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Depuis plusieurs semaines le débat sur le burkini fait rage dans toutes les rédactions parisiennes. Si tout le monde s’accorde a brandir le code civil pour défendre le port d’un bikini musulman, personne en revanche n’a pris soin de l’ouvrir, ou encore de se remémorer sa genèse. 

Retour en arrière. En 1804, la rédaction du code civil, qui verra 100 ans plus tard l’abrogation de la fameuse loi de séparation des églises et de l’Etat de 1905, synthétise et concilie alors le droit sous l’ancien régime et la Révolution Française. Sous l’égide d’une commission composée de rédacteurs de tous bords, elle rédige les fondements d’une nouvelle société, suivant alors les préceptes des Lumières, Montesquieu en tête.

La révolution au service de la rationalisation

La loi de 1905 fut un pas supplémentaire dans la volonté anticléricale de la troisième république de se séparer de toute appartenance religieuse au sein de la société.

Si l’ancêtre de notre code civil actuel établissait la reconnaissance de la religion catholique comme « religion de la majorité des citoyens « avec la rédaction du Concordat, la première pierre à l’édifice laïc fut posée au nom de la liberté de conscience qui n’existait peu ou pas sous l’ancien régime. Ainsi l’état civil est désormais tenu par les communes et non plus par les paroisses. De plus, l’héritage des Lumières incite l’homme à se départir d’une tutelle religieuse comme seule explication du monde, afin de faire triompher la raison. Ce même rationalisme que l’on retrouve dans l’oeuvre Was ist Aufklärung ? d’Emmanuel Kant : « Sapere aude ! » ( Aie le courage de savoir !). Dès lors l’homme n’est plus un sujet du roi, mais un citoyen qu’il convient d’éduquer, afin que ce dernier use intelligemment de son nouveau statut en fondant ses réflexions sur la raison, et plus sur une explication irrationnelle du monde, marquée jadis par l’intervention divine.

Tout au long du XIXème siècle, la grande entreprise de rationalisation initiée par les philosophes de la révolution s’est développée, et ce dans toutes les couches de la société. Max Weber parlera alors de désenchantement du monde, ou le recul des croyances religieuses comme méthode d’explication des phénomènes, au nom de la raison.

La loi de 1905, instituant la séparation des églises et de l’Etat ne se fait pas sans heurts et ses principaux acteurs rejetaient alors le Concordat, qui permettait au Vatican d’administrer le clergé français. A l’initiative du député socialiste Aristide Briand qui luttait alors contre la possibilité pour la religion catholique de pratiquer l’enseignement au même titre que les hussards noirs, la loi de 1905 fut un pas supplémentaire dans la volonté anticléricale de la troisième république de se séparer de toute appartenance religieuse au sein de la société.

Cent ans plus tard, le constat est amer, et la récupération de la loi de 1905 ubuesque.

La désagrégation intellectuelle de la loi de 1905

La naissance du code civil et les lois jadis rédigées en faveur d’une liberté individuelle de conscience qui permettait à l’homme de se départir de sa religion au nom de la raison sont désormais utilisées par les défenseurs du port du burkini.

La naissance du code civil et les lois jadis rédigées en faveur d’une liberté individuelle de conscience qui permettait à l’homme de se départir de sa religion au nom de la raison sont désormais utilisées par les défenseurs du port du burkini, signe d’une appartenance religieuse faut-il le préciser ? Et avec quelle audace ces mêmes idiots utiles soulèvent hauts leurs codes civils au nom des libertés individuelles, contrevenant avec leurs aïeux qui œuvraient depuis plus d’un siècle contre le retour au phénomène religieux. Les principes de laïcité cumulés à ceux de la liberté et de l’égalité se retournent alors contre ses auteurs, (qui eux se retournent dans leurs tombes) la faute à une méconnaissance ( ou un oubli ?) de l’Histoire.

La victoire des adeptes du port du burkini symbolise la défaite des différentes étapes, depuis l’avènement de la Révolution Française jusqu’à la loi de 1905, qui ont fait la France. C’est la victoire de l’individualisme religieux au nom d’un prétendu universalisme laïc, la victoire de l’aliénation du corps féminin au nom de l’émancipation de la femme, la victoire d’une minorité au nom du bien commun, la victoire d’une pratique religieuse inédite au nom du droit universel. Et la morale dans tout cela ?

 

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Andrés Rib

Ancien de la Sorbonne. Professeur de Lettres. Aime le Balto, et la Philo.

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