Partagez sur "« L’âme romaine » : un voyage initiatique avec Pierre Grimal"
Les éditions Perrin rééditent « L’Âme romaine » de Pierre Grimal (1912-1996), dans la collection Tempus. Un véritable saut dans le temps pour redécouvrir la pensée romaine, ses légendes et ses mythes éternels.
Comme Jacqueline de Romilly ou Paul Veyne, Pierre Grimal est une de ces figures marquantes de l’enseignement des langues dites anciennes dont l’enjeu est aujourd’hui non pas la préservation, mais la sauvegarde tant notre siècle ne semble pas comprendre l’absolue nécessité de protéger cet héritage millénaire.
Traducteur de Cicéron, de Tacite et de Pétrone, professeur à la Sorbonne, Pierre Grimal a bâti une oeuvre qui constitue une des colonnes qui permettent à l’Antiquité de tenir encore debout, même si le temple chancelle de plus en plus. Il ne s’y était pas trompé, d’ailleurs, en indiquant en épigraphe : « A tous les jeunes curieux de connaître leurs racines ». Vingt ans après, cette phrase résonne encore plus intensément.
« Mais qui donc priera les dieux, assistera aux Jeux, fréquentera les portiques, qui donc, enfin, vivra, si Rome n’est plus qu’un musée d’architecture et une galerie de statues ? »
Ce livre est avant tout un dialogue entre Marcus (le futur Marc Aurèle) et son précepteur Fronton, à travers lequel le professeur enseigne à son élève la quintessence de « l’âme romaine », en marchant et devisant à travers les somptueuses villes de l’empire. C’est au cours d’une conversation sur « Des monuments de mémoire », que Marcus interpelle son maître (p. 119) : « Tous ces monuments je les connais. (…) Mais qui donc priera les dieux, assistera aux Jeux, fréquentera les portiques, qui donc, enfin, vivra, si Rome n’est plus qu’un musée d’architecture et une galerie de statues ? ». Comme un appel des tréfonds antiques pour nous rappeler que Rome doit rester en vie. Comme un cri dans notre nuit post-moderne où la muséification tue les villes à petits feux.
L’esprit de la Grèce et l’âme de Rome
Des origines de Rome jusqu’aux grandes batailles, en passant par les Étrusques, les Grecs, les jeux, les fêtes, l’organisation de la société et les dieux, tout est présenté à Marcus avec simplicité à travers des échanges qui oscillent entre la gravité et la légèreté. Concernant la guerre, Fronton explique (p.38) : « L’Empire de Rome fut à la fois le résultat du Hasard, de la Fortune, certes, mais aussi d’une sagesse, de la volonté de rester fidèle à certaines vertus, parmi lesquelles, d’abord et avant tout, la Justice. Je te l’ai dit maintes fois, la guerre ne fut longtemps, pour nos ancêtres, que le moyen de garantir la paix et la liberté ». Sagesse toute stoïque, qui met en lumière cette âme romaine qui conquiert tout en se défendant, qu’un chef cité par Tacite résume tout autrement : « »Quand ils ont tout détruit, les Romains appellent ça la paix ».
« Aux philosophes grecs le logos, aux sages romains l’anima … »
Inévitablement, la question des relations avec la Grèce se pose et le philosophe déclare à ce sujet (p. 176) : « La gloire de Rome est plus neuve, elle relève des choses de l’âme plutôt que de celles de l’esprit (…) Ils sont du côté de l’âme plus que de celui de l’esprit ». Magnifique nuance ! Aux philosophes grecs le logos, aux sages romains l’anima …
Pierre Grimal, que les habitants de la Ville éternelle nommaient « Le dernier romain », nous plonge avec ravissement dans ce tête-à-tête riche en anecdotes et en références historiques. Grimal, qui a par ailleurs écrit sur Marc Aurèle, transmet avec cet ouvrage toute sa passion pour les immortelles merveilles de Rome. A nous de continuer à les faire vivre.