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Le professeur Berurier entame l’année 2014 sur les chapeaux de roues.

Lundi

Sacrosaint groupe nominal entendu tout au long de la journée : « bonne année ». J’ai remarqué quelque chose de comique : presque tout le monde revient avec sa phrase, sa petite anecdote à raconter, comme réponse à la question « alors ces vacances ? » :

« M’en parle pas, ma mère s’est cassé le fémur, alors bonjour les vacances. »

Ou encore :

« Ca ne m’était pas arrivé depuis au moins deux ans, je n’ai pas allumé mon ordinateur pendant quinze jours ».

J’ai entendu cette seconde phrase onze fois dans la journée. Les élèves entament cette rentrée avec bonne volonté, l’ambiance est au travail et au sérieux.

Mardi

Retour d’un certain bazar généralisé selon les heures clés de la journée. Routine.

Jeudi

En arrivant à 7h30, heure à laquelle d’habitude je suis seul, je croise une collègue qui bavardait avec la photocopieuse :

« Mais qu’est-ce qu’elle est conne cette machine, mais c’est pas possible…Putain mais putain… »

Elle sort de la salle des professeurs après avoir mis un coup de poing sur la machine en question.

Plus tard dans la journée, la photocopieuse ne fonctionne plus ; il faut utiliser la machine du secrétariat. La secrétaire m’explique comment elle vient tout juste de se faire traiter de « sale pute » par une élève. La secrétaire a refusé de lui ouvrir la porte de la cantine avant l’heure Une élève non francophone m’a demandé pourquoi la langue française regorgeait de mots arabes. L’explication a été difficile à livrer.

Vendredi

Je demande à une classe de troisième de me dresser une liste de duos célèbres à étudier dans le cadre de la lecture du roman de John Steinbeck, Des souris et des hommes. Entre Omar et Fred d’un côté et Eric et Ramzy de l’autre, je n’ai eu droit qu’à des duos venant de films ou séries télévisées diffusés sur la chaine Disney Channel : Dora l’exploratrice et son singe Babouche, Boule et Bill, Garfield et son chien, Hannah Montana et sa meilleure amie. Un élève a cité Astérix et Obélix.

Sur vingt quatre élèves, aucun n’a reconnu la photo de Laurel et Hardy que j’ai distribuée.

Dans la salle des professeurs, une enseignante explique qu’elle ne comprend pas comment brancher sa nouvelle box d’accès à Internet. Une collègue de technologie lui promet qu’elle viendra l’aider.

Une collègue de français approchant la soixantaine et ayant fait toute sa carrière dans le collège ne comprend pas l’intérêt de rendre aux élèves les brevets blancs passés avant les vacances. La principale adjointe essaie sans doute encore de lui expliquer l’utilité d’une tentative de remédier aux difficultés des élèves par l’observation de leurs erreurs.

Un jeune élève de cinquième qui hurlait dans les couloirs n’a pas voulu s’arrêter à ma demande. Quand je l’ai collé contre le mur pour qu’il cesse de m’ignorer, il m’a lancé poliment :

« Touchez-moi pas, s’il vous plait ».

Christophe Bérurier 

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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