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Qu’il s’agisse d’une œuvre de Mozart, de Beethoven ou de Chopin, toutes sont immortelles tant elles permettent l’expression des sentiments : la rage, l’amour, la détresse face à la mort qui survient ou la joie présente. La musique classique est le miroir de nos passions. 

La seule écoute d’une œuvre majeure suffit à faire naître en nous le respect et la glorification de ses auteurs immortels. Un quatuor à cordes, un orchestre symphonique, un musicien seul avec son instrument, tous expriment la solennité des cuivres, la douceur du piano, la confusion des cordes et la puissance des tambours. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Et avec eux se matérialise l’essence même de l’âme humaine : tour à tour heureux ou malheureux, elle nous permet d’atteindre au plus près la concrétisation des sentiments les plus abstraits. La musique classique permet d’unir aux déchaînements des passions la quête et la production des sons.

A l’écoute de son œuvre qui conjugue l’art du piano et le minimalisme de ses partitions nous découvrons alors la notion de plaisir simple et intimiste du quotidien teinté de mélancolie.

A l’origine de toute création artistique trônent Eros et Thanatos. La pulsion de vie noue un rapport complexe et ambigu avec celle de la mort, mais, peu importe que l’on assimile ou non l’art comme miroir de l’existence, ce qui prime c’est son expression. Ainsi, lorsque Mozart rédige en partie son Requiem, c’est l’image sainte de l’au-delà qui sublime la personnification de la mort. La perte de l’autre devient, sous ses notes, celle d’une volonté divine, et les chœurs entonnés résonnent tantôt comme des messagers de Dieu, tantôt comme l’expression de la tristesse des vivants. Les écoutes de Dies irae et de Rex Tremendae dénotent la cruelle désillusion de la perte d’un être cher, et la sublimation de la vie après la mort. La messe des morts composée par le compositeur autrichien nous guérit alors de nos plaies et nous permet d’accepter l’épreuve du deuil.

 

Ou encore Les Gnossiennes d’Erik Satie, qui conjuguent l’art du piano et le minimalisme de ses partitions. A l’écoute de son œuvre nous découvrons la notion de plaisir simple et intimiste du quotidien teinté de mélancolie. La musique supplante la parole et les auditeurs y écrivent leur propre texte. Que l’on soit esthète ou béotien, elle permet à tous de nouer à sa vie celle d’une œuvre majeure. Les nombreux instruments remplacent les mots, les partitions nous renvoient tantôt à des madeleines de Proust tantôt à l’instant présent. L’écoute de la Rhapsodie Hongroise n°2 de Franz Liszt reflète quant à elle l’avenir, le moment proche que l’on redoute tant et que pourtant nous savons radieux. Ce truchement de l’effroi à la libération personnifié par les notes basses des violoncelles puis la gaieté et l’enjouement du piano et des trompettes et son final grandiose.

Véritable morceau orné d’une gravité majestueuse et solennelle, il confère à la vie de Redmond Barry un destin tragique semblable au nôtre.

La véhémence du cœur insufflée par Eros s’inscrit conjointement dans les compositions classiques et dans la vie privée de leurs auteurs. Et de leurs auditeurs. Ainsi, nos doutes, nos joies et l’amour que nous proférons à l’être aimé se manifeste pleinement dans Les caprices de Paganini qui matérialisent le tourbillon des sentiments, l’explosion des sens mêlée à la virtuosité du mouvement. La complexité de l’oeuvre révèle alors celle de l’âme. Le trio pour piano et cordes nº 2 de Franz Schubert tient lui aussi lieu de déclaration d’amour tant sa clarté, sa simplicité et la présence des cordes donne à cette musique de chambre l’apparence d’un moment de grâce empli de douceur et de volupté.

Désormais et pour une large majorité, la musique classique est associée à la publicité où à des moments de cinéma, grandioses pour certains. Aussi, lorsque Stanley Kubrick réalise Barry Lyndon, il demande au compositeur américain Léonard Rosenmann de dépoussiérer la partition d’une sarabande de Haendel, à l’origine créée pour le clavecin, et d’en écrire une version orchestrale. Véritable morceau orné d’une gravité majestueuse et solennelle, il confère à la vie de Redmond Barry un destin tragique semblable au nôtre. Ce même destin que l’on retrouve enfin dans Le Discours d’un roi lorsqu’en ce mois de septembre 1939, le roi Edouard VI annonce à la nation anglaise leur entrée en guerre avec pour toile de fond le second mouvement de la symphonie numéro 7 de Beethoven.

La musique sublime le discours et lui promet l’immortalité.

 

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Andrés Rib

Ancien de la Sorbonne. Professeur de Lettres. Aime le Balto, et la Philo.

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