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Les divertissements télévisés, surtout en access prime-time ou en deuxième partie de soirée, rencontrent un large public,  parce qu’ils trouvent un écho populaire.

Il faudrait remonter au Petit rapporteur pour déceler les premières farces télévisuelles, l’entrée dans la lucarne du rire, de la dérision, de la blague potache, jusqu’aux gags de Mickaël Youn dans le Morning Live de M6 en passant par la Méthode Cauet sur TF1. Si la mécanique du rire est, selon Bergson, enclenchée par la répétition, elle est toutefois davantage improvisée sur un plateau télévisé, parce que le petit écran a aussi pour mission de refléter la comédie de la vie.

Le memento mori des nouveaux rois du PAF

La bouffonnerie, au sens noble du terme, est devenue l’apanage du divertissement réussi. Nous songeons d’emblée à Laurent Baffie, premier « sniper » du PAF, fidèle acolyte de Thierry Ardisson, l’homme au sens de la vanne instantané qui déstabilise tant les puissants que la starlette de téléréalité, puis évidemment aux Jamel, Gad Elmaleh ou maintenant Gaspard Proust, ces Triboulet modernes, qui savent manier la répartie et poser la question qui dérange dans une émission.

Ils incarnent ce que furent naguère à Rome ces serviteurs placés derrière le général triomphant, chargés de lui murmurer selon Tertullien « Regarde autour de toi, et souviens-toi que tu n’es qu’un homme ». Le bouffon de l’an 2000, parmi les nouveaux rois venus en promotion, leur rappellent leur vanité à travers leurs traits d’esprit, parfois outranciers et suscitent l’adhésion du public. Ce qu’Alain Finkielkraut regrette, en dénonçant la dérision permanente des médias à l’égard des puissants, le peuple audiovisuel français le célèbre, parce que cette ironie est nécessaire : elle est salvatrice. Elle permet la décompression des rancœurs, des haines recuites et des frustrations, par un simple trait d’esprit.

Le comique n’est pas devenu, comme on l’entend souvent, plus fort que le roi, tout simplement parce que même au temps de François Ier, son fameux Triboulet était son unique conseiller, le seul à pouvoir le ridiculiser et à lui faire entendre raison par le rire. La télévision moderne est carnavalesque, parce que ses émissions emblématiques reposent sur une bouffonnerie bien comprise qui répond à une attente du public.

Le carnaval télévisuel face à l’ordre établi

Chez les Romains encore, les Saturnales constituaient les célébrations du solstice d’hiver, et étaient une période durant laquelle les  logiques étaient inversées. Le Maître n’avait ainsi plus d’emprise sur son esclave qui pouvait à son tour se grimer en chef. Nous trouvons d’ailleurs pareille inversion systématique des valeurs dans l’analyse de Mikhaïl Bakhtine, François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, à travers laquelle il démontre que le carnaval s’inspirait des festivités romaines pour renverser de manière temporaire l’ordre établi.

Il est frappant de constater qu’un tel symbole se retrouve dans les divertissements télévisés, comme par exemple dans Vendredi tout est permis, la deuxième partie du Grand journal et bien sûr Touche pas à mon poste. Ainsi n’est-il pas rare de voir le journaliste politique Jean-Michel Apathie participer à un sketch, de s’amuser devant un invité qui reçoit un poulpe sur la tête de la part d’Arthur ou de rire des facéties de Cyril Hanouna.

Parce qu’en effet,l’effet comique d’Hanouna puise sa source dans cette antique tradition populaire et folklorique dont le symbole le plus visible est le déguisement. Aussi brillant soit-il, Gilles Verdez doit enfiler de temps à autre un costume d’animal pour revenir sur le plateau. Aussi précieux soit-il dans ses analyses médiatiques, Thierry Moreau est bien souvent contraint de se grimer et d’analyser les audiences déguisé en grenouille. Le nouveau, Emmanuel Maubert, n’a d’ailleurs pas dérogé à la règle.

Cyril Hanouna tire son insolence de Rome, de l’époque médiévale et de la Renaissance. Si ce programme marche, c’est parce qu’il est une fête quotidienne qui célèbre une inversion provisoire de la hiérarchie durant laquelle la pesanteur de l’esprit sérieux est bannie.

Le bouffon moderne est donc toujours auréolé de gloire, même dans la lucarne. Le Triboulet cathodique est à la fois en mesure de décontenancer les puissants comme il sait reprendre à son compte une tradition populaire millénaire, bien loin des clowns tristes qui les méprisent face à un auditoire vide.

Julien de Rubempré

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Julien Leclercq

Fondateur du Nouveau Cénacle et auteur de "Catholique débutant" paru aux éditions Tallandier.

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