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Cette rentrée marque sans aucun doute la dernière de notre président, qui n’a pas « eu de bol ». Alors que le gouvernement essaie de sauver les meubles avant 2017, entre baisse de la fiscalité des PME et promesse de baisse d’impôt des ménages, revenons sur ce quinquennat minoritaire.

François Hollande, alchimiste de génie, tente de fabriquer de l’emploi avec nos impôts pendant que certains parlent de guerre civile. Entre les mobilisations des Bonnets rouges, des taxis, des syndicats contre la loi Travail, des associations féministes contre le harcèlement et maintenant des associations musulmanes et asiatiques, les minorités ont pris le pouvoir en France, avec comme corollaire une intolérance de plus en plus développée à l’égard de la situation.

Devant les envolées lyriques de nos préposés troubadours politiques, « Camba » et Manu, parlant de LePenisation, Zemmourisation, Trumpisation, Poutinisation, permettez-nous d’y ajouter notre grain de sel pour parler de « Plenelisation ».

Au commencement il y avait Edwy 

Au lendemain de la victoire de Sarkozy, il s’est réveillé avec une bonne gueule de bois, voyant que tous les ouvriers ou presque étaient partis chez Jean-Marie.

A l’origine du mot, un homme, Edwy, ce vaillant Nantais, qui n’a rien à envier au Patrice Loko de la grande époque. C’est son anniversaire, il a donc le droit à une petite promo made in Nouveau Cénacle. Pendant des décennies, il a défendu l’ouvrier, ou en tout cas ce qu’il en restait. Au lendemain de la victoire de Sarkozy, il s’est réveillé avec une bonne gueule de bois, voyant que tous les ouvriers ou presque étaient partis chez Jean-Marie. Fort dépourvu, il s’est donc tourné vers une Terre Nouvelle, la « minorité » ; visible pour certains, invisible pour d’autres. Claquant la porte de la direction du « Quotidien de référence », il se forge en 2008 un organe de presse sur mesure : Mediapart. Lui, tutoyant les deux François, Jacques et les autres, avait toutes les cartes en main pour modeler les esprits à porter aux nues la minorité (opprimée évidemment). Pendant le quinquennat Hollande, bénéficiant de la bienveillance présidentielle, il a su instiller ses idées.

Dans la situation politique actuelle, chaque camp a son épouvantail, Zemmour pour les uns, Plenel pour les autres. Ils influencent la sphère politique et médiatique chacun à leur manière, accompagnent plus qu’ils ne créent des mouvements d’idées. En somme, ils incarnent quelque chose de fort au sein de la société française. Cependant ici, nous nous intéresserons au mouvement que notre Edwy national a contribué à amplifier : la minorité agissante et offensive, la minorité qui gagne. En clair, la minorité Rambo.

Nous ne tentons pas de dire qui a commencé ou qui est à blâmer, mais faisons un constat pour comprendre ce qui s’est passé lors de ce quinquennat. Pour clarifier les choses, nous ne disons pas ici que l’intolérance vise les individus, plutôt les groupes d’intérêts censés les représenter. Paradoxalement, les arguments centraux de ces derniers sont parfois bancals, faiblement argumentés, se basant sur une vision hémiplégique de la réalité, malgré cela les activistes connaissent un succès remarquable pour implémenter leurs idées auprès des pouvoirs publics.

Chacun sa croisade : la dictature de la minorité victime

Nos institutions s’enferment dans une logique structurelle de dépendance morale face au peuple. On remarque que le manque d’autorité légale de l’Etat laisse la place à d’autres formes d’autorité.

Lorsqu’un évènement survient, on se réfugie immédiatement dans la position de victime. Cela traduit un épuisement des ressources intellectuelles d’une société qui n’a plus aucun horizon. Dans une civilisation du selfie, de la mise en scène de soi, donc de la sur représentation de soi-même, Narcisse modernes, nous n’attendons plus la reconnaissance de nos pairs, ni de n’importe qui d’ailleurs. Qu’est-ce qui devient le référentiel essentiel de notre travail intellectuel quel qu’il soit : nous-même.

Cette montée de l’individualisme entraîne une polarisation des individus, des positions intellectuelles et politiques. La victimisation est un élément important de cette polarisation, puisqu’elle permet de la nourrir sans passer par des déclarations offensives. Ici les déclarations, positions prennent la forme d’une représentation toujours oppressive de la société française. Elles sont aussi marquées par l’absence d’humilité : placé sur un piédestal, on ne se remet que très peu en question. La vertu médiatique de la victime augmente à mesure qu’elle publicise son quotidien. Cela devient un statut presque enviable.

Dans un pays marqué par la désaffection des partis et des formes communautaires traditionnels, les attachements à d’autres entités moins institutionnalisées sont apparues. Il ne faut ainsi pas s’étonner si l’internet, à travers ses centaines de revendications catégorielles, a pris le dessus. Dans beaucoup de cas, nous avons remplacé un attachement à des institutions politiques établies par des engagements plus souples, bien moins contraignants ; Internet jouant un rôle de catalyseur. Ainsi « liker » une page, signer une pétition en ligne contre la loi Travail ou donner de l’argent à travers un portail de crowdfunding a pu s’apparenter à un nouveau type de militantisme low cost.

Mais Internet incarne surtout une société de plus en plus individualiste, où le moi remplace la communauté, encouragé par des institutions à la dérive.

Ce processus transfère le contrôle social de notre société vers des mouvements de revendication victimaires qui ensuite font avancer leurs idées auprès des hommes politiques, qui se retrouvent à courir après leur agenda. La publicisation de ces situations via Internet a enfermé l’Etat dans une nécessité de légiférer sans efficacité. Ça ne choque plus personne que l’on ait un secrétariat d’Etat aux Victimes.

