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En littérature, nous mettons souvent l’accent sur la qualité de la plume. Lucas Corvée, 23 ans, la dompte, la maîtrise, la façonne et la bonifie. 

A quelques jours des Internationaux de France de Badminton, le nouveau champion de France part pour une nouvelle saison, raquettes et plumes dans le sac, afin de confirmer toutes les attentes autour de lui depuis son plus jeune âge. Portrait d’un homme à part dans un monde à part.

C’était le samedi 6 février 2016, la KinderArena allait trembler. L’octuple Champion de France et numéro 1 français Brice Leverdez devait laisser son trône, battu en demie-finale par ce qui allait être le lendemain le nouveau champion de France Lucas Corvée. Après deux finales perdues en 2013 et 2015 face au cristolien, Lucas Corvée pouvait exulter après 65 minutes de jeu, sans doute sa plus belle victoire de sa jeune carrière. Sûr de sa force il battra son « pote » talençais Lucas Claerbout le lendemain. Sur ses terres, celles de la normandie, et devant sa famille qui est un moteur essentiel à sa vie sportive et personnelle, il pouvait célébrer avec émotion un titre promis depuis sa tendre enfance. Encore fallait-il avoir les épaules assez larges pour assumer tous les espoirs placés en lui.

Le badminton, une histoire familiale

Ainé d’une fratrie de trois frangins, Lucas n’est pas le seul à parcourir les gymnases avec talent, le second Jordan est aussi en équipe de France sénior, le troisième Samy suit le même chemin.

Lucas Corvée et le badminton c’est avant tout une grande histoire d’amour et familiale. Implantée tout d’abord dans le club d’Alençon sa maman, Corinne, est reconnue dans le milieu. Ancienne pensionnaire de l’équipe de France, elle faisait partie de la préparation olympique aux JO de Barcelone en 1992. Lucas n’hésite pas à la désigner comme la plus importante dans son parcours sportif, celle qui lui aura donné sans aucun doute des clés pour façonner son parcours jusqu’au haut niveau. Le papa Stéphane est lui aussi un habitué des gymnases, plus présent dans des fonctions dirigeantes. Ce dernier, pilier de la famille a su rendre possible toute cette folie amoureuse autour du badminton. Ainé d’une fratrie de trois frangins, Lucas n’est pas le seul à parcourir les gymnases avec talent, le second Jordan est aussi en équipe de France sénior, le troisième Samy suit le même chemin. Alors oui, Lucas fut bercé aux sons des plumes venant caresser (parfois) le tamis. Ce nid familial et cet héritage ont déclenché cette passion, celle qui animera définitivement sa vie. Ce genre de passion qui vous happe, vous hante, vous amène aux sacrifices afin de vivre totalement avec elle. Dès son plus jeune âge, Lucas montrait des dispositions pour ce sport. Ses parents n’hésitent pas à lancer des anecdotes: « déjà à un an et demi, il avait la raquette et le volant en main » Prédisposé, coordonné, la gestion de son corps n’était pas un souci. Habile, doté d’une morphologie longiligne, Lucas avait déjà le physique approprié. Alors les résultats ne tardent pas à suivre. Mais Lucas ne montre pas seulement des jolies choses plumes en main, les résultats apparaissent aussi en tennis. Celui qui était 15/1 à seulement 12 ans a dû choisir très vite son terrain de jeu, les plumes ou la balle. La légèreté aura le dernier mot. Après un choix compliqué, l’aspect convivial, le titre de champion de France benjamin à Grenoble et un stage au Creps de Dinard auront raison de la balle jaune. Mais toutes ces années de tennis lui auront servies. Bertrand Louvet, son entraineur des sélections basses-normandes, lâche sans hésiter « sans doute que la culture de l’entraînement qui est importante au tennis lui aura été bénéfique » avant d’ajouter « on voyait tout de suite que c’était un champion ». 

Le talent avec humilité

Sportivement, Lucas à un parcours exemplaire, malgré des attentes et un héritage lourd à porter. Entre le pôle espoir de Dinard, le pôle France de Talence, Lucas est arrivé à 18 ans dans l’antre célèbre des champions Français, L’INSEP.

Mais avant toute chose, c’est l’individu qui frappe, qui marque. Lucas est un calme, aimable, souriant, loin des préjugés du sportif égocentrique. Son entourage peint un portrait agréable d’un enfant sociable, gentil, peu expressif mais avec des valeurs qui l’amèneront à recevoir des éloges unanimes. Lucas n’est pas un personnage clivant bien au contraire. Le temps ne l’a pas changé. Bien sûr, ses objectifs, sa carrière l’amènent à être beaucoup plus centré sur lui même, mais Lucas n’est pas du genre à oublier d’où il vient. Bertrand Louvet parle d’un jeune « reconnaissant envers ceux qui l’ont accompagné, par exemple, il a fait appel à moi pour le coacher sur la sélection interne de l’équipe de France pour la Thomas cup (compétition internationale par équipe), il est aussi très attaché à ses racines normandes. » Quand il peut aider, Lucas, le fait avec grand plaisir, l’an passé par exemple il était parrain d’une classe de badminton d’une école primaire de la ville d’Argentan, dans l’Orne.

Sportivement, Lucas à un parcours exemplaire, malgré des attentes et un héritage lourd à porter. Entre le pôle espoir de Dinard, le pôle France de Talence, Lucas est arrivé à 18 ans dans l’antre célèbre des champions Français, L’INSEP. Tout n’a pas été simple, mais travailleur, attentif, persévérant Lucas se montre à son avantage lors des compétitions internationales. Avant son titre en Belgique, 6 finales avaient été perdues, ainsi que deux finales lors de la compétition phare sur le plan national. Lucas est en progrès, Bertrand Louvet note une progression technique importante depuis l’arrivée de la légende danoise Peter Gade. Lui, le prodige de la plume, celui qui incarne l’élégance, le diamant brut, commence à réellement associer l’efficacité. Thibault Pillet son entraineur actuel, qui collabore avec le danois, dresse un bilan des forces et des faiblesses du pensionnaire du club d’Issy-les-Moulineaux, un joueur très fort sur le jeu à plat, sur le jeu dans la zone avant du filet mais aussi un joueur possédant une magnifique vision du jeu. Thibault Pillet indique aussi que le prodige ornais doit progresser sur ses entames de match, sur sa régularité quant à  son application d’un plan de jeu face aux meilleurs mondiaux mais aussi le fait de prendre confiance sur certains coups que Lucas trouve encore fébriles. Notamment les amortis et les revers slices que les initiés connaissent bien. Lucas, cette force tranquille, n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de gagner, il aime ça, il le souhaite. Celui qui entame un master en management, sait où il va. Cette nouvelle saison commence bien pour celui que Thibault Pillet considère comme le plus doué de l’INSEP sur le plan technique. On espère ainsi que le tournoi le plus important, qui s’ouvre la semaine prochaine, soit pour lui une réussite car il le mérite. L’occasion pour moi de vous offrir quelques mots avec celui qui caresse la plume avec sentiment, à l’instar de Stefan Zweig avec les lettres.

Salut Lucas, comment vas-tu en ce début de saison, sur le plan sportif mais aussi personnel?

Je suis très satisfait de mon début de saison pour de nombreuses raisons. Ma victoire en Belgique est bien évidemment la raison principale. Hormis les résultats, je ressens surtout de la progression dans mon jeu depuis la fin de saison dernière et je suis content de voir que ce n’était pas passager. Je pense que mon niveau est même supérieur. Mes 6 semaines d’entraînements intensifs ont été très bonnes et c’est très agréable de pouvoir en ressentir les bénéfices dès le début de la saison. J’ai également commencé une formation universitaire à distance – Ecole de Management de Grenoble – qui me plaît beaucoup.

On t’a vu à ton aise en Belgique avec une victoire à la clé, un quart à Prague, et un huitième en Hollande, est ce le début de saison espéré?

En effet je ne pouvais pas rêver meilleur début de saison que de remporter l’international Challenge de Belgique. Concernant mes 2 autres tournois, je suis relativement satisfait à nouveau du niveau de jeu produit, bien que je reste très déçu de ne pas avoir pu aller plus loin. Je suis stoppé contre des joueurs plus forts que moi à l’heure actuelle (Abian –Top 30 et Holst Top 40), mais je sais ce qu’il me reste à faire pour espérer remporter ce genre de matchs. 

Revenons avant tout sur une victoire importante, celle de ton titre de Champion de France sur tes terres, comment l’as tu vécue, surtout que c’est une victoire historique puisque tu as mis fin à l’hégémonie de Brice et ses 8 victoires d’affilée.

C’était une grande fierté de pouvoir remporter mon 1er titre de champion de France et de succéder à Brice après toutes ses victoires. De le faire en Normandie a forcément une saveur particulière pour moi. Ce sont les résultats qui restent, et je suis heureux d’avoir laissé mon nom à ce palmarès. Pour être honnête, je ne sais pas si cela changera quelque chose pour la suite de ma carrière, mais je peux m’apercevoir que 8 mois après, de très belles choses sont arrivées. C’est sans aucun doute ma période la plus fructueuse et complète de ma carrière jusqu’à maintenant. Ce titre m’a apporté l’envie de faire plus, l’envie d’accomplir plus !

Comme c’est indiqué dans l’article, tu as eu beaucoup de pression depuis ton plus jeune âge, avec beaucoup d’espoirs placés en toi mais aussi un héritage important avec l’histoire de ta famille dans le badminton, ça n’a pas dû être toujours très simple non?

Je ne peux pas me plaindre de ça. Je pense que le fait d’avoir autant de personnes qui croient en moi est un atout considérable et pas l’inverse. J’ai pu ressentir ce genre de pression dans mes premières années en tant que sénior, mais j’ai eu la chance d’être entouré par des personnes qui ont su m’aider à prendre du recul sur cette pression négative, que je me mettais tout seul finalement. 

Parlons un peu d’actualité pour toi, il y a eu un changement à la tête de l’équipe de France avec notamment un nom très connu dans le badminton mondial, Peter Gade, considéré pour beaucoup comme une légende de ce sport, mais aussi Thibault Pillet que tu connais bien puisque bas-normand comme toi. Peux tu nous indiquer quelle relation tu as avec eux mais aussi ce qu’ils t’apportent.

Ce sont depuis plus d’un an maintenant mes entraîneurs. Le staff a complètement été remanié. Les premiers mois ont été ceux de la découverte et du changement, aussi bien avec Peter qu’avec Thibault. Malgré le fait que je connaisse Thibault depuis très jeune, nous nous sommes retrouvés dans un univers complètement différent. La préparation physique, mise en place par Joran Love, a aussi été un domaine nouveau qu’il a fallu découvrir. Je pense sincèrement que mes résultats sont meilleurs depuis février dernier car nos relations sont maintenant bien ancrées. Nous nous connaissons davantage et il y a une confiance mutuelle les uns envers les autres qui s’est installée. Je sens que beaucoup de positif ressort désormais de notre travail et des échanges que nous pouvons avoir. 

Bertrand Louvet, qui te connaît parfaitement disait que tu avais énormément progressé sur le plan technique notamment l’an passé, partages-tu cet avis?

C’est vrai. Je fais beaucoup de séances axées sur l’aspect technique et Peter est un vrai technicien dans la discipline. Il y a toujours quelque chose à améliorer techniquement. Je pense aussi avoir très bien travaillé physiquement, ce qui m’a permis d’améliorer différents aspects de mon jeu. 

Quels sont tes objectifs pour cette saison? Tu as beaucoup de points à défendre?

Je me suis fixé en juin dernier avec mes entraîneurs l’objectif top 40 au classement mondial en avril prochain, et d’entrer dans le top 30 et circuit superseries l’année d’après. L’objectif de gagner mon 1er tournoi également, c’est chose faite. Concernant mes points, bien sûr que j’en ai à défendre mais j’en ai surtout beaucoup à gagner.

Les internationaux de France arrivent, comment te sens-tu avant d’aborder ce tournoi, quel objectif as-tu fixé pour ce tournoi qui doit être un évènement forcément particulier pour toi?

J’ai décidé de faire l’impasse sur le Danemark, Superseries précédent les IFB dans lequel j’étais dans les qualifications, pour me préparer de la meilleure façon possible pour Paris. Je suis tout juste rentré dans les qualifications à la dernière minute, je suis conscient que peu importe contre qui je jouerai, le match sera très dur et je ne serai pas favori. Je peux juste me concentrer sur ma préparation et les aspects sur lesquels je peux avoir une influence. On verra ensuite le résultat, l’objectif est vraiment de pouvoir jouer mon meilleur niveau possible et je suis sûr que de belles choses peuvent se passer.

Yorel

Yorel

Éducateur spécialisé dans la région bordelaise. Je jongle entre trois histoires : la littérature, le sport et les femmes. Le reste n'est que futilité.

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