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La chronique hebdomadaire de Christophe Bérurier, professeur de français en ZEP.

Lundi

Je retrouve la classe de troisième et l’élève qui ont terminé la semaine précédente. Une majorité des élèves est absente car c’est la semaine des stages. Je n’ai pas été prévenu du nom des stagiaires.

Une fois entrés en classe, les huit élèves présents s’installent. Je confisque trois paires d’écouteurs encore sur les oreilles en rappelant aux élèves qu’il leur est interdit d’en faire usage à l’intérieur du bâtiment.

Ne souhaitant pas faire comme si rien ne s’était passé, je parle de l’incident :

« Afin que ce qui s’est passé vendredi ne se reproduise plus jusqu’à la fin de l’année, je préfère recadrer certaines choses. Puisque l’on s’est accordés sur l’idée que le respect devait être mutuel, j’ai décidé de noter et de signaler tous les manquements que je pourrai remarquer à l’avenir. Vous êtes prévenus. Puisque vous vous montrez demandeurs pointilleux de respect, il me semble juste que j’en fasse autant. »

Il n’y a eu aucunes questions. Il y a eu plusieurs rapports rédigés à la fin de l’heure.

La semaine dernière a eu lieu le conseil de discipline d’un des élèves dont je suis le professeur principal. La décision prise est l’exclusion avec sursis. Je dois expliquer à la classe ce que signifie cette sanction.

L’élève revient donc aujourd’hui. Il se montre plus bavard qu’il ne l’a jamais été.

Déplacer un élève problématique vers un autre établissement ne sert à rien.

Lui montrer que l’Education nationale lui laissera toujours une autre chance ne sert à rien non plus.

Le constrictor se mord la queue.

 Mardi

Rien à signaler

Jeudi

 En arrivant en salle des professeurs une affiche annonce le décès d’un collègue retraité depuis plusieurs années. Ce collègue a passé près de 35 années d’enseignement dans l’établissement. Les conseils de classe prévus le jour de l’enterrement sont reportés.

Une réunion est improvisée sur l’heure de midi. Les professeurs de ma classe se plaignent de la décision du conseil de discipline. Le chef d’établissement reçoit toute l’équipe d’enseignants pour tenter d’expliciter.

Les professeurs expliquent au principal que les élèves ne ressentent pas le conseil de discipline comme une sanction en soi. Il répond que l’heure de vie de classe des professeurs principaux sert à expliquer ce genre de chose aux élèves. Je prends la parole pour lui rappeler qu’il n’y a pas d’heure de vie de classe dans les emplois du temps et que pour ma part j’utilise parfois une partie d’un cours pour improviser une demie heure de vie de classe. Le chef d’établissement me dit que cela lui pose problème. Je lui répète l’absence d’heure prévue dans les plannings. « C’est un problème qu’il faudrait régler, me répond-il. »

Les collègues de langues m’ont expliqué qu’eux ne pouvaient pas se permettre de prendre quelques minutes de leur cours pour parler avec les élèves tant leur programme est chargé. Celui de français ne semble donc pas si chargé ai-je pensé.  J’ai répondu par un haussement d’épaules et suis parti.

 Vendredi

Sortie au cinéma avec une classe de quatrième. L’attitude est positive même si les élèves ont trouvé que le manque d’action était trop grand. C’était un film des frères Dardenne.

 Une élève de troisième aux résultats faibles mais à l’investissement important vient me voir.

« Monsieur, comment je pourrais faire pour être plus à l’aise quand je prends la parole ou quand j’écris, je veux dire, trouver les bons mots, bien dire ce que j’ai dans la tête ?

— Est-ce que tu parles français à la maison ? je demande, sachant que cette élève est d’origine étrangère et que sa famille n’est pas en France depuis longtemps, et tes parents ils parlent bien le français ou…?

— Mon père parle un peu mais pas ma mère, me répond l’élève gênée.

— Et la télévision c’est comment ?

— Le matin les dessins animés c’est en français et sinon l’après midi et le soir c’est les chaines de mon pays…

— D’abord n’allume pas la télévision le matin. Pour être plus à l’aise dans la langue il faut que tu aies un rapport régulier, quotidien et charnel avec elle.  Donc lis des livres, même des livres très simples, écoute la radio, regarde des films français, des vieux de préférence, cela te cultivera. Mais il faut le faire très souvent et cela doit devenir une habitude. Tu vas avoir beaucoup de travail, sois courageuse.

Cette élève veut devenir magistrate.

 Bonus vulgarité :

Un collègue explique qu’une élève veut arrêter l’atelier de médiation car, dit-elle, « la médiation c’est dur dur parfois ». Un autre collègue lui a lancé « Heureusement qu’elle n’a pas encore connu la sodomie. »

Christophe Bérurier

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Christophe Berurier

Christophe Berurier est professeur. Il aime les mots et le vélo.

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