La position de la victime a ceci de très pratique qu’elle permet d’avoir toujours raison, d’être dans son bon droit de manière absolue et non négociable

Nos institutions s’enferment dans une logique structurelle de dépendance morale face au peuple. Le manque d’autorité légale de l’Etat laisse la place à d’autres formes d’autorité.  Cette notion d’autorité en France passe dorénavant essentiellement par l’image qu’on en donne que par l’imposition d’une action à autrui. En France, l’imposition d’une volonté politique est entravée par une série de paramètres, notamment la propension à trouver des victimes de cette volonté politique. Il est évident que la satisfaction de chaque Français est impossible mais il s’agit de considérer le fait politique comme un processus itératif, demandant à chacun de faire un bout de chemin. C’est le point de vue qui créé l’objet disait Saussure. Ici, c’est le point de vue victimaire qui souvent créé le persécuté, dans un mélange d’emphase et d’exacerbation des positions.

Aussi contradictoire que cela puisse paraître, cette dictature de la victimisation infantilise et permet de s’imposer de manière expéditive. Ainsi le groupe, parlant au nom des victimes, sous couvert de protéger les sensibilités de chacun, seront en mesure de dire qui est autorisé à s’exprimer et qui ne l’est pas ainsi que les sujets à aborder. Ce biais est devenu très puissant en France, notamment sous le quinquennat de François Hollande. On a cette impression que ses équipes sont paralysées, prennent peur que chaque décision, chaque déclaration soit considérée comme une atteinte aux victimes, créées ex nihilo pour l’occasion.

La position de la victime a ceci de très pratique qu’elle permet d’avoir toujours raison, d’être dans son bon droit de manière absolue et non négociable, ce qui créé une certaine inertie, notamment quand la demande victimaire n’est pas pertinente. On est alors dans l’immobilisme car l’autocritique n’est jamais considérée. On devient alors un fonctionnaire du ministère de la victimisation en passant le concours, prenant ici la forme de la création d’une association. Mais lorsqu’on veut pérenniser un statut de victime alors que sa pertinence n’a plus guère de sens, la cuirasse se fissure.

Cette dictature de la minorité entraîne une intolérance du peuple d’autant plus importante que les hommes politiques cèdent face au brouhaha catégoriel. La grande majorité des Français souhaite vivre en toute tranquillité.

La redoutable efficacité de la minorité face à une majorité sceptique

Les associations en pointe parviennent à obtenir des résultats impressionnants, mais qui ne servent à rien du point de vue de l’intérêt général.

Mais les divers acteurs médiatiques se sont polarisés, adoptant des positions de plus en plus fermes et irréconciliables à l’égard d’un enjeu. Elles sont en effet artificiellement amplifiées, même si elles contiennent quelques éléments qui font sens. C’est aussi pernicieux pour la démocratie car cela produit une impossibilité d’arriver à une position modérée qui ferait consensus. Devant tout cela, l’exécutif est aux abois. Hollande tout au long de son quinquennat a accompagné ce mouvement de polarisation, commencé sous Sarkozy.

On lutte pour conserver son statut de victime, qui reste aujourd’hui la seule solution pour obtenir de nouveaux droits.  Les choses obtenues ne concernent toujours qu’une minorité, précisément et leur coût est supporté par une majorité qui ne profitera jamais de ces nouvelles avancées. Pire, ces avancées, étant donné qu’elles ne concernent qu’une minorité, vont constituer un champ de bataille pour obtenir ces aides et vont par conséquent encourager d’autres minorités à réclamer leur part du gâteau. Quelque chose. « On veut quelque chose » : cela résume souvent un mouvement de protestation en France. Les associations en pointe parviennent à obtenir des résultats impressionnants, cependant caducs du point de vue de l’intérêt général. Le but d’une association est de défendre son pré carré victimaire. Dans ce schéma, les Indigènes de la République ou les Indivisibles défendent les Arabes et les Noirs contre les Blancs, les LGBT défendent les LGBT, rejetant l’oppression que constituerait l’homme hétérosexuel. Les associations du logement défendent les locataires contre les propriétaires. On pourrait multiplier les exemples à l’envi.

Ce qui est cocasse, c’est que ces organismes sont en grande partie financés par cette majorité silencieuse, par le biais des impôts, de plus en plus lourds, sans rechigner. Elle s’est résignée à être prise à partie par une minorité agressive contre laquelle elle ne réagit guère. La majorité, faisant office de punching ball, accepte sans trop protester de se faire insulter. Cela n’empêche pas nos élites de sans cesse la faire parler, tout en l’appelant « majorité silencieuse »

Personne n’a plus à l’esprit le bien commun car tous se replient sur leurs intérêts, et tout cela produit une société politiquement divisée, socialement fragmentée. Il faut dire que cela permet d’avoir de bien meilleurs résultats pour son propre camp. L’épisode du Burkini s’apparente plus à une crise d’ados en mal de reconnaissance – certains Français musulmans –  qu’à une crise profonde de notre modèle. Il ne faut pas y voir trop de signifiants pour notre pays. Reste que les associations musulmanes telles que le CCIF sont parvenues à faire passer la France pour un pays islamophobe et raciste, avec l’aide de nos dirigeants politiques. L’ONU a ajouté son grain de sel pour aller dans leur sens. Le New-York Times en a fait un de ses combats.

C’est officiel : la France est aujourd’hui un des pays les plus intolérants à l’égard de l’islam en Occident. Pourquoi pas. Reste à savoir quel est le plus intolérant des deux. 

 

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Rémi Loriov

Rémi Loriov est un homme libre qui s'intéresse à tout. On dit souvent à son propos : "personne ne sait ce qu'il fait, mais il le fait très bien." Il aime les histoires.

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