Ce qui expliquerait aussi le fait qu’il se détache   avec beaucoup de facilité de la simple description. « Tant que l’art ne se détache pas de l’objet, il reste description. » (Delaunay dans son essai « De la couleur » paru en 1913) Mais plus encore il se révèle comme un peintre du mouvement. Si le mouvement est rappelé par la forme du disque, celui-ci résulte également par le rôle prédominant joué par les couleurs primaires (bleu, rouge et jaune).

De même il n’hésite pas à accentuer le rythme grâce à la combinaison d’archétypes morphologiques qui sont toujours en pleine agitation pour mieux signifier la frénésie de notre temps. D’ailleurs toute sa peinture est   comme l’empreinte de traces d’une morphologie humaine omniprésente.

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L’humain est partout célébré dans son œuvre

Il est constamment suggéré et illustré par les différentes parties du corps (épaules, bras, têtes) qui ne cessent de gesticuler.

C’est une peinture qui célèbre le corps de manière presque charnelle.

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Comme résultat on assiste à un hédonisme chromatique qui est fort éloigné d’une peinture rigoriste et cérébrale. Car ici tout chante et tout respire la joie de vivre, celle partagée entre amoureux (voir tableau ci-dessus) ou entre amis.

L’artiste restitue cet univers enchanteur par les harmonies chaudes de sa peinture. Il peint aux sprays et à l’acrylique pour valoriser les couleurs vives et festives.

C’est une peinture accessible et proche des gens. Car J.R.   est resté un artiste du Street Art au contact permanent avec le gens de la rue.

Cette proximité résulte aussi d’un style qui est dépouillé de tout artifice. Son œuvre propose, en effet, une apparente « naïveté » presque enfantine qui a de quoi parfois dérouter le monde de l’art.

Aussi chacun se sent à l’aise grâce à la simplicité et la chaleur de son travail pictural. Cette atmosphère du bien-être, il réussit encore à la magnifier et à l’amplifier grâce à une architecture du compromis et de l’équilibre.

Toutefois derrière le voile des apparences, l’artiste ne saurait cacher une certaine inquiétude lancinante,   toujours peut-être – et encore – cette « boule » dissimulée au plus profond de lui-même et qui viendrait également hanter ses œuvres ?

Une oeuvre empreinte d’une certaine inquiétude

Il est vrai que souvent les visages de ses personnages trahissent un certain malaise, voire une peur.

On peut l’observer lorsqu’il déstructure certaines faces à la manière du grand Picasso. Là il n’hésite pas à utiliser la force et la violence du cubisme pour faire surgir, de façon étonnante, un oeil unique comme celui qui regardait Caïn :

« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn » (Victor Hugo)

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Bien évidemment tout cela peut rappeler les figures mythologiques avec l’œil cyclopéen des géants. De même avec l’apparition de fantômes, d’esprits et de têtes aux grands yeux on est proche de l’art pariétal de la préhistoire ou du graffiti.

Sa peinture permettrait donc d’exorciser le monde du rêve mais également la vision hallucinée, du mythe et de l’irrationnel. J.R. donne un sens et une réalité à ses pulsions et à ses inquiétudes tourmentées.

Une façon, peut-être, pour cet artiste de les surmonter en les intégrant subtilement dans les feux enchantés de ses toiles ? « Le tableau est un terrain d’expérience – selon Pierre Alechinsky -…ce n’est pas un écran derrière lequel on peut se cacher. L’important est de découvrir une écriture intérieure allant à la découverte organique de nous-mêmes ; sans avoir peur de plonger en pleine terre, en pleine eau, en plein feu, en plein air. »

      Christian Schmitt
www.espacetrevisse.com  

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Liens sur Julien Raynaud : http://www.julienraynaudart.com
https://www.facebook.com/julienraynaudart

instagram : julienraynaudart

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instagram : julienraynaudart

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Christian Schmitt

Critique d'art. Auteur de "l'univers de J.L. Trévisse, artiste peintre" (ed. Lelivredart 2008) et de trois autres ouvrages sur les vitraux réalisés par des artistes contemporains aux ed. des Paraiges: Jean Cocteau (2012), Jacques Villon (2014) et Roger Bissière (2016). A retrouver sur : http://www.espacetrevisse.com

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