Brillant vainqueur du premier Master 1000 de la saison, Rafael Nadal a impressionné tous les observateurs.
On l’avait quitté (très) déçu, agacé et surtout épuisé, au terme d’un chemin de croix face au modeste Tchèque Lukas Rosol, centième joueur mondial, dès le deuxième tour des Internationaux de Grande-Bretagne. La mine défaite après un combat en cinq manches, « Rafa » avait mal au(x) genou(x). Il était aussi harassé après sa nouvelle victoire à Roland-Garros, à l’issue d’une finale disputée sur deux jours en raison de la pluie. Une finale à l’enjeu et à la tension considérables entre les deux meilleurs joueurs des deux saisons écoulées. Historique aussi puisqu’elle priva Novak Djokovic, numéro un mondial, d’un Grand Chelem sur deux saisons. Par là même, l’Espagnol s’imposait de son côté pour la septième fois Porte d’Auteuil, record absolu.
L’exploit tout juste célébré, il fallait déjà repartir à l’assaut. Reconquérir Londres, après sa défaite en finale contre… Novak Djokovic en 2011, la deuxième d’une série inédite dans l’ère Open de trois revers de rang le dernier dimanche d’un Grand Chelem face à un même joueur. Réussir pour la troisième fois ce doublé sur lequel les Pete Sampras, Andre Agassi, Stefan Edberg, Boris Becker et autres Ivan Lendl se sont toujours cassé les dents. Las ! Une très vilaine blessure en a décidé autrement et le taureau de Manacor a dû se résigner à renoncer, entre autres, à l’US Open et à une finale de Coupe Davis que, considérant son ratio exceptionnel dans cette compétition, l’Espagne aurait sans doute gagnée s’il avait pu y prendre part.
Plusieurs fois différé – il était originellement prévu pour une exhibition à Abu Dhabi (Emirats Arabes Unis), puis lors du tournoi de Doha et enfin à l’Open d’Australie, où il devait défendre une place de finaliste -, le retour de l’ogre majorquin a au bout du compte eu lieu à Vina del Mar (Chili). Sur terre battue, sa surface de prédilection. Battu d’extrême justesse en finale par le modeste argentin Horacio Zeballos à l’issue d’une semaine encourageante, « Rafa » s’est vengé, et de quelle façon, à Sao Paulo (Brésil) puis Acapulco (Mexique), remportant ces deux épreuves et s’offrant même le luxe d’infliger un retentissant 6/0, 6/2 à son compatriote David Ferrer, pourtant très loin d’être le premier venu, en finale dans la station balnéaire mexicaine.
Dans le dur
Ce devait cependant être une toute autre musique à Indian Wells (Etats-Unis, Californie), théâtre du premier Master 1000 de la saison. On promettait en tout cas l’enfer aux genoux si longtemps martyrisés de Rafael Nadal, sur une surface en dur que lui-même redoutait au plus haut point. Pour ce premier grand rendez-vous de la saison depuis l’Open d’Australie, en présence de tout le gotha, l’Espagnol s’est sublimé, disposant en deux sets nets et sans bavure de son meilleur ennemi Roger Federer en quarts de finale, du Tchèque Tomas Berdych, également en deux manches, et en finale de l’Argentin Juan Martin Del Potro, lequel avait préalablement « fait le ménage » en écartant Andy Murray et « Djoko », soit les deux finalistes à Melbourne.
Peut-être fatigué par les efforts consentis lors des deux tours précédents, le vainqueur de l’US Open 2009 s’est détaché 6/4, 3-1 avant d’être rattrapé puis dépassé par la patrouille. Très convaincant d’un bout à l’autre du tournoi, Rafael Nadal aurait eu tort de bouder son plaisir. Titré pour la troisième fois en Californie, vainqueur de trois des quatre derniers tournois qu’il a disputés, il a accessoirement repris la quatrième place du classement ATP laissée à David Ferrer.
Insatiable, mais raisonnable, le septuple lauréat des Internationaux de France a choisi de faire l’impasse sur Miami. Il reprendra la compétition à Monte-Carlo, l’un de ses tournois fétiches. Octuple tenant du titre (!), « Rafa » investira la Principauté rassuré sur son état de forme et, une nouvelle fois, dans la peau du grand favori de la saison européenne sur terre battue.
A ce stade, si tant est bien sûr que son organisme laisse le guerrier insulaire démolir l’adversité en paix, on voit mal en effet qui pourra le battre jusqu’à Wimbledon. David Ferrer semble nourrir un complexe d’infériorité définitif, tandis qu’Andy Murray, exception faite d’une demi-finale à Roland-Garros il y a deux ans, n’a jusqu’ici jamais obtenu de résultat probant sur brique pilée. Roger Federer, lui, n’a toujours pas remporté le moindre tournoi cette année et la question de sa motivation se pose, étant entendu qu’il a tout gagné (sauf les Jeux Olympiques en simple et la Coupe Davis) et va sur ses trente-deux printemps. Reste bien sûr Novak Djokovic, qui sut trouver la clef en 2011, mais n’a encore jamais battu Rafael Nadal aux Internationaux de France.
Encore une fois, Roland-Garros lui tend les bras. Et comme sa détermination quasi-inhumaine paraît intacte, on peut compter sur « Rafa » pour encore repousser les limites de son sport.
Guillaume DUHAMEL