Partagez sur "L’abbé Grosjean : un accélérateur de particules de l’Eglise catholique"
Auteur d’un très remarqué Aimer en vérité chez Artège (en écouter la conférence ici), Pierre-Hervé Grosjean, prêtre du diocèse de Versailles, curé de la paroisse de Saint-Cyr-l’Ecole et Secrétaire Général de la Commission Ethique et politique de son diocèse, publie Catholiques, engageons-nous ! Un essai revigorant sur la nécessité de mettre sa foi au service du bien commun.
« Nous assistons à l’effondrement du christianisme en France » : les mots de l’abbé Grosjean (p.23) sont forts pour qualifier cette perte du spirituel dans notre société, mais ces derniers sont contrebalancés une centaine de pages plus loin, avec cette citation de Fabrice Hadjadj : « La foi en Dieu implique la foi en l’aubaine d’être né dans un tel siècle et au milieu d’une telle perdition. Elle commande une espérance qui dépasse toute nostalgie et toute utopie » (L’Aubaine d’être né en ce temps).
Pour répondre aux inquiétudes des catholiques, voire, pour les sortir de leur torpeur, l’abbé Grosjean sillonne les routes de France et n’hésite pas à prendre la parole sur les plateaux télévisés pour défendre ce qui lui semble juste. Excellent orateur, essayiste de talent, sa parole mérite d’être entendue et ses thèses d’être défendues.
Deux révolutions, double tentation
Mai 68 (à la fois impasse de la gauche et paralysie de la droite) a ébranlé notre société, c’est un fait. Ses fondements, pourtant solides, en portent encore les stigmates, si bien que cette « chute » de la chrétienté en Europe conjuguée à une remise en cause de notre morale universelle a abouti à une fin du consensus sur notre éthique commune. Le désir, comme le rappelle l’abbé, est devenu la norme : l’individu-roi, sans héritage religieux ni philosophique, sans racines, n’est plus qu’un consommateur soumis à ses pulsions et ne jure plus que par sa sincérité, au détriment de la vérité.
De cette perte de vitesse du christianisme est née une double tentation : celle de la « dilution » et celle du « repli ». D’une part, parce qu’il est « épuisant de remonter sans cesse le courant. Il est usant de ne pas faire comme tout le monde », le catholique d’aujourd’hui pourrait être tenté par un catholicisme « qui ne serait plus en confrontation avec le monde, dont toutes les aspérités auraient été gommées et rabotées » (p. 43) ; en d’autres termes une religion soft, à l’image du monde moderne, qui cherche l’assentiment plutôt que la contradiction.
D’autre part, la tentation du repli guette le chrétien d’aujourd’hui qui, lassé d’être incompris, choisirait l’entre-soi par confort mais la fin demeure identique : « On s’épuise à lutter et à être à contre-courant du monde qui nous entoure » (p. 48). Que cette tentation est grande, du reste, face aux caricatures, aux quolibets proférés par les athées dénués de culture chrétienne, aux ricanements de la société du spectacle qui ringardise tout ce qui va à son encontre ! Il suffit de se remémorer les moqueries suscitées par les manifestations pour défendre la famille lors des débats sur le mariage pour tous … Ce que l’abbé n’aborde pas et qui aurait pu faire l’objet d’un développement, c’est aussi cette tentation de se laisser aller à la honte de sa foi catholique et de la vivre parcimonieusement, de peur d’être « étiqueté catho » donc réac, vilain, pas beau … En bref, le catholique français d’aujourd’hui est confronté à une situation inédite. La France, fille aînée de l’Eglise, voit une partie de ses enfants rejeter le plus précieux des héritages.
« Être dans le monde »
Il l’invite, à la suite du Pape François, « à descendre du balcon ». L’auteur l’explique très bien : suivre Jésus, ce n’est pas rester en haut de sa montagne à se lamenter du monde comme il va. Au départ, ils n’étaient que douze !
Pour répondre à ces angoisses, l’abbé Grosjean cite l’Evangile selon Saint Jean (17, 9-21) : « Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu’ils ne sont pas du monde (…) Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde » (p. 58). Cet extrait, essentiel, engage le catholique dans la vie de la cité. Il l’invite, à la suite du Pape François, « à descendre du balcon ». L’auteur l’explique très bien : suivre Jésus, ce n’est pas rester en haut de sa montagne à se lamenter du monde comme il va. Au départ, ils n’étaient que douze !
Si la lecture de cet essai est si vivifiante, c’est parce qu’il montre l’importance de l’engagement politique et médiatique, cet impensé de la culture chrétienne ; comme il rend hommage à ces différents groupes de pression (LGBT et autres) qui ont oeuvré, patiemment, pendant plus de trois décennies pour imposer leur idéologie à tous les niveaux. Comme l’a déclaré Benoît XVI : « L’avenir appartient aux minorités créatives » …
L’extrait le plus fort de ce livre se situe page 40 : « Les laïcistes de tout poil qui veulent encore interdire nos crèches de Noël et nos processions ne font pas seulement du mal à l’Eglise. Il font du mal à la France. En la coupant de ses racines, en la voulant encore plus sécularisée, ils la désarment et la fragilisent ». Pour répondre à ces barbares qui ont ciblé Paris « capitale (…) qui porte la bannière de la croix en Europe » (selon les termes du communiqué de l’Etat islamique), il faut assumer ce que nous sommes plutôt que de courber l’échine. Cet ennemi, comme l’analyse Alain Finkielkraut dans La Seule exactitude, nous a pris pour cible. Les bourreaux ont choisi le combat alors livrons-le avec nos seules armes : l’engagement pour un bien commun, la paix retrouvée et, qui sait, pour le Pardon